La non-conformité au Burkina-Faso

 Dans Christ Seul, Explorer

Comment les mennonites au Burkina Faso vivent-ils l’appel à la non-conformité évangélique, dans leur contexte culturel ? Suite de la série d’articles dans le cadre du Réseau mennonite francophone.

« A Rome, faites comme les Romains », dit-on. On peut dire aussi : « Au Faso, faites comme les Burkinabè ». Le Burkina est une mosaïque de cultures qui baignent aujourd’hui dans un univers de modernité sans précédent. Une des questions est de savoir comment l’Église en général et les mennonites en particulier conjuguent vie sociale et vie chrétienne. Se conforment-ils à tout dans la société ou posent-ils question à leur environnement socioculturel ?

DANS LE MONDE SANS ÊTRE DU MONDE

Les chrétiens affirment que certains aspects de la vie sociale séculière sont fondamentalement incompatibles avec la vie chrétienne, comme l’enseigne la Parole de Dieu (Rm 12, 1- 2). La mode (vestimentaire, capillaire) et la musique mondaine par exemple ne sont pas à suivre pour le chrétien.
En matière de loisirs, notamment dans le domaine du sport, chacun y va selon sa perception de la chose. Les mennonites n’ont pas d’attitude qui leur est propre dans ce domaine. Ces choses sont organisées et mises en place par la société séculière.
Par ailleurs, le mennonite se démarque des pratiques animistes telles que la secte des chasseurs dozo1, le recours aux amulettes et autres pratiques occultes (Lv 19,26). Le port d’armes et tout recours à la violence sont des concepts étrangers au quotidien du mennonite, nonobstant le besoin de sécurité dans un monde d’adversité et de banditisme grandissant (Eph 6,10-20).
Au Kénédougou, siège de l’Église évangélique mennonite du Burkina Faso, le londjougou2 est massivement suivi. Pour leur part, les mennonites ne se reposent que le dimanche. Le Lô et le Kènè kènè3 sont des cérémonies traditionnelles ; les mennonites ne s’y mêlent que par respect et dans le cadre d’une tolérance qui garde les portes ouvertes à la proclamation de l’Évangile.
La politique et le commerce sont des secteurs névralgiques ; leur arène forme un environnement hostile où fausse balance rime très souvent avec démagogie. Les chrétiens, craignant de ne pouvoir relever le défi, n’y sont que peu représentés.

SIMILITUDES MAIS DIFFÉRENCES PAR MOMENTS

En matière d’éducation, à l’instar des autres membres de la société burkinabè, les mennonites espèrent la réussite de leurs enfants. Beaucoup de parents recourent aux pouvoirs occultes. Les parents chrétiens quant à eux cherchent la direction de Dieu pour l’éducation civique, religieuse et scolaire de leurs enfants.
En matière de santé, Dieu est un a priori chez le chrétien, avant l’agent de santé. Ni le malheur, ni l’échec ni même le besoin ne réussissent à pousser les mennonites dans quelque bras médiumnique ; le chrétien utilisera des plantes naturelles, suivra les
conseils et prescriptions médicales sur fond de prières au Dieu de Jésus-Christ.
Dans le domaine du mariage, les mennonites du Burkina Faso s’alignent sur les principes de la société pour peu qu’ils ne contredisent pas la foi en Christ. Les démarches s’inspirent harmonieusement du moderne et du traditionnel. Du moderne, parce que l’accent est mis sur le respect des sentiments des partenaires ; du traditionnel, parce que les deux familles, vitrines de la société, sont associées à toutes les étapes, afin d’aider de quelque manière.
En matière de funérailles, la cérémonie se passe le plus simplement du monde ; la nécromancie, tout sacrifice et autre cérémonie de soi-disant bénédiction du mort, sont étrangers aux mennonites et rejetés, tout en faisant preuve d’amour envers les personnes ; nous encourageons à l’espérance en la résurrection des morts.

ENCOURAGEMENT À LA NON-CONFORMITÉ

Tout n’est donc pas en symbiose et en adéquation entre la vie en Christ et le pouls de notre société. Sans être des chantres de l’absolutisme qui regardent la société avec condescendance ou exaltation, nous croyons qu’il faut veiller à préserver notre identité. Cette société se sécularise chaque jour un peu plus. Nous devons nous garder de simplement reproduire ce qui se fait et qui donne l’impression que n’avons aucune alternative à proposer. L’Église est la conscience de la société. Elle doit, tout en s’y infiltrant, travailler à une image moins mitigée. Notre mutisme face à l’injustice et à la dégradation des conditions humaines n’est certainement pas du goût du Seigneur. En mettant systématiquement nos pas dans les pas de la société, nous risquons de mettre à mal l’harmonie qui est en train de se développer au travers de notre identité. Nous devons renforcer l’élan missionnaire. C’est le challenge et le pari que le chrétien appelé hors du monde et renvoyé dans le monde se doit de gagner.
NOTES

1. Secte mystique qui allie chasse, connaissance de plantes médicinales et pouvoirs surnaturels dans le règne des esprits des ténèbres.
2. Jour dit sacré, où les génies, maîtres des terres, ne veulent voir personne travailler au champ, au risque d’attirer leur colère sur les humains.
3. Respectivement, fête annuelle de fétiches et cérémonie initiatique chez les Siamou.

 

CET ARTICLE ET LE RÉSEAU MENNONITE FRANCOPHONE
Tous les trois mois, un même article est publié dans trois revues : Perspective (CH), Christ Seul (France), Le Lien (Québec), et sur le site de la Conférence Mennonite Mondiale. Les articles proviennent à tour de rôle des pays suivants : Suisse, France, Canada (Québec), Burkina Faso, République Démocratique du Congo. Les Églises de ces pays font partie du Réseau mennonite francophone. Coordination : Jean-Paul Pelsy.

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