MANAGEMENT: PEUT-ON CONCILIER RENTABILITÉ ET RESPECT ?
Le monde du travail et des entreprises recourt aux techniques de management dans la conduite du personnel. Il faut fournir toujours plus et toujours plus vite. Peut-on concilier efficacité avec respect et comment ?Elements de réflexion par un moine qui a été de 1977 à 2013 cellérier (responsable de l’intendance, des finances et du personnel) d’une abbaye et par ailleurs auteur de nombreux ouvrages.
Beaucoup d’entreprises s’efforcent aujourd’hui de respecter des valeurs. Les valeurs protègent la dignité de la personne. Certains pensent qu’il faut d’abord s’occuper de l’argent, pour que tout soit en ordre à cet égard, avant de commencer à réfléchir aux valeurs. Mais c’est le contraire : qui se préoccupe des valeurs aura assez d’argent. Des recherches scientifiques en suffisance le démontrent : les entreprises qui vivent selon des valeurs et qui ont du respect pour la dignité humaine ont davantage de réussite dans la durée que celles qui ne se préoccupent que de résultats financiers mais qui négligent les valeurs.
Le respect « paie » !
Pourquoi en est-il ainsi ? Dans une entreprise qui ne tient pas compte des valeurs règne toujours le mépris des personnes et au final le mépris des dirigeants eux-mêmes. Dans une entreprise où l’être humain est méprisé, plus personne ne veut travailler dans la durée. L’entreprise devient alors sans valeur. Aujourd’hui, les jeunes ne recherchent pas une entreprise dans laquelle ils gagneront le plus d’argent possible, mais où ils ont le sentiment que l’on prête attention aux valeurs et qu’ils sont respectés en tant que personne unique.
Il y a encore une autre raison. Certains pensent que de vivre selon des valeurs coûte de l’énergie. Cette énergie ferait alors défaut pour parvenir à un résultat financier. Mais cette idée est fausse également. Les valeurs se disent « virtutes » en latin, ce que l’on pourrait traduire par « sources de force », d’énergie. Les valeurs sont une source de laquelle nous pouvons puiser de la force, de l’énergie.
Des chefs qui veulent des nains
Voyons cela avec l’exemple de la justice. Dans une entreprise au sein de laquelle les structures sont injustes, où les collaborateurs sont traités de manière injuste, il y a de grandes pertes dues aux frictions. Beaucoup d’énergie se perd à cause d’une gestion injuste. La justice signifie toujours : faire justice à moi et à ma valeur et faire aussi justice à la valeur de l’autre. Qui ne prend pas en compte sa propre valeur dévalorisera aussi les autres. Albert Görres, un psychiatre de Munich, a dit : « Il y a des chefs de service qui rassemblent autour d’eux des nains remplis d’admiration. » Parce qu’ils n’ont pas de valeur en eux-mêmes, ils ont besoin de beaucoup de personnes qui les admirent et qui leur donnent le sentiment d’avoir de la valeur. J’ai expérimenté qu’un chef ne recherchant que l’admiration finit par se séparer de ses cadres supérieurs compétents, parce qu’il craint que ces cadres soient plus appréciés que lui et qu’ils puissent devenir plus précieux pour l’entreprise que lui. Les psychologues affirment que 40 % du potentiel des entreprises sont souvent gaspillés dans ces jeux injustes et dans cette dévalorisation.
Recherche d’efficacité
Si, dans une entreprise, je rencontre les autres avec respect, j’économise beaucoup d’énergie, qui se perd en cas de manque de respect. Et je crée un climat qui favorisera l’engagement des collaborateurs. Dans la durée, cela influera aussi positivement sur les résultats. Lorsque le respect est là, on peut mettre en place ensemble des stratégies qui augmentent l’efficacité du fonctionnement et de la production. Mais ces négociations sont toujours conduites avec respect. L’être humain n’y est pas subordonné à l’argent et à l’efficacité. Les collaborateurs ont alors d’autant plus envie d’améliorer ensemble l’efficacité.
Pour aller plus loin…
Anselm Grün, avec Friedrich Assländer, Management et accompagnement spirituel, Desclée, 2008, 270 pages