‘ Il faut croire en l’homme ‘
Ce « commandement », que l’on nous adresse fréquemment aujourd’hui, pose question. Il est généreux, mais il a aussi ses dangers.
Le 14 juin 2006 a eu lieu à Paris l’inauguration du « Mur des Justes », monument qui rend hommage aux 2700 Français qui ont sauvé des Juifs de la déportation pendant l’occupation nazie. A l’occasion de cette cérémonie, le Premier Ministre Dominique de Villepin a prononcé un discours qui se termine ainsi : « Les Justes nous montrent le chemin. Ils nous disent qu’il faut toujours croire en l’homme et le servir. »
Il faut croire en l’homme : depuis plusieurs années, je tombe régulièrement sur cette exhortation, exprimée sous diverses formes par des personnalités du monde actuel. Même des personnalités religieuses, comme Soeur Emmanuelle du Caire : « Croire en Dieu sans croire en l’homme, c’est zéro », ou encore Elie Wiesel : « Même quand nous n’avons pas assez de raisons de croire en l’homme, il faut y croire. »
CROIRE EN L’HOMME, OUI…
Oui, si c’est une façon de reconnaître et d’apprécier que l’homme est capable de bonté, de justice, de vérité ; et une façon d’espérer qu’il en sera encore ainsi dans l’avenir. Car un juste est certainement meilleur qu’un nazi, et la civilisation est préférable à la barbarie. Oui, si c’est une façon de dire que la personne humaine a de la valeur et qu’elle est digne d’être respectée et aimée. Oui, si c’est pour rappeler que les humains doivent pouvoir se faire mutuellement confiance, sinon la famille, l’Eglise, la société ne peuvent plus exister. Enfin, oui parce que la Bible elle‑même reconnaît que l’homme (non seulement le chrétien dûment né de nouveau et sanctifié…, mais aussi le « païen » qui ne connaît pas le vrai Dieu) a de la valeur, des qualités, une capacité à faire le bien.
CROIRE EN L’HOMME, MAIS…
Attention, « croire en l’homme » est aussi une expression piégée. Elle peut amener l’homme à penser qu’il est assez bon, juste et sincère pour affronter le jugement final du Dieu saint. Mais la Bible dit que face à ce jugement, « il n’y a pas de juste, pas même un seul. » C’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec ce que dit le théologien Dom Ghislain Lafont : « Il faut croire en l’homme ; croire en l’homme, c’est penser que sa justice et sa vérité sont plus forts que son péché. » Ces paroles donnent l’impression que l’homme peut contrebalancer son état de pécheur en faisant des efforts pour être meilleur, mais la Bible affirme que c’est une illusion.
« Croire en l’homme » peut aussi renforcer la dangereuse tendance de l’homme à se diviniser lui‑même. On dit que les nazis, en considérant une partie de l’humanité comme des « sous‑hommes », n’ont pas assez cru en l’homme (alors que les Justes, en sauvant des Juifs, ont su croire en l’homme). Soit. Mais les nazis ont aussi d’une certaine façon trop cru en l’homme, en divinisant la race des « surhommes » aryens. Et diviniser l’homme est non seulement un blasphème contre le vrai Dieu, c’est aussi un chemin direct vers la barbarie.
Pour toutes ces raisons, la Bible ne nous commande nulle part de « croire en l’homme ». Elle nous conseille même le contraire : « Ne vous confiez pas aux hommes, qui ne peuvent sauver. »
CHAQUE CHOSE A SA PLACE
Soyons des justes, prêts à sauver notre prochain de la barbarie. Mais sans oublier que Jésus‑Christ est le seul juste, qui nous sauve face au jugement final.
Croyons en l’homme, si cela veut dire aimer notre prochain. Mais croyons en Dieu seul, plaçons en lui seul notre confiance ultime pour le présent et l’avenir.
Cet article est publié conjointement dans « Construire ensemble » et « Pour la vérité » (Union des églises évangéliques libres) et « Christ Seul ».