L’édito : Convaincus et pour la liberté de tous
Peut-on être exclusiviste sur le plan théologique et soutenir le pluralisme politique ? Autrement dit : si je crois que ma religion est vraie, juste et bonne, puis-je soutenir en même temps la liberté et la présence d’autres religions dans l’espace public ?
Miroslav Volf, un théologien croate d’origine pentecôtiste et professeur à l’université de Yale aux États-Unis, a répondu « oui » lors de conférences données à Fribourg (CH) au mois de juin. Il a cité en exemple la création par le pasteur baptiste Roger Williams de l’État de Rhode Island (USA) en 1644 : pour ce dernier, « c’est la volonté et l’ordre de Dieu que, depuis la venue de son Fils, le Seigneur Jésus, soit accordée à tous les hommes, dans toutes les nations et dans tous les pays, qu’ils soient païens, Juifs, Turcs ou anti-chrétiens, la liberté de conscience et de culte, et qu’ils ne soient combattus dans le domaine spirituel par aucune autre épée que celle de l’Esprit de Dieu, la Parole de Dieu qui seule peut vaincre ».
Cette position (exclusiviste sur le plan théologique et en faveur du pluralisme dans la société) est loin d’aller de soi. Les pentes sont plus faciles soit vers le monopole d’une religion ou d’une idéologie dans la sphère publique (notre vérité doit s’imposer à tous), soit vers l’exclusion des religions du domaine public (le laïcisme qui relègue la religion au for intérieur). Et il arrive qu’en refusant la pente du laïcisme, on tombe dans celle du monopole… Il arrive également que l’on fasse du pluralisme politique une tactique pour mieux asseoir son monopole…
La position de Roger Williams et de Miroslav Volf (qui était déjà celle des anabaptistes pacifiques du 16e siècle) s’appuie entre autres sur la parabole du bon grain et de l’ivraie qui cohabitent jusqu’à la moisson (Mt 13.24-30 ; 36-43). « Le champ [avec bon grain et ivraie], c’est le monde », expliquait Jésus.
Être des chrétiens convaincus et promouvoir la liberté pour tous est exigeant. Cela demande une intelligence de sa propre foi, une clarté quant aux moyens utilisés pour la partager, la volonté de vivre ensemble aux côtés de personnes d’autres religions ou sans religion.
Ce numéro essaie d’y contribuer, en donnant la parole à un groupe qui annonce l’Évangile à des Nord-Africains (p. 8), tout en rapportant comment une Église a participé à des visites interreligieuses (p. 31), ou encore en nous aidant à mieux connaître l’islam et à « aller à la rencontre du musulman dans l’esprit du Christ » (p. 34-35). Vaste programme ! Pour lequel il faudra davantage que les deux mois de pause jusqu’au prochain numéro de Christ Seul !
