Lorsque le vent souffle
Lorsque l’on est confronté de près aux éléments de la nature, ils nous parlent de nous et pourquoi pas de Dieu.
Lorsque l’on est confronté de près aux éléments de la nature, ils nous parlent de nous et pourquoi pas de Dieu.
L’image de ce mois est composée de sept photos différentes. Mais ces sept photos représentent exactement les mêmes collines au bout de la même plaine. Sur ces collines, cependant, l’ombre d’un nuage passe, et, suivant les moments, cette ombre noircit, plus ou moins largement, une partie du relief.
Je me trouve sur un plateau balayé par le vent, aux portes d’un petit village où je me suis arrêté pour la nuit. J’entends le souffle bruyant qui fait se plier les arbres dans les rues mêmes du village. Lorsque je sors de l’abri des maisons, j’ai l’impression de me trouver au bord de la mer. Bien que le soleil brille largement, je dois garder mon coupe-vent pour ne pas peler de froid. Ce vent du nord-est me glace. La nature entière semble emportée dans le tourbillon qui m’enveloppe. Dans le ciel, les nuages se succèdent à grande vitesse. Les photos qui sont reproduites ont été prises dans l’espace de moins de cinq minutes.
Malgré les conditions météorologiques inhospitalières, je reste de longues minutes, transporté par le spectacle des paquets d’ombre qui défilent, comme des vagues gigantesques, et qui, par moments, me submergent en me masquant le soleil.
Je suis un microbe, un atome, dans ce flux qui me dépasse de très haut.
Dieu use de cette image des fluides qui déferlent pour situer Job à sa juste place, tout en lui signifiant qu’il n’est pas abandonné face à ces forces qui le dépassent et que lui, Dieu, a posé une limite aux destructions qui menacent Job.
C’est toute la complexité du livre de Job et de la réponse de Dieu, qui en est ici à ses débuts.
Je ne suis pas dans une situation aussi dramatique que celle de Job. Mais il faut quand même accepter une certaine fragilité pour devenir disponible à de telles réalités. Si j’étais passé en voiture, je n’aurais rien vu de ce tableau et j’aurais à peine senti la force du vent au travers de la direction assistée. Il se trouve que je suis arrivé ici à pied et que j’en repartirai à pied. Il se trouve que j’ai du temps, dans ce petit village et que rien des occupations habituelles de la grande ville ne m’absorbe. Je n’ai accès ni à la télévision, ni à Internet, ni à un journal rédigé en français. J’ai même oublié mon téléphone portable en partant de chez moi.
Avec ce vent à décorner les boeufs et ce spectacle grandiose, Dieu me parle autant de ma précarité que de son amour qui surpasse toute intelligence. Je le sens proche de moi, en ce moment privilégié. Il me dit quelque chose de direct et d’abrupt, mais, pourtant, non dépourvu de sensibilité. Il me parle de ma vie et des coups de balai qu’il y donne, qu’il y donnera. [c][b]COUP DE BALAI ET DOUCEUR[/c][/b]L’image du vent puissant a été employée, dans la Bible, pour parler du Saint-Esprit : il nous emporte, il nous transporte, il fait de nous quelqu’un d’autre. Jésus encore, parlant à Nicodème, parle du « vent qui souffle où il veut », « et tu entends sa voix, dit-il, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va », « et il en est ainsi, dit-il encore, de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3.8). Or, il y a un paradoxe dans la représentation de l’Esprit : le même évangile de Jean en parlera plus loin comme du « consolateur », ce qui nous fait plutôt penser à une brise légère et rafraîchissante. Grand vent ou petite brise ?
On retrouve le même paradoxe lorsque Dieu répond à Job « du sein de l’ouragan » (Jb 38.1) : il surgit dans la puissance et il se fait proximité aimante et consolante.
En revoyant ces photos rapprochées les unes des autres, je me souviens très précisément de la « voix » du vent, ce jour-là. Je me souviens, en effet, de cette double sensation d’une puissance qui me dépasse, et d’une présence sensible qui me faisait signe. Je me souviens du village où je m’étais arrêté : un petit village simple, sympathique et chaleureux. Je me souviens des quelques personnes que j’ai rencontrées ce jour-là. C’était un moment privilégié, une halte bienfaisante, posée au milieu de mon cheminement.
Dieu m’a fait signe, ce jour-là, au travers de ce lieu, au travers de cette scène grandiose. Il est venu dans sa grâce et dans sa légèreté.
En voyant ces ombres qui passent, comment ne pas penser aux événements qui ont traversé ma vie, puis qui se sont effacés ? En ce jour, Dieu m’a aidé à me faire moi-même mobile, à ne pas m’arrêter sur mes frustrations et mes regrets, à passer, à aller au-delà. Il m’a encouragé à poursuivre ma marche. [c][b]DIEU M’A FAIT SIGNE, CE JOUR-LÀ, AU TRAVERS DE CE LIEU, AU TRAVERS DE CETTE SCÈNE GRANDIOSE.[/c][/b]