NOËL, UNE MENACE POUR LA PAIX ?
A Noël, « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil »… Et si Noël venait bousculer cette fausse paix ?
Pour beaucoup, Noël c’est la « trêve des confiseurs », où l’on essaye d’éviter les sujets qui fâchent, les polémiques. Une période où, comme en 1914, on peut cesser quelques heures les combats et fraterniser avec l’ennemi dans les tranchées. Noël, c’est « paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ».
Pourtant, Hérode vit le premier Noël comme une menace, pour lui, pour la pax romana dont il était le garant. L’empire romain était une vaste zone pacifiée, où les routes étaient sûres. Elles étaient larges, bien entretenues, parfois pavées, ce qui facilitait les déplacements. Les voyages de l’apôtre Paul nous le montrent : grâce à cette paix romaine, la Bonne Nouvelle a pu se répandre rapidement dans une large zone géographique.
Pax romana
Mais cette paix, Rome l’avait imposée par la force. Et elle la maintenait par sa puissance incontestée. Une fois un peuple soumis, les Romains collaboraient avec les puissants et les riches du pays pour imposer la loi de l’empire. Pour préserver la paix, Hérode fait massacrer les enfants de Bethléhem.
Marie le confirme, Noël est une bonne nouvelle pour les humbles, un danger pour les puissants (Lc 1.52). Et Jésus l’affirme sans détours, il est venu annoncer une bonne nouvelle aux pauvres (Lc 4.18) : ils peuvent être heureux, car le royaume de Dieu leur appartient. Mais il avertit les riches et les rassasiés du malheur qui les guette (Lc 6.20, 24-25).
Confrontation
Cette confrontation du shalom divin et de la « paix » du monde se manifeste durant le ministère de Jésus par la menace qu’est pour les religieux d’Israël l’humble prophète de Galilée. La Bonne Nouvelle déstabilise certains et ils choisiront le chemin de l’humilité (les pharisiens Nicodème et Paul par exemple). D’autres la rejettent, comme le jeune homme riche ou le grand-prêtre.
Cette confrontation se manifeste par la persécution partout où existe cette paix de l’empire, dans le livre des Actes et pour les chrétiens des premiers siècles. Les religieux juifs soulignent ce danger qu’est le shalom divin pour la paix romaine lorsqu’ils décident de faire mourir Jésus : « Cet homme accomplit trop de signes miraculeux ; si nous le laissons faire de la sorte, tout le monde va croire en lui. Alors les Romains viendront et détruiront notre temple et notre nation. » (Jn 11.47-48).
Shalom romanus…
Au IVe siècle, le christianisme devient religion d’empire. Shalom et pax romana s’allient. Augustin cautionne les persécutions des païens et des hérétiques, la torture et la conversion par contrainte. Il le fait par un amour « qui impose aux gens de les sauver malgré eux », trouvant sa justification dans le « contrains-les d’entrer » (Lc 14.23). Il donne également un fondement biblique à l’esclavage.
Un évangile subverti, déformé, apparaît, qui n’est plus une bonne nouvelle pour les pauvres, mais un outil des puissants. Les empereurs et les rois font la guerre au nom du Christ et imposent leur shalom romanus aux peuples conquis.
Les Lumières, la Réforme, les révolutions, la laïcité et le pluralisme vont brouiller les cartes. En Occident, shalom et pax, religion et pouvoir, sont à nouveau distincts. Le Noël doucereux que fête la société est le reflet d’une paix factice.
Fausse paix
Le Noël des évangiles interpelle le monde. Il appelle tous, puissants et petits, à la repentance, l’humilité, la simplicité et au service. Annoncer et vivre le vrai sens de Noël a engendré la haine, le rejet, les insultes et les persécutions, envers nos ancêtres dans la foi et les prophètes (Lc 6.22-23) et les engendre aujourd’hui envers nos frères et sœurs en Christ dans bien des pays. Mais c’est à ce prix que cette « paix sur la terre » sera source de joie et de bonheur pour ceux qui la portent et pour ceux qui la reçoivent.
Arriverons-nous à faire que le message de Noël transperce les bruits d’une fête qui monopolise déjà nos écrans, mais nous endort dans une fausse paix ?