Le chrétien peut-il faire la grève ?

 Dans Christ Seul, Stimuler

Les grèves de novembre 2007 en France sont loin… avant les suivantes… Au-delà des perturbations provoquées, que penser de ce moyen d’expression ? Réflexion et témoignage.

 

EXPRESSION DU PLUS FAIBLE

Toute société s’organise pour régler les conflits qui la traversent et pour ménager un droit d’expression au plus faible. Cela ne nous choque pas qu’Esther soit intervenue auprès de l’empereur du moment pour intercéder en faveur de son peuple. Néhémie a fait la même chose. Paul, lorsqu’il s’est retrouvé en procès, a usé des arguments juridiques qui existaient à son époque pour défendre sa cause. Paul et Jacques ont interpellé les maîtres d’esclaves et les riches pour qu’ils changent d’attitude. C’est ainsi que les choses se faisaient dans les sociétés d’autrefois. Le sort des plus faibles dépendait de la bienveillance des plus forts et, pour faire entendre leur voix, les faibles devaient adresser une supplique personnalisée à ceux dont leur sort dépendait. La soumission aux autorités que les apôtres ont recommandée n’a pas exclu des réclamations diverses, pour peu que ces réclamations respectent le cadre normal de la société de l’époque. Même dans l’Église primitive, il n’a pas paru choquant que certains récriminent (Actes 6), parce que leurs veuves n’étaient pas suffisamment prises en compte.

PROTESTATION NON-VIOLENTE

Les sociétés où le travail est régi par le salariat ont compensé le statut subordonné des salariés en organisant différentes instances de concertation et en octroyant, sous certaines conditions, le droit de grève qui est, notons-le, une forme de protestation non-violente qui a été autorisée, souvent, suite à des tueries à balles réelles. La participation du chrétien à de telles formes d’action me semble donc être dans la ligne des cas que j’ai cités ci-dessus.

GESTE COLLECTIF

Ce qu’il faut bien voir, c’est que la grève n’est pas un geste individuel. C’est un geste collectif. Les salariés protestent collectivement, et pas nécessairement pour eux-mêmes en particulier, contre des conditions de travail dangereuses ou indignes, contre un niveau de rémunération qu’ils considèrent comme injuste, contre des sanctions qu’ils estiment injustifiées. Ils engagent d’ailleurs d’autres qu’eux-mêmes et, en particulier, ceux qui les suivront dans l’avenir. Nous sommes tous au bénéfice des grèves contre les conditions de travail dangereuses qui ont été menées par nos devanciers.

MOTIFS

Il est clair, évidemment, que l’on peut participer à une grève par égoïsme, par haine ou par envie. Il est important d’examiner les motifs que l’on a de se joindre à une grève. Faire grève ne dispense pas d’aimer son adversaire et de parler de lui en termes respectueux. Mais faire grève, c’est aussi courir des risques personnels (perdre de l’argent, se faire mal voir par son chef, être marginalisé dans l’entreprise) au bénéfice des autres. Et est-il juste de toujours nous dérober lorsque nos collègues ont besoin de nous pour témoigner d’une injustice ? Il faut aussi se poser la question.

 

« JE PARTICIPE PEU AUX GRÈVES » – TÉMOIGNAGE D’UN INSTITUTEUR
Participer ou ne pas participer à telle grève ? Hésitations et réflexions.
Je n’ai pas de problème de principe pour participer à une grève. L’Eglise, même minoritaire, doit être une sentinelle visible dans la société et la grève est un moyen de s’exprimer. Où était l’Eglise quand le parti communiste a commencé à écrire l’histoire du XXe siècle en prenant à son compte les graves problèmes sociaux de l’époque?
Je crois cependant qu’il faut m’engager avec prudence et clairvoyance.
Ma revendication sert-elle la justice et dois-je plutôt renoncer à un droit acquis pour cela ? Dans une société de l’argent tout puissant, ma grève détruit-elle ou construitelle ? Est-ce que je réagis par esprit de parti ou par égoïsme, et aurais-je le même engagement, tel l’abbé Pierre ou William Booth, s’il fallait lutter pour le droit des autres, y compris les miséreux, les sans toit, les faibles?
Je ne suis pas syndiqué, car je crains d’être embrigadé par des corporatismes ; mais hélas, dans notre société française au dialogue social faible, il n’existe pas de réel contre-pouvoir. Dois-je pour autant adopter l’attitude de l’autruche ? Questions difficiles qui expliquent que je participe peu aux grèves car « tout ce qui n’est pas le produit d’une conviction est péché ». (Rm 14,23).
M. K., INSTITUTEUR

 

GRÈVES EN CROISSANCE…
La conflictualité du travail s’est intensifiée au cours de la dernière décennie. Entre 2002 et 2004, 30 % des établissements de plus de vingt salariés ont connu au moins un conflit collectif ; ils étaient 21 % entre 1996 et 1998. Les conflits ont davantage porté sur les salaires et sur le temps de travail. En 2004, 193 423 journées individuelles non travaillées ont été recensées par l’inspection du travail dans le secteur privé. En 2005, on a compté 1,3 million de journées de grève dans la fonction publique.
SOURCE : MINISTÈRE DU TRAVAIL, INSEE

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