L’édito : Voir clair
Je porte des lunettes et m’en porte bien ! Elles corrigent ma vision défaillante et déformée. Mais il arrive qu’avec mes lunettes sur le nez, je peine à reconnaître une personne d’une autre couleur de peau pourtant rencontrée il y a peu. Pourquoi ? Parce que ma vision est construite : elle a ses repères et ses angles morts.Ces défaillances et déformations de la vue nous jouent des tours par rapport à nous-mêmes. Dans certains instants de lucidité, je « vois » tout à coup que mes motivations sont troubles, même pour rendre service… Lors d’un conflit, grâce à l’éclairage de l’Esprit Saint, j’aperçois soudain une poutre devant mes yeux.Ces défaillances et déformations de la vue nous jouent également des tours dans nos relations. En conflit, nous grossissons notre point de vue et nous rapetissons le point de vue de l’autre. Chercher le point de vue de l’autre, c’est une partie de l’amour du prochain (p. 10). Autour de nous, il y a des personnes riches ou plus pauvres, homos ou hétéros (p. 22-23), le monde du travail (p. 4-5), les autorités politiques… Que regardons-nous ou pas ? Comment regardons-nous ? Avec quels repères et quels angles morts ?
ANGLES MORTS
Frédéric de Coninck évoque Antonio de Montesinos et Bartolomé de las Casas, deux hommes qui ont « vu » clair sur les injustices faites aux Indiens de leur temps (p. 24- 25), alors que leurs contemporains ne « voyaient » rien. Au temps de l’esclavage des noirs en Amérique du Nord, nombre de chrétiens ne « voyaient » pas où était le problème et justifiaient la pratique de l’esclavage, Bible à l’appui. Avec le recul, leurs arguments semblent irrecevables, mais ils étaient convaincants pour ceux qui « voyaient » surtout la défense de leurs intérêts. L’Homme qui voyait clair a posé le diagnostic : la vision des disciples est déformée et défaillante. Ils voient fort bien la minuscule paille chez les autres, mais ne voient pas la poutre énorme devant leur nez (Mt 7.1-5). Le problème est d’une clarté effrayante ou humoristique : nous ne voyons pas notre aveuglement ! Sur nous-mêmes, sur nos relations, sur les situations autour de nous.Remèdes ? Enfiler les lunettes « Jésus », entrer dans le point de vue de nos frères et soeurs, de nos adversaires parfois, des petits toujours. Dans 100 ans, quels aveuglements la génération d’alors verra-t-elle très clairement chez nous ?