ARTICLE 14 – LA DISCIPLINE DANS L’ÉGLISE
Nous croyons que la pratique de la discipline dans l’Église est un signe de la grâce de Dieu qui pardonne et transforme les croyants qui s’éloignent de lui ou qui se sont laissé entraîner par le péché.
La discipline exercée a pour but de nous conduire à la repentance et à la réconciliation, afin de nous permettre de retrouver une relation juste avec Dieu et de restaurer notre communion dans l’Église. Elle rend authentique le témoignage de l’Église, en contribuant à la visibilité et à la crédibilité du message de l’Évangile dans le monde.
Selon l’enseignement de Jésus - Christ et des apôtres, les croyants sont tous solidaires dans l’exercice de la discipline au sein de l’Église. Jésus a donné autorité à l’Église pour discerner le bien et le mal, pardonner les péchés quand il y a repentance ou avertir le pécheur quand il y a absence de repentance1. Lorsqu’ils deviennent membres de l’Église, les croyants s’engagent à donner et à recevoir des conseils au sein de la communauté de foi sur des sujets de doctrine et de conduite.
Encouragement mutuel, soins pastoraux et discipline devraient amener à la confession, au pardon et à la réconciliation. La discipline corrective dans l’Église devrait être exercée de manière à restaurer la personne. La démarche commence par « dire la vérité dans l’amour », dans un dialogue seul à seul entre un membre de l’Église et la personne qui vit dans le péché2. Si celle - ci n’écoute pas, le membre fait appel à deux ou trois témoins, dont éventuellement un responsable de l’assemblée, en vue de régler l’affaire. Enfin, si le problème n’est pas résolu, il est porté devant l’assemblée. L’Église accorde le pardon à la personne qui se repent, puis l’encourage et l’aide à engager les changements nécessaires. Si par contre cette personne persiste dans le péché, ne se repent pas et rejette même l’avertissement de l’assemblée, elle n’est plus considérée comme membre de l’Église3. Cette suspension est alors la reconnaissance qu’elle s’est elle - même séparée du corps de Christ. L’Église continue cependant à prier pour elle, cherche à l’amener à la repentance en vue d’une restauration dans la communion4.
Nous reconnaissons que la discipline comprise et pratiquée de manière juste assure l’authenticité du témoignage de l’Église en paroles et en actes. Un faux enseignement, la persistance du péché dans la conduite des chrétiens minent la proclamation et la crédibilité de l’Évangile dans le monde5.
La discipline n’est pas une fin en soi. Expression du pardon et de la grâce qui transforment, elle permet l’établissement d’un véritable vivre ensemble dans la communion, par la puissance du Saint - Esprit et dans la fidélité à Jésus - Christ.
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Enjeux
• L’article et le commentaire soulignent avec clarté que la discipline est un aspect central de la fraternité solidaire voulue par Jésus - Christ. Sans elle, la communion perd sa cohésion.
• Ils rappellent aussi avec force l’objectif de la discipline : la restauration de la personne, le retour à Dieu et à la communauté.
• Le commentaire met en évidence les écueils symétriques que sont d’une part une discipline excessive et de l’autre l’absence de discipline.
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Commentaire
I- Les anabaptistes du XVIe siècle étaient attachés à l’exercice de la discipline dans l’Église, qu’ils considéraient comme aussi important pour la réforme et le réveil de l’Église que le baptême et la participation à la cène. Ainsi, les assemblées mennonites, contrairement aux Églises de multitude, ont traditionnellement mis l’accent sur la discipline qui découle de leur vision d’Église, corps du Christ. Selon la Confession de Schleitheim,
« l’exclusion doit être employée à l’égard de tous ceux qui se sont donnés au Seigneur pour marcher d’après ses commandements, à l’égard de tous ceux qui ont été baptisés dans l’unité du corps de Christ, qui se font appeler frères ou sœurs et qui, cependant glissent de quelque manière et tombent dans une faute… » (article 2)
II- Les Églises mennonites sont attachées à une discipline fraternelle et aimante.
Fraternelle, car elle concerne tous les frères et sœurs de la communauté, responsables inclus : tous sont appelés à se soumettre les uns aux autres, et tous peuvent être appelés à exercer la discipline, conformément à Mt 18,15 - 17. C’est cependant aux pasteurs et autres responsables d’Église que revient plus particulièrement la fonction de conseiller et de mener à bien la discipline dans la vie de l’Église (Ac 20,28 - 31 ; Tt 1,5 - 11 ; 1 P 5,1 - 4 ; Hé 13,17). Cette fonction doit être exercée dans l’amour, avec un esprit de bonté et sans parti - pris.
Aimante, car toute démarche de discipline doit être effectuée dans un esprit d’amour et de bienveillance, et non avec un esprit de jugement et de condamnation, l’objectif de la discipline étant la repentance et le retour du pécheur au Seigneur, et dans la communion de l’Église. La Confession de Dordrecht souligne cet esprit d’amour :
« En ce qui concerne la correction ou admonestation fraternelle et aussi l’instruction de l’égaré, il convient qu’en cette matière toute application et soin soient apportés pour l’avertir, l’exhorter, le mieux possible, en toute douceur, en vue de sa correction. » (article 16)
III- L’exercice de la discipline est basé sur les consignes de Jésus en Mt 18,15 - 17, texte que les anabaptistes ont appelé « la règle de Christ ». Mais la pratique de la discipline a parfois été délaissée dans certaines assemblées mennonites, en raison d’une part de certains abus et d’autre part des influences sociales et culturelles. L’abus, comme l’abandon de la discipline, ébranle la vie et le témoignage de l’Église, et va à l’encontre des buts de la discipline dans l’Église qui sont la correction, la restauration de la personne et l’édification de l’assemblée.
IV- Le Nouveau Testament cite plusieurs raisons pour rompre la communion fraternelle avec un membre de l’Église :
- refuser d’admettre que « Jésus - Christ est venu dans la chair » (1 Jn 4,1 - 6) ;
- persister dans le péché sans se repentir (1 Co 5,1 - 13) ;
- et provoquer des divisions au sein de l’Église en s’opposant à l’enseignement apostolique (Ro 16,17 - 18).
V- Aujourd’hui, les Églises mennonites ont souvent un Règlement Intérieur qui peut les aider dans l’exercice de la discipline (voir aussi le Guide pratique pour la vie dans l’assemblée).
Pour plus de renseignements sur la discipline de l’Église, voir encore les articles 17 : « Le discipulat et la vie chrétienne » et 18 : « La spiritualité chrétienne ».
Notes
1- Mt 18,15 - 22 ; Jn 20,21 - 23 ; Ga 6,1 - 2 ; Dt 19,15
2- Ep 4,15 ; Mt 18,15
3- 1 Co 5,3 - 5
4- 2 Co 2,5 - 11
5- Mt 5,14 - 18 ; Rm 2, 21ss