Quelle réponse face au développement des sciences occultes ?
Depuis quelques années, on constate une hausse des croyances concernant les phénomènes irrationnels ou paranormaux. 59 % des Français interrogés affirment partager au moins une « croyance occulte ». Astrologie, cartomancie, lithothérapie (pouvoir des pierres), reiki (méthode de soins par apposition des mains), wicca (religion des sorcières)…, les pratiques sont innombrables ! Les 18-24 ans semblent être la tranche d’âge la plus sensible aux pratiques occultes¹.
LES CAUSES DE CET ESSOR
La plupart des gens sont d’avis que notre monde est en crise, ce qui entraîne un sentiment diffus d’inquiétude. L’anxiété favorise la croyance, particulièrement quand le stress augmente, en cas de sentiment de perte de contrôle ou de perte de sens. Les gens cherchent des réponses autour d’eux et, depuis quelques années, plus particulièrement dans la spiritualité souvent ésotérique ou les sciences occultes. Ces pratiques répondent aux problématiques très concrètes des individus : les cartes pour prendre une décision, une topaze bleue pour refaire le plein d’énergie positive, un collier d’ambre pour les douleurs de bébé, les morts pour avoir des réponses, un guérisseur pour un problème de santé… D’après l’ethnologue Dominique Camus, certains jeunes ont recours à la sorcellerie pour des raisons de stratégie amoureuse, pour réussir aux examens ou pour trouver un emploi².
L’Église reste souvent sur de grands principes théologiques. Elle dit que nous sommes sauvés… mais de quoi ? Elle parle de la grâce… mais pourquoi ? Elle parle de péché, de repentance, de culpabilité…, mais l’ésotérisme parle d’énergies, de développement personnel avec un langage très bienveillant !
L’ÉGLISE PEUT-ELLE RÉPONDRE ?
On me dira que son rôle est d’annoncer la Bonne Nouvelle et rien que cela, mais je pense que nous sommes invisibles si nous n’entendons pas le cri de notre génération et n’y répondons pas. Jésus lui-même, avant de proclamer son message, demandait souvent : « Que veux-tu que je te fasse ? » Encore maintenant il peut répondre à l’anxiété par la paix qu’il donne, à la maladie par la guérison, à la solitude par une vraie communauté. Il peut devant une impasse réaliser un miracle, répondre à nos questions pratiques de tous les jours, orienter nos vies et leur donner du sens. Il s’agit de répondre à la quête spirituelle par une réponse concrète. Nous le voyons durant le parcours Alpha. Lors de notre dernière session, Dieu a répondu à des prières de manière étonnante : une grossesse chez un couple stérile, un voyage humanitaire avec des chrétiens qui a bouleversé leur conception de la foi, une rencontre fortuite à l’église avec la personne qui « avait sauvé leur couple », une expérience d’une visite du Saint-Esprit…
La pratique des sciences occultes nous amène aux problèmes de possession ou de lien avec les démons. Comment répondrons-nous à ceux qui nous font part de leurs tourments ? Cet homme écrasé par la culpabilité qui, depuis 30 ans, vit des cauchemars abominables : une prière de délivrance lui permettra de vivre sa première nuit sans cauchemar. Dieu ce soir-là est devenu celui qui s’intéressait concrètement à lui. Soyons concrets dans notre témoignage, notre aide, nos prières. Faisons du sur-mesure. C’est cette réponse adaptée au besoin qui va souvent enclencher la conversion de ces personnes.
LES DONS SPIRITUELS
En pratique, face à un besoin réel, personne ne refuse de l’aide. La résistance vient plutôt de nous, chrétiens, car nous avons été élevés dans une forme de rationalisme aussi dans le domaine de la foi. On veut bien du spirituel, mais jusqu’à un certain point, et nous préférons en parler plutôt que le pratiquer. L’Église doit non seulement répondre aux besoins spirituels, mais aussi pratiquer les dons spirituels pour aider concrètement. Il y a dix ans, l’équipe pastorale de la Prairie a dû se former à la pratique de la délivrance, car notre connaissance n’était alors que théorique.
Une autre résistance est la crainte que l’Évangile soit un simple distributeur de bénédictions. Jésus lui-même a vécu ce côté intéressé : certains, une fois leur besoin satisfait, ne l’ont pas suivi. Jusqu’au bout il a guéri des aveugles, des paralytiques, délivré des possédés, donné à manger à des foules affamées, pris du temps avec des personnes de mauvaise vie, socialement isolées… Mais il ne s’est pas limité à cela, il a appelé à la conversion, à ne plus pécher et à le suivre comme disciple. « Jésus… leur parlait du royaume de Dieu et il guérissait ceux qui en avaient besoin » (Lc 9.11). Parlons du royaume et dans le même temps rendons-le concret ! Ainsi notre réponse première doit répondre à un besoin spécifique, qu’il soit économique, social ou spirituel. Puis nous serons appelés à accompagner les gens dans un processus de formation et de développement spirituel. C’est un travail de longue haleine mais complémentaire et indispensable.
Damien Karbovnik³ donne deux raisons principales au développement des pratiques ésotériques :
• La « faillite du système rationaliste de la science à résoudre les problèmes du monde » : les gens ne croient plus en une science toute-puissante qui pourrait résoudre leurs difficultés et beaucoup ont basculé dans l’irrationnel en favorisant une approche plus intuitive sur ces questions.
• « L’échec des religions à s’adapter au monde contemporain » : les religions prescrivent des règles à suivre, mais les gens ont besoin de spiritualité et de sens.
¹ Sondage Ifop publié le 16 mars 2023
² https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-03-20/les-francais-croient-ils-vraiment-plus-qu-avant-aux-sorcieres-et-aux-fantomes-392b0c37-bb83-45b2-a593-95be7c49f8d9
³ Sociologue et historien des religions à l’Université de Strasbourg