UNE ARCHITECTURE RELIGIEUSE POUR AUJOURD’HUI ?

 Dans Christ Seul, Explorer

Nos lieux de culte sont avant tout fonctionnels… Y a-t-il place pour une fonction esthétique des lieux de culte ?

Nos lieux de culte sont avant tout fonctionnels… Y a-t-il place pour une fonction esthétique des lieux de culte ?

La petite commune de Ronchamp, dans la Haute-Saône, à proximité de Lure, mais non loin, également, de Montbéliard ou de Belfort, accueille une chapelle moderne, conçue par l’architecte Le Corbusier, et construite entre 1950 et 1955.
Le Corbusier était surtout connu, à l’époque, pour la réalisation de bâtiments massifs, rectangulaires et sévères. Les « cités radieuses » qu’il contribua à faire sortir de terre paraissent, aujourd’hui, bien tristes. Or, quiconque arrive sur le site de la chapelle sera frappé, à l’inverse, par la profusion des courbes, par le refus de toute symétrie, par la variété continuelle des volumes aussi bien extérieurs qu’intérieurs. On en devine quelque chose avec cette vue intérieure qui nous montre des vitraux tous différents les uns des autres, mal alignés les uns par rapport aux autres et jamais parfaitement rectangulaires.

Prouesse technique

On est même admiratif devant la prouesse technique de cette structure calculée sans le secours d’aucun ordinateur, et accumulant les porte-à-faux, de lourdes structures posées de biais et des surfaces courbes suspendues. J’imagine que le calcul des reports de charge s’est effectué sur le papier, à partir de croquis et de constructions géométriques complexes.
Les architectures en courbes commençaient à voir le jour, à l’époque, pourtant Le Corbusier a réalisé ultérieurement un couvent, près de Lyon, où il est revenu à des motifs orthogonaux. Mais ici, avec des courbes, ou près de Lyon, avec des angles droits, il s’est posé une question qui nous rejoint tous : comment réinterpréter une tradition religieuse avec les moyens et le contexte d’aujourd’hui ?

Cathédrales

Les architectes des églises d’autrefois se sont ingéniés à construire les bâtiments les plus hauts possible. Au fur et à mesure que les moyens techniques évoluaient, les clochers et les toitures s’élevaient. Ils ont, sans doute, ainsi, voulu rendre gloire à Dieu en plaçant l’homme aussi loin que possible du toit symbolisant le ciel. Mais quand on entre aujourd’hui dans une cathédrale, même si l’esthétique du lieu peut nous saisir, tout nous paraît loin. Nous sommes écrasés par la taille du bâtiment, l’autel est séparé de la salle où l’on peut s’asseoir. Le bâtiment nous parle d’un Dieu loin de nous, représenté par un clergé coupé de la communauté.
Le Corbusier n’avait pas grand-chose de plus qu’un vernis religieux. Il était né dans une famille suisse et protestante, mais il n’a jamais été un croyant fervent. Pourtant, sa manière de répondre à la commande du diocèse montre qu’il a saisi quelque chose de ce que peut être une forme moderne de piété. Le jour de l’inauguration, il déclara : « En bâtissant cette chapelle, j’ai voulu créer un lieu de silence, de prière, de paix, de joie intérieure. »

Un bâtiment qui pose question

De fait, au lieu de jouer sur la hauteur, il a, à l’inverse, travaillé pour que le toit soit le plus bas possible, sans nuire à l’équilibre esthétique de l’ensemble du bâtiment. Lorsque l’on entre dans le bâtiment, on se trouve, de la sorte, enveloppé par une ombre tamisée et proche du toit qui nous couvre. Il y a plusieurs autels dans l’église (c’était une nécessité, à l’époque, car les prêtres ne pouvaient pas concélébrer la messe : ils devaient la célébrer quotidiennement, chacun pour sa part). Ils sont à peine isolés de la salle. Ils se situent dans des recoins, en continuité avec l’espace où l’on déambule. Ils sont réduits à une simple table sur laquelle, aujourd’hui, sont installées une Bible et une bougie.
Le travail sur les vitraux dont on peut, ici, se faire une idée, fait penser à un tableau cubiste. Les formes abstraites et géométriques dominent. On est loin de l’art narratif des vitraux gothiques. De fait, en parlant de « silence, de prière, de paix et de joie intérieure », Le Corbusier a donné, aussi, une définition plutôt abstraite de la vie de foi. Il n’a pas cherché à se rattacher au récit biblique. Mais le paradoxe est que beaucoup des gens qui entrent dans une église, aujourd’hui, n’ont pas une vision tellement plus claire de ce qu’ils cherchent.
La chapelle ainsi construite porte-t-elle à la méditation ? Il y a un peu trop de visites pour que le silence règne. Mais le modelage de l’espace intérieur (dont on n’a pratiquement aucune idée, depuis l’extérieur), à coups de murs courbes et de jeux d’ombres et de lumière, encourage quand même à s’arrêter et à faire une trêve dans le flot d’activités du quotidien. Des cars de tour-opérateurs s’arrêtent sur le parking. Mais les groupes se dispersent sur la colline. Ils font le tour du bâtiment, s’arrêtent devant cette architecture atypique et lorsqu’ils pénètrent dans la salle, ralentissent.
C’est, à tout le moins, un bâtiment qui pose question, et quiconque s’interroge sur la manière de mobiliser l’architecture pour rendre gloire à Dieu, aujourd’hui, gagnera à aller le voir.

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