Google Glass: réalité augmentée et transformée
Cette nouveauté va certainement se répandre dans les prochaines années : un mini-téléphone multi-fonctions fixé sur la tête. Présentation et enjeux par un passionné et un spécialiste.
Cette nouveauté va certainement se répandre dans les prochaines années : un mini-téléphone multi-fonctions fixé sur la tête. Présentation et enjeux par un passionné et un spécialiste.
En avril 2012, Google a annoncé un nouveau projet, dont le but est de vous aider à « explorer et partager votre monde ». Google Glass est essentiellement un téléphone muni d’un mini-écran fixé devant votre œil, capable de suivre le mouvement de vos yeux, de comprendre des ordres vocaux, d’afficher des informations (par exemple de direction) et de prendre des photos et des vidéos depuis le point de vue du porteur. En principe, toutes ces fonctions sont déjà disponibles sur votre smartphone ; la seule différence, c’est que le nouvel appareil est fixé sur votre tête avec un écran placé continuellement dans votre champ de vision(1).
Reconnaissance faciale
Les nouvelles technologies de l’information suscitent volontiers autant l’enthousiasme que la crainte ; Google Glass ne déroge pas à cette règle. Ce mois-ci, huit membres du Congrès américain ont demandé à Google de prendre position par rapport aux mesures de protection envisagées pour la sphère privée. La perspective d’une fonction de reconnaissance faciale inquiète. Ainsi, par un simple clin d’œil, le porteur du gadget peut prendre une photo du visage d’une personne qu’il croise dans la rue et pourrait voir ensuite s’afficher le nom et le profil Facebook de la personne. Google a beau affirmer qu’avant la mise en place de règles de protection de la sphère privée suffisantes, la reconnaissance faciale ne sera pas autorisée, une telle affirmation reste ambiguë : parle-t-on seulement d’une fonction installée sur l’appareil, ou également de la transmission d’une photo vers un serveur de reconnaissance faciale distant ?
Connaissance de soi par Google Glass
Mais il y a plus préoccupant : le nouvel appareil semble intégrer des capacités d’analyse du mouvement de l’œil du porteur. On peut l’imaginer, collectant ainsi des informations sur la réaction de l’utilisateur, sans permission explicite. Le mouvement des yeux est largement inconscient et souvent révélateur de l’état émotionnel et psychologique d’une personne. Il peut révéler le niveau d’attention et le comportement lors des achats du porteur. On peut dès lors imaginer Google Glass capable de collecter, d’envoyer et de recevoir des informations, d’analyser votre comportement en continu et finalement de vous connaître mieux que vous-même.
Ambivalence
Pour compléter le portrait, imaginez combien toutes ces informations intéresseront les réseaux sociaux tels que Google+, Facebook, Twitter ou Tumblr qui flotteront désormais en permanence dans votre champ de vision. Cette dernière remarque souligne bien le fait que Google Glass, comme toute innovation technologique(2), n’est pas neutre : elle est ambivalente. Google maîtrise bien la promotion de son nouveau gadget, mais reste muet sur ce que l’entreprise entend retirer comme bénéfice. Les nouvelles possibilités sont séduisantes, mais la présence de la technologie devient de plus en plus intrusive et intime. Jamais encore la technologie de l’information n’avait permis d’« interfacer » l’homme de manière aussi étroite et constante avec Internet. Dans ce sens, ce nouveau gadget est assez emblématique du niveau auquel chaque individu (ou presque) est désormais intégré à la Toile, car tout ce qu’il préfigure est déjà possible avec un smartphone ; la différence essentielle tient au fait qu’il n’est plus nécessaire d’agir délibérément pour l’utiliser, il est devant vous en permanence, attentif à vos moindres faits et gestes.
Quelle liberté ?
L’annonce de ce gadget invite à repenser notre usage des technologies de l’information, à la lumière de la remarque de l’apôtre Paul : « ‘Tout m’est permis’, mais tout ne convient pas. ‘Tout m’est permis’, mais moi, je ne me laisserai asservir par rien » (1 Co 6.12). La lucidité nécessaire pour repenser l’usage des technologies de l’information présuppose toutefois une bonne compréhension et une lucidité par rapport à ces mêmes technologies. Mais comment le chrétien peut-il espérer préserver sa liberté évangélique par rapport à un sujet de plus en plus complexe et alors que la compréhension de ces technologies et de leurs enjeux est devenue l’exclusivité des experts ?
Notes
1. Pour voir quelle impression ça fait : http://www.google.com/glass/start/how-it-feels
2. Cf. notre article « Faut-il avoir peur de la RFID ? » en ligne sur http://www.christ-seul.fr/article.asp?id=425