Nous avons prié pour sa guérison, mais elle est morte
Ce que Jacques 5 nous enseigne sur la prière des justes pour la guérison
Par Tim Geddert — 3 mars 2022
Nous étions sûrs que Dieu avait promis la guérison. Nous avons prié pour cela. Nous avons appelé les anciens de l’Église à prier, nous avons fait des onctions d’huile, imposé les mains, organisé des veillées de prière, jeûné, fait tout ce que nous pouvions. Pourtant, le cancer a provoqué exactement la détérioration physique et mentale que les médecins avaient prédite. Où était Dieu ? Qu’en est-il de la promesse qui dit que la prière de la foi guérira le malade ?
Lorsque nos proches sont en train de mourir, nous demandons à Dieu des ressources spirituelles pour faire face à la crise, et Dieu nous les donne. Mais nous demandons aussi la guérison physique, et parfois elle nous est refusée. Qu’en est-il du croyant qui, en lisant les récits de l’Évangile, a l’impression que tous ceux qui s’adressent à Jésus pour obtenir une guérison la reçoivent ? Où sont ces « choses plus grandes » dont Jésus dit qu’elles seront accomplies après son départ ? Et qu’en est-il de Jacques 5.14-18 et de sa promesse que « la prière faite avec foi sauvera le malade » ?
Nous aspirons à des réponses simples, mais les Écritures et les expériences de la vie sont trop variées pour être enfermées dans un seul moule, dans un seul modèle.
Un modèle unique ne convient pas
Le modèle qui affirme que « Dieu accorde toujours la guérison si nous prions avec le bon type de foi » ne tient pas compte d’environ la moitié des textes qu’on trouve dans l’Écriture. Le modèle qui affirme que « les dons de guérison ont disparu avec le dernier des apôtres » repose sur une interprétation biblique erronée et ignore le témoignage irréfutable de nombreux croyants modernes. Le modèle qui affirme que « Dieu s’intéresse aux questions spirituelles et non à la guérison physique » est totalement étranger aux principes selon lesquels Jésus a vécu. Le modèle selon lequel « les voies du Seigneur sont impénétrables ; nous ne pouvons pas nous attendre à les comprendre » court-circuite notre responsabilité d’apprendre les voies du Seigneur.
Il n’y a pas un seul et unique modèle. Chaque modèle, à sa manière, génère des interprétations bibliques déformées et souvent un sentiment injuste de culpabilité. (« Vous n’avez pas prié avec foi », « Le péché dans votre vie vous a empêché de recevoir la réponse de Dieu »). Parce que chaque modèle est inadéquat en lui-même, nous essayons de nous en tenir à un seul modèle jusqu’à ce que nous réalisions qu’il ne fonctionne pas. Puis nous nous retrouvons à faire des pieds et des mains pour en trouver un meilleur.
Malheureusement, nous fustigeons également ceux qui ont des modèles différents et les qualifions de non spirituels, non bibliques ou inadéquats. Je sais de quoi je parle. J’ai été partisan de plus d’un modèle au cours de ma vie. J’ai également reçu des conseils de personnes appartenant à de nombreux camps. Les réponses simples sont si attrayantes, mais lorsqu’elles échouent, qui est-ce qui ramasse les morceaux ?
Je ne prétends pas détenir LA vérité sur la guérison, mais j’insiste sur le fait qu’à moins de trouver le moyen d’accepter plusieurs modèles simultanément dans notre théologie, nous ne serons pas conformes au message biblique et nous ne serons pas préparés au moment où notre modèle favori échouera. Si nous voulons construire une théologie de la guérison bien équilibrée, nous ferions bien de commencer par le passage crucial sur la prière pour la guérison, Jacques 5.14-18. Certains diront que ce texte, plus que tout autre, justifie la conclusion selon laquelle, si nous prions correctement, la guérison nous sera toujours accordée. Est-ce vraiment ce que ce passage nous enseigne ?
La prière de guérison
Jacques 5.14-18 nous enseigne au moins trois choses. Il établit un modèle : les malades appellent les anciens pour prier. Puis il promet des résultats : les malades seront guéris. Et il fournit un exemple de la manière dont le modèle fonctionne : les prières d’Élie pour qu’une sécheresse de trois ans et demi commence et prenne fin.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi Jésus cite cet exemple ? Moïse et Élisée ont plus de guérisons à leur crédit qu’Élie. Si Élie est important, pourquoi cette sécheresse ? Pourquoi pas la fois où il a ressuscité le fils de la veuve de Sarepta ? Cela semblerait plus pertinent dans le contexte de guérison de Jacques.
Si la sécheresse est importante, pourquoi celle-ci ? Celle de l’époque de Joseph est de sept ans, donc deux fois plus longue. Si la préoccupation est simplement de trouver une réponse spectaculaire à la prière, pourquoi Jacques ne regarde-t-il pas sept versets plus loin dans le récit d’Élie ? Le feu du ciel est certainement plus étonnant que la pluie !
Tout compte fait, Jacques semble avoir choisi un exemple très étrange pour prouver son point de vue — à moins que nous n’ayons mal compris la signification réelle de l’exemple et, par conséquent, mal interprété le passage sur la guérison.
Vous souvenez-vous de la fois où Élie était désespéré parce qu’il pensait être le seul fidèle qui restait en Israël ? Dieu l’a encouragé en lui disant qu’il y avait encore 7 000 Israélites fidèles dont il ne savait rien. Que pensez-vous qu’ils faisaient pendant les trois années de sécheresse ? J’imagine qu’ils priaient pour qu’il pleuve. Cela semble être la chose à faire si la nation est en train de périr par manque de nourriture et d’eau. En d’autres termes, c’est ce qu’il convient de faire si l’on ne sait pas pourquoi la sécheresse se produit et combien de temps elle va durer. 7000 croyants fidèles prient pour la pluie, mais rien ne se passe. Manquent-ils de foi ? Sont-ils en décalage avec Dieu ? Non, ils ignorent tout simplement les desseins et le calendrier de Dieu.
C’est en cela qu’Élie est différent. Il ne passe pas trois ans à prier pour la pluie. Il connaît la raison de la sécheresse et sa durée. Il ne prend pas la peine de prier pour la pluie jusqu’au moment fixé par Dieu. Lorsqu’il sait que le moment est venu, il prie et, comme on pouvait s’y attendre, il pleut.
Pourquoi Jacques cite-t-il cet exemple ? Est-ce pour nous dire que chaque fois que nous prions avec ferveur pour une sécheresse ou pour la pluie (ou pour la guérison), nous pouvons nous attendre à ce que cela se produise ? C’est loin d’être le cas. Sur 7001 fidèles Israélites qui ont prié, un seul a eu un tel taux de réussite.
Quelle est donc la leçon à tirer de la prière pour la guérison ? Est-ce pour nous dire que chaque fois que nous prions avec ferveur pour une guérison physique, nous pouvons nous attendre à voir des miracles ? Je ne crois pas. Ne nous enseigne-t-il pas plutôt que si nous avons une connaissance particulière des plans et des desseins de Dieu, nous pouvons dire avec autorité « Lève-toi et marche » et nous verrons les choses se produire ? Peut-être que Jacques 5.14-18 se concentre davantage sur le discernement des actions de Dieu que sur « l’amorçage » de la pompe de la foi.
Il semble que Jésus ait toujours su ce qui allait se passer lorsqu’il prononçait une guérison. Au moins une fois, Pierre et Jean le savaient aussi (voir Actes 3). Lorsque nous savons exactement quand et comment Dieu va agir, nous pouvons dire « Lève-toi et marche ! ». Mais la plupart du temps, ce n’est pas le cas. C’est pourquoi nous devons regarder un peu plus en profondeur.
Prendre en considération les différents modèles
Je pense qu’il est clair que le modèle de Jacques 5.14-18 ne couvre pas tous les cas de figure. Nous sommes bien plus souvent comme les 7 000 personnes qui ne connaissent pas les plans de Dieu et dont les prières ne font pas bouger la main de Dieu. Alors que devons-nous faire ? Nous devrions cesser de lire ce texte comme s’il garantissait la guérison à chaque fois et le lire plutôt comme un appel au discernement sur le moment et la manière dont Dieu peut guérir.
Quel modèle Jacques voudrait-il effacer à tout prix s’il s’agit vraiment pour lui d’enseigner que la guérison physique en réponse à la prière est la norme ? Ou même que la connaissance des desseins et du timing de Dieu est la norme ? De toute évidence, l’exemple de Job. Il ne correspond pas à ce modèle. Job ne sait pas pourquoi sa maladie est là. Il ne sait pas si et quand sa santé sera rétablie. De plus, les desseins de Dieu dans le cas de Job ne peuvent s’accomplir que parce que Job ne les connait pas. L’ignorance des actions de Dieu est aussi essentielle au dessein de Dieu pour Job que la connaissance des actions de Dieu l’est pour Élie.
Mais Jacques n’efface pas l’exemple de Job. Au contraire, il le met en exergue, en plein milieu de Jacques 5 ! Pourquoi ? Parce que Jacques n’a jamais voulu que ses lecteurs pensent qu’un seul modèle couvre tous les cas de figure. Jacques sait que le modèle de Job est également valable. Il apprend aux chrétiens quelque chose d’important sur la manière dont Dieu utilise la maladie à des fins divines. Et il donne aux croyants un autre modèle valable pour un comportement approprié en temps de maladie.
Le modèle d’Élie encourage la « prière fervente et efficace » lorsque nous comprenons ce que Dieu fait. Le modèle de Job incite à la « persévérance » lorsque nous ne comprenons pas (5.11). Le modèle de Job met l’accent sur « ce que le Seigneur a finalement réalisé ». C’est pourquoi la persévérance est si importante. Job vit pour connaître non seulement la guérison physique, mais aussi le doublement de sa fortune. En fin de compte, le caractère de Dieu est justifié et Job fait l’expérience d’un Dieu « plein de bonté et de compassion » (5.11).
Mais que se passe-t-il si ni le modèle d’Élie ni celui de Job ne conviennent ? Tous ne vivent pas pour faire l’expérience de la guérison miséricordieuse de Dieu. Certains meurent. Nous ne pouvons tout simplement pas compter sur la guérison miraculeuse de Dieu (le modèle d’Élie) ou sur le doublement éventuel de notre fortune (le modèle de Job). Le caractère de Dieu est toujours justifié à la fin, mais cette fin se trouve parfois au-delà de la tombe.
Parfois, Dieu exprime sa bonté et sa compassion en ramenant un enfant chez lui, là où la maladie et la douleur ont disparu. Lorsque cela se produit, nous réalisons que notre « théologie de la guérison » est incomplète sans un troisième modèle, qui ne promet la guérison que dans la vie de l’au-delà.
Jacques connaissait ce troisième modèle ; il y fait allusion en 1.12 et 4.14. Il en va de même pour l’auteur du Psaume 73. Il parle de sa lutte pour trouver et accepter ce troisième modèle. Il ne l’accepte pas facilement. Il est troublé par le fait que les méchants semblent mieux lotis que les justes dans cette vie — meilleure santé, plus grande richesse, moins de problèmes. « J’ai donc réfléchi pour comprendre cela et j’ai vu que c’était difficile. Mais quand je suis entré dans ton temple, j’ai compris ce qui attend ces gens-là. » (Ps 73.16, 17).
Le psalmiste apprend que Dieu est effectivement bon pour ceux qui ont le cœur pur (73.1), mais que la mesure de cette bonté n’est pas la santé, la richesse ou le bonheur. « Il est bon d’être près de Dieu » (73.28). La bonne nouvelle, c’est que Dieu est bon lorsqu’une prière de foi ressuscite le malade (le modèle d’Élie), lorsque nous souffrons sans savoir ni pourquoi ni combien de temps (le modèle de Job) et même lorsque la souffrance nous introduit dans la gloire (le modèle du psalmiste). « Je suis toujours avec toi », dit le psalmiste (73.23), et « ici-bas, que désirer car je suis avec toi ? » (73.25).
Jacques promet que « quand un juste prie, sa prière a une grande efficacité » (5.16). C’est effectivement le cas. Parfois, elle a pour effet de changer nos circonstances, et un malade est guéri de manière spectaculaire (le modèle d’Élie). Parfois, elle a pour effet de changer notre caractère, et nous apprenons à persévérer et à faire davantage confiance à Dieu (le modèle de Job). Parfois, elle a pour effet de changer nos priorités, et nous nous reposons dans l’assurance que « mon corps peut s’épuiser et mon cœur défaillir, Dieu reste mon rocher et mon bien précieux pour toujours » (Ps 73.26, le modèle du psalmiste).
Nous ne devrions pas construire nos théologies, nos ministères ou nos vies sans tous ces modèles. Dans certains cas, l’autoritaire « Lève-toi et marche ! » annonce le miracle que Dieu est en train de réaliser. Dans d’autres cas, une longue et patiente souffrance est couronnée par la restauration et la bénédiction. Et dans d’autres cas encore, « ce qui est mortel sera absorbé par la vie » (2 Co 5.4).
Le défi n’est pas unidimensionnel mais tridimensionnel, car nous sommes continuellement appelés à discerner les voies du Seigneur, à persévérer lorsque nous marchons dans l’obscurité et à fixer nos yeux sur les choses d’en haut, et non sur les choses de la terre. En tout cela, Dieu ne nous abandonne jamais. Si nous nous approchons de Dieu, Dieu s’approche de nous, et c’est ainsi que nous faisons l’expérience du bonheur que l’auteur du Psaume 73 a découvert (73.28).
Tim Geddert a été professeur de Nouveau Testament au Fresno Pacific Biblical Seminary à Fresno, en Californie, jusqu’à sa retraite en mai 2023. Il est membre de la commission Foi et Vie de la conférence des Églises des Frères mennonites aux États-Unis.
Traduction : Samuel Bermont
Lire l’article original sur le site Christian Leader, le magazine des Églises de Frères mennonites des États-Unis :
(Citations bibliques : Bible du Semeur)