Stress au travail

 Dans Christ Seul, Stimuler

On y passe des heures, des années. On en a besoin. On y vit du lien social. On y trouve du plaisir. Mais on y trouve aussi beaucoup de pression. Le travail rémunéré : comment tenir bon face à la pression ? Réflexions d’un médecin du travail.

L’homme, c’est connu pleure rarement. Pourtant ce soir-là, le jeune médecin remplaçant que j’étais assistait à un spectacle qui m’est resté en mémoire 30 ans après. Je n’imaginais pas que le travail puisse faire sangloter et détruire à ce point une armoire à glace. Dans les années qui ont suivi, notamment lors de ma pratique en milieu de travail, j’ai observé tous les degrés d’atteinte de la santé en règle générale moins dramatique que la situation évoquée.

Drames du travail

Jusqu’au tournant du siècle, il apparaissait normal que le travail comporte un certain degré de pénibilité. Pour autant, la réalité du travail source de revenu voire de satisfaction semblait éloigner le terme de son étymologie (trepallium = torture en latin). La possibilité qu’il aboutisse au drame n’a émergé à la conscience des Européens et singulièrement des Français qu’après les suicides de salariés de grands groupes automobiles et de téléphonie dans la première décennie des années 2000. Jusque là, on empruntait des termes exotiques aux pays plus « avancés » : Karoshi, burn out, ne pouvaient que concerner les autres. Alors, il a fallu emprunter à l’anglais et à la biologie le « stress » pour décrire la situation globale, traduire le « burn out » en surmenage et se doter de concepts variés et nuancés pour décrire tous les vécus négatifs du travail : malaise, mal-être, souffrance, manque de reconnaissance, management par le stress, harcèlement moral ou sexuel, ressenti ou prouvé.

Le stress : point de vue médical

Si l’on se limite à la forme la plus banale, qu’entendre par « stress au travail » ? La définition couramment adoptée en Europe fait état d’un sentiment de ne plus avoir les « ressources » suffisantes pour faire face aux exigences du travail.
Le schéma psychophysiologique assez simpliste fait appel à la notion d’adaptation que rencontrent tous les animaux. Une situation nouvelle mobilise un système neuro-hormonal aboutissant par la sécrétion d’adrénaline à mobiliser des énergies redoublées. Problème, cette adaptation ne convient qu’aux défis courts. Au-delà de quelques heures ou jours, un autre système prend le relais, basé sur les corticoïdes endogènes, mais avec encore plus de risques pour les appareils les plus sollicités : cardiovasculaires, neuropsychique, endocriniens. Ce schéma permet donc de pointer que c’est le maintien dans la durée de sollicitations exagérées qui pose problème.
A la source, il y a donc un vécu négatif et durable : il faut « tenir » envers et contre tout. Comment ne pas subir et se réapproprier son travail ? Essayer de comprendre quels mécanismes sont à l’œuvre dans l’excès de pression que peut-être je ressens est la première démarche utile.

Profit à tout prix

Du point de vue macroéconomique, en France, les emplois les moins qualifiés ont été pris en tenaille entre cette obligation de productivité accrue et une menace croissante de chômage : suis-je dans l’une de ces sociétés appartenant à un grand groupe – ou un plus petit – où une logique financière est à l’oeuvre (délocalisation, réduction de la masse salariale, externalisation…) ? Les emplois intermédiaires n’ont pas toujours échappé à ces logiques, comme aussi ceux des cadres. C’est alors une question de secteur : l’industrie est très touchée, à un moindre degré le bâtiment, l’artisanat, le commerce ou les services (y compris publics) qui pourvoient aujourd’hui la grosse majorité des emplois. Pourtant, par un jeu de solidarité nécessaire, ces secteurs composés essentiellement de TPE (Très Petites Entreprises) souffrent également ; c’est sur eux que pèse le maintien du système de solidarité ; ils paient les pots cassés et cotisent pour les salariés mis au chômage par les grands groupes industriels. Ils cotisent également pour les nombreux malades et personnes handicapées, car l’assiette des cotisations se réduit.

Changer de travail

Comprendre ces logiques à l’œuvre m’aidera à être acteur de mon avenir dans l’entreprise… ou au-delà. Parfois, il vaut mieux ne pas « tenir bon », mais décider de changer d’orientation, autant que l’âge ou la situation familiale le permettent ; un reclassement, une formation, un télétravail, des déplacements durables ou itératifs, voire un déménagement vers un autre bassin d’emploi sont autant d’éventualités de plus en plus probables en un temps de difficultés économiques. On ne peut que recommander de faire ces choix en couple (quand c’est le cas), avec l’objectif de préserver la cohésion familiale. La conviction que rien n’est dû au hasard, la foi en un Dieu qui m’accompagne dans les hauts et des bas, permettent d’aborder ces changements avec plus de paix intérieure que si je me sens responsable de créer mon avenir à la seule « force de mes poignets ».

Pression acceptée ?

Et s’il faut « tenir bon », il vaut mieux prendre la lorgnette par l’autre bout, celui des relations interpersonnelles. La « pression » prend alors une forme subtile, qui ressort dans l’intimité du cabinet du médecin du travail. J’encourage les salariés à se poser la question : de qui vient la pression ? La première réponse, marquée au coin de l’évidence, s’avère souvent trop courte. Ce chef exigeant trouve en moi une docilité étonnante : je peux vouloir me prouver ma valeur en comblant une frustration ancienne. Une fois ce mécanisme démasqué, il se peut que, si ce hiérarchique me met la pression, il ait quelque chose à prouver à son chef à lui. Serait-il carriériste, ou au contraire, démissionnaire ? Et il me fait alors assumer des responsabilités qui lui reviennent. Ce recul à prendre ne vise pas tant à dédramatiser qu’à rendre le salarié acteur et capable de répondre de manière appropriée : collègue, hiérarchique n+2, délégué du personnel, médecin du travail… sont des recours possibles qu’il faut savoir mobiliser en cas de besoin.

Aides

Je vois encore mon père demander dans une prière ardente à Dieu sa force pour garder de bonnes relations avec un collègue au comportement incompréhensible qui se révélera victime d’une maladie psychiatrique bientôt invalidante et plus tard létale. Heureux celui qui, en plus d’une bonne formation, d’un nécessaire équilibre personnel et familial a la grâce du recours au Seigneur et à des « frères et sœurs » de son Eglise locale !

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