DIEU A-T-IL DE L’HUMOUR ?

 Dans Christ Seul, Stimuler

Trouve-t-on de l’humour dans la Bible et chez le Dieu qu’elle présente ?Se pourrait-il que nous passions à côté de l’humour de Dieu quand nous glissons rapidement sur des textes « trop » connus ?

« Où es-tu ? » (Gn 3.5). Quelle question ! Dieu n’était-il pas au courant de ce qui s’était passé dans le jardin d’Éden, ne savait-il pas où l’homme et sa femme s’étaient cachés, honteux de leur nudité ? Toujours est-il que cette simple question a engendré une avalanche d’explications où l’homme et sa femme se sont enfermés et condamnés eux-mêmes. Humour ? Question rhétorique ? En tout cas, ces trois mots me font sourire, mais aussi accentuent l’absurdité de la situation.
Dieu et ses questions ! Á Élie fuyant lâchement devant Jézabel, sombrant dans la dépression et frôlant le suicide, Dieu pose le même genre de questions, alors que le prophète s’est réfugié au fond de sa grotte : « Que fais-tu ici, Élie ? » (1 R 19.9). Cinq mots qui suscitent deux fois de suite la même réponse raide, stéréotypée, où Elie dévoile lui-même son problème : « J’ai déployé mon zèle devant l’Eternel… je suis resté moi seul… ils veulent me tuer. » Dieu n’y répondra pas, mais se révélera à Élie avec une immense douceur, après avoir déchaîné une tempête et un orage (à l’image du terrible Elie du chapitre précédent ?). Humour de Dieu ? En tout cas, un humour bien particulier, qui ne se moque pas, mais oblige à la réflexion et conduit à la délivrance.

Humour culturel

Les deux faits précédents ne sont pas relevés par ceux qui écrivent sur le sujet1. La notion d’humour est en effet très culturelle et peut varier considérablement d’une époque à l’autre. Qui peut dire ce qui faisait vraiment rire il y a 2000 ans ou plus, comment et pourquoi ? De notre point de vue, pourtant, le comique ressort des pages de la Bible plus souvent qu’il n’y paraît. Les spécialistes distinguent l’humour des mots et l’humour des situations.

Mots

L’humour des mots n’est pas facile à saisir si on ne lit pas le texte dans la langue originale. Mais quand même. Emile Nicole signale la liste surabondante des 21 colifichets dont se parent les vaniteuses filles de Sion qui « marchent à petits pas, le regard effronté en faisant sonner les anneaux de leurs pieds » (Es 3.16-24). L’amas de ces accessoires de beauté fait sourire (en ont-elles tant besoin ?), et les assonances qui résonnent dans ce petit bijou littéraire font écho aux « bling-bling » des anneaux de leurs pieds. Mais quelle tristesse dans ce malheureux tableau !
Les autres exemples ne manquent pas. Esaïe 5.7 : « Il avait espéré la droiture (mishpât) et c’est la forfaiture (mis’pâh) ; la justice (sedaqah) et c’est le cri du vice (se’aqah). » La traduction à la Colombe essaie de rendre cet humour (noir) des mots.

Situations

Dans le récit de la tour de Babel (Gn 11.1-9), l’humour des mots se mélange à l’humour des situations. Les hommes construisent une tour qui devrait « atteindre le ciel », afin de se faire un « nom ». Dieu veut donc se renseigner (cela le concerne) et voir ce qui se passe ; alors, il « descend » pour constater la chose (v. 5 et 7)… la tour est donc encore loin de son ciel. Constatant la bonne entente des hommes qui les rend si puissants, Dieu fait en sorte qu’ils ne s’entendent plus en confondant leurs langues. Le danger de la toute- puissance est écarté. En fait de nom, le lieu s’appellera « Babel », ce qui signifie en akkadien « porte du dieu », et correspond bien au projet de cette population. Mais, nous signale le texte, le sens est « confusion » si on se réfère à l’hébreu (« confondre » les langues, « balal », en hébreu). Confusion à double sens, honte de ce projet qui a échoué, et mélange fangeux où l’on s’embourbe… comme dans l’argile des briques qui n’ont pas eu le temps de sécher !
De nombreux récits sont pleins d’humour. Ainsi, l’histoire des parents de Samson, Manoah et sa femme, quand l’ange s’est révélé à eux pour leur annoncer la naissance de leur fils (Jg 13). Nous avons là un mari qui tente sans cesse de reprendre la situation en mains, alors que sa femme a tout compris et est au centre du récit. Le récit de Balaam et de son ânesse fait sourire aussi (Nb 22) : faut-il qu’une ânesse fidèle rouée de coups se mette à parler, pour arrêter la folie du prophète (2 Pi 2.16), ce « voyant » qui n’y voit rien du tout et qui est obligé, à son corps défendant, de prophétiser la vérité ? Le ridicule en devient tragique.
Le Nouveau Testament n’est pas en reste, comme lorsqu’il évoque cette scène où un cercle de bien pensants justiciers entoure une femme surprise en adultère (où est son complice ?). Jésus demande à celui qui n’a jamais péché (dans ce domaine, il se pourrait qu’il y en ait un, sait-on jamais…) de lui jeter la première pierre. Tous se retirent « à commencer par les plus âgés » ; il faut l’avouer, c’est ainsi. Et Jésus reste seul (oui, lui le seul) avec la femme. On pourrait multiplier les exemples.

Evangile et humour ?

Un auteur se demande même si le cœur de l’Évangile n’est pas à l’image de ces bonnes histoires qui font rire de surprise, tellement leur fin est inattendue : Dieu, infini et tout puissant, qui se fait homme, souffrant de la faim, de la fatigue, et qui supporte le mépris ; un mort qui ressuscite, apparaît en chair et en os à ses disciples (les compagnons d’Emmaüs qui, ne le reconnaissant pas lui disent : « Es-tu le seul à Jérusalem qui ne sache pas ce qui s’est produit ces jours-ci ! ») ; ses plus proches qui n’y comprennent rien, fuient lâchement, mais deviennent des prédicateurs pleins de courage et d’intelligence ; Paul qui se glorifie de ses faiblesses et déclare être d’autant plus fort qu’il est plus faible, etc., etc.
Si la Bible est pleine d’humour, c’est un humour qui jamais ne se moque pour mépriser, avilir. Il souligne souvent le tragique des situations, fait réfléchir, ouvre la porte de la délivrance. Emile Nicole termine son article en disant : « Dans la Bible, le comique n’est jamais un but en soi, il sert une cause propre à susciter dans un monde pécheur au moins autant de larmes que de rires. »

[b]Note[/b]1. Emile Nicole, « L’humour dans l’Ancien Testament », Théologie Evangélique, vol. 10, n° 3, 2011, p. 210-223.
Daniel Lys, « Quand Dieu rit », Etudes théologiques et religieuses, 2004/2.

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