Conférence Mennonite Mondiale : préparer un espace pour l’autre

 Dans Articles spécial Internet, Blog, Pennsylvania 2015

Markus Rediger, de l’Eglise mennonite de Berne, a participé pendant 12 ans aux travaux du Comité Exécutif de la Conférence Mennonite Mondiale (CMM), de 2003 à 2015. Bien des fois et à des endroits inattendus, il a fait l’expérience d’un bout de ciel sur la terre. Le prochain représentant mennonite européen au sein du Comité Exécutif de la CMM sera Jean-Paul Peterschmitt, de l’Eglise de Châtenay-Malabry. Interview de Markus Rediger par la revue allemande Die Brücke.

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Dans le Comité Exécutif de la CMM, Jean-Paul Peterschmitt, à gauche, (Association des Eglises évangéliques mennonites de France) représente maintenant l’Europe à la place de Markus Rediger de la Conférence Mennonite Suisse, à droite.

 

 

« Die Brücke » : Markus, pendant 12 ans tu as cheminé avec la CMM. Comment as-tu vécu cette période ?

Markus Rediger : Cette période a été pour moi pleine d’inspiration et d’impulsions. J’ai fait la connaissance de nombreux sœurs et frères fascinants du monde entier. Quand je parcours les articles et les rapports de cette période, une reconnaissance profonde me remplit. Cela a été un cadeau !

Lorsqu’en 2003 j’ai pris la succession d’ Erik Zürcher comme délégué de la Conférence Mennonite Suisse, j’ai été élu directement membre du Comité Exécutif, l’instance dirigeante de la Conférence Mennonite Mondiale, comme délégué des conférences mennonites européennes. En 2009, au Paraguay, j’ai ensuite été réélu pour six nouvelles années. En été 2015, il était temps de laisser la place à des successeurs. A part moi, seul le président Danisa Ndlovu a été 12 ans au Comité Exécutif. La plupart des gens ne font qu’un mandat. Cela a été une bonne période pour moi, elle a enrichi ma foi et ma vie. Même s’il m’a fallu toujours à nouveau utiliser des journées de vacances pour passer des semaines à la CMM, je peux dire que j’ai vécu là des choses plus riches que celles que j’ai pu manquer chez moi, à la maison ou ailleurs. Certes, je remarque maintenant qu’il me faut davantage de jours pour récupérer. Mais cela a été une expérience prégnante de réaliser combien nous avons besoin les uns des autres, en tant que communauté mondiale, pour rester sur le chemin. Comme simple Eglise ou Conférence, nous n’expérimentons que des fragments ou des parties du puzzle de la présence de Dieu dans ce monde. Quand on considère la communauté mondiale, une pièce du puzzle se joint à l’autre pour former une image complète. Beaucoup de paroles de Jésus sur les problèmes de notre temps et sur les sujets de la richesse et de la pauvreté, je les comprends autrement depuis que j’ai rencontré des frères et des sœurs qui ne peuvent compter sur rien ni personne d’autre que sur Dieu et les uns sur les autres, comme on me l’a dit aux Philippines. Ces personnes vont garder une place dans mon cœur. La plupart du temps, j’ai plus reçu de la part des pauvres que des gens aisés, ils semblent être plus prêts du ciel que beaucoup d’entre nous avec nos richesses matérielles.

Qu’as-tu fait à la CMM ?

La plus grande partie du temps je l’ai passée dans des sessions du Comité Exécutif, dans des entretiens, des cultes et des visites d’Eglises.A cela s’est ajoutée la participation aux commissions d’organisation et d’élaboration des programmes, de recherche d’un secrétaire et d’un président. Mais il y a eu aussi des entretiens dans des ambassades, comme à celle du Vietnam, lorsque les responsables de nos Eglises avaient été arrêtés.

Quelle est la langue de la CMM ? Comment avez-vous parlé les uns avec les autres ?

La plupart des conversations se sont faites en anglais, souvent avec traduction, mais le français, l’allemand, l’espagnol et parfois des langues vernaculaires sont utilisés. En Colombie et en Ethiopie, notre seule présence a été un encouragement pour les frères et sœurs, sans que nous ayons beaucoup parlé. Tous ont senti qu’ils n’étaient pas seuls ! Et il y avaient là non seulement des membres de l’Église, mais aussi beaucoup de gens gravitant autour. Plus un pays était pauvre, plus les Eglises m’ont semblé ouvertes à tous.

Qu’est-ce que la CMM apporte à chaque membre de nos Eglises ?

La CMM nous aide à être reliés avec les sœurs et les frères du monde entier et à nous soutenir mutuellement en tant que famille par la foi. Ceux qui sont persécutés ont besoin de l’aide de ceux qui vivent libres et ceux qui sont rassasiés ont besoin des affamés. Ainsi le message de la Bible acquiert une dimension plus globale. En 1715, les anabaptistes suisses ont été reconnaissants pour les portes ouvertes de leur frères et sœurs de Hollande. En 2015, dans beaucoup de pays, la CMM aide des réfugiés à trouver un lieu d’accueil. Au Nigéria et au Panama, les Eglises remercient pour le soutien reçu lors d’explosions de violence ou dans les conflits avec les gros propriétaires ou le gouvernement au sujet de la terre. En Colombie et aux Philippines, on demande de l’aide lors de conflits, d’expulsions et de violences.

Comment la Suisse est-elle représentée dorénavant à la CMM ?

Dans l’assemblée des délégués (qui se réunit tous les trois ans), Jürg Bräker représente la Conférence Mennonite Suisse. Dans le Comité Exécutif (qui se réunit à peu près 10 jours par an), c’est Jean-Paul Peterschmitt de l’Association des Eglises Evangéliques Mennonites de France qui représente l’Europe à ma place.

Quels sont les plus grands défis de la CMM ?

Lors du récent Rassemblement mondial à Harrisburg en Pennsylvanie, on a remarqué un engagement très positif chez les jeunes, cela ouvre des perspectives ! La grande diversité, les différences d’opinions, la recherche de financement, la multiplicité des langues, le dialogue avec d’autres Eglises et d’autres religions, il y a d’innombrables défis. Mais il y a un fondement sur lequel nous nous tenons tous ensemble en tant que communauté mondiale, à savoir Jésus-Christ (1 Co 3.11), cela nous porte tous vers l’avenir. Nous pouvons construire là-dessus tous ensemble dès maintenant et pour l’éternité.

Quelles ont été pour toi les expériences prégnantes ?

La rencontre avec des compagnons de route le plus souvent fantastiques.L’encouragement des frères et des sœurs lors de nombreux défis.

Lors de rassemblements, c’était captivant de parler avec des chrétiens dont les pays font la une des journaux. Il y a eu l’accident dans la centrale nucléaire de Fukushima au Japon, ou récemment le tremblement de terre au Népal avec des récits personnels, mais aussi les pourparlers de paix entre l’armée et les rebelles musulmans à Mindanao aux Philippines. Là, nous sommes allés voir les deux parties et nous avons eu l’impression que la paix n’était pas loin et pourtant, des groupes terroristes continuent à inquiéter des territoires entiers de l’île. Il y a aussi au Panama les indigènes Puan dont les terres sont revendiquées par des firmes internationales et qu’on refoule de sorte qu’ils n’ont plus assez d’espace vital, que l’eau est polluée et la forêt coupée. Là, la visite d’une délégation de la CMM a fait des merveilles et il se passe quelque chose sans que cela soit reconnu officiellement ; de même au Vietnam où, après des entretiens avec l’ambassade, des membres d’Eglises ou des pasteurs ont été libérés subitement.

Etre là les uns pour les autres dans le cadre de la CMM, cela a des conséquences sociales, politiques et économiques, à condition toutefois que nous nous engagions les uns pour les autres.

Quel est ton souhait pour l’avenir ?

Que nous, Européens, puissions être crédibles en tant que racines de cette communauté mondiale, ce que beaucoup attendent de nous. Nous avons entendu cela de la part des délégués en mai 2012 lorsqu’ils ont visité les sites historiques en Suisse lors du Congré Mennonite Européen. Le monde mennonite tout entier regarde tout particulièrement vers Zurich et l’Europe en prévision de l’année 2025 [500e anniversaire des premiers baptêmes « anabaptistes »].

L’invitation vaut pour tous : dans un monde global, cela fait sens d’avoir une communauté englobant le monde entier. Nous apprenons à mieux nous connaître nous-mêmes et notre horizon s’élargit. Soignons la communion au-delà des frontières, elle est la preuve la plus crédible que nous pouvons donner ; elle produira de bons fruits dont le monde à l’intérieur et à l’extérieur des Eglises a besoin.

Repris avec autorisation de Die Brücke, 6-2015, novembre 2015. Traduction par Frieda Manga.

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Une cloche de l’Emmental, cadeau pour le président sortant de la CMM Danisa Ndovu, est partie de la Pennsylvanie vers le Zimbabwe.

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