Vacances : convertir son regard sur l’autre
Et si les vacances étaient l’occasion donnée pour que quelque chose bouge en soi, en particulier dans le regard porté sur les autres ?
Réflexion d’un pasteur et témoignage d’une religieuse protestante.
Il y a un temps pour tout, dit l’Ecclésiaste (Ec 3.1). Un temps pour travailler et un temps pour se reposer (cf. Gn 2.2). Et si prendre des vacances, c’était prendre le temps de changer de regard sur la vie ?
CHANGER DE REGARD SUR SOI
Lorsqu’on est au volant de sa voiture, pas question d’admirer le paysage, car il faut rester concentré sur la route. Prendre des vacances, c’est comme arrêter notre voiture « travail », afin de non seulement admirer le beau paysage que nous offre la vie, mais aussi s’y promener, découvrir toute la beauté de la vie et finalement se découvrir soi-même.
Prendre des vacances, c’est s’interroger sur sa propre identité. On a beau dire « je suis informaticien » ou « je suis boulanger » ou « je suis pasteur »…, les vacances viennent nous rappeler que notre identité ne se limite pas à notre rapport au monde du travail : nous ne sommes pas le métier que nous exerçons, nous sommes aussi père, mère, frère, soeur, ami, voisin… Nous sommes des êtres humains, avec des besoins, des désirs, des plaisirs, des envies, des sentiments, des émotions, mais aussi avec des blessures, des frustrations, des déceptions… Plein d’aspects de notre personnalité qui ne font pas bon ménage avec les exigences de compétitivité, de productivité, de rentabilité du monde du travail.
Et si prendre des vacances c’était oser un autre regard sur soi, un regard plus vrai, plus honnête, plus compatissant ?
CHANGER DE REGARD SUR SES PROCHES
Miracle des vacances : le père stressant et toujours pressé a enfin le temps et l’envie de jouer avec ses enfants. La mère occupée par 1 001 choses à faire prend enfin du temps pour s’asseoir et raconter, se raconter. Les discussions lors des repas changent : on ne parle plus du travail ou des études, mais de la plage, du livre qu’on est en train de lire, du plaisir d’être ensemble.
Il suffit parfois de peu de choses pour découvrir ses proches sous un autre angle : briser la routine, changer de lieu, prendre du temps, penser à autre chose et nous voilà comme transportés dans un autre monde, où les relations changent, où l’autre est différent parce que je suis moi aussi différent. Un monde où les relations sont plus authentiques, plus profondes, car elles ne sont ni faussées ni polluées par le stress et les exigences du travail. Si, au travail, le temps c’est de l’argent, en vacances, le temps serait-il une occasion d’aimer ?
CHANGER DE REGARD SUR LES AUTRES
Les vacances, ça change un homme.
Recette : prenez un homme (ou une femme) ayant un travail très prenant.
Ôtez-lui le stress, les soucis professionnels, la pression quotidienne du travail… et plongez-le dans un lieu et un environnement de rêve, où tout cela est remplacé par du temps, des loisirs, du repos, de la tranquillité. Entourez-le de celles et ceux qu’il aime, et vous verrez un homme tout différent dans sa perception du monde et dans son rapport aux autres. Celui qui vociférait derrière un conducteur un peu trop lent alors qu’il avait un rendez-vous professionnel important est certainement un peu plus décontracté lorsqu’il est dans les bouchons sur la route pour les vacances. Il est fort probable que celui qui était très vite irrité à la moindre critique au travail prend la contrariété avec philosophie et humour lorsqu’il est en vacances.
Vues sous cet angle, les vacances sont non seulement un bel anti-dépresseur, mais une belle leçon de vie, pour qui sait profiter des vacances !
TÉMOIGNAGE
« Ce n’est pas nous qui pouvons changer de regard, c’est l’oeuvre de Dieu »
La prieure de la Communauté des diaconesses de Strasbourg décrit comment le regard de retraitants change lors de séjours au Hohrodberg, au-dessus de Munster.
Le Centre Communautaire du Hohrodberg n’est ni une colonie de vacances, ni une pension de famille ; c’est le lieu de vie d’une Communauté de Sœurs qui répond à l’appel de Dieu et offre des offices, la prière et le silence. Leur règle : joie, simplicité, miséricorde.
Comment peut-on choisir ce lieu pour y passer ses vacances !
Les vacances ne signifient pas obligatoirement détente, farniente et loisirs. Les hôtes qui nous rejoignent entrent dans une autre dynamique de vie : on se découvre les uns les autres et l’on s’accueille comme le Seigneur nous accueille. Instituteurs et professeurs, par exemple, peuvent côtoyer des familles. 24 heures ou 36 heures de vie commune, de prière à la chapelle, de repas en silence et tout change ! Les a priori, les crispations s’apaisent. Même les parents se détendent.
Nous accueillons des groupes (limités en nombre) de jeunes. Nos regards prudents et vigilants vont croiser leurs regards chargés de fausses images des sœurs et leurs idées toutes faites sur la vie consacrée. à la fin de leur séjour, nous constatons que tout est différent. Une relation fraternelle s’est établie.
Ensemble nous prions, nous écoutons Sa Parole. Dans Sa Présence et dans Sa Paix, nos regards changent. Les peurs et les critiques tombent et laissent percer l’espérance et la joie de Dieu.
Finalement, ce n’est pas nous qui pouvons changer de regard, c’est l’œuvre de Dieu.
Sœur Danielle Renaud, pour les sœurs sur la montagne