Le charme certain de la bienveillance
Après la bonté dans le précédent article, Denis Kennel définit la bienveillance et en montre le charme… ! Invitation.
Mark Twain disait de la bienveillance qu’elle est « le langage qu’un sourd peut entendre et qu’un aveugle peut voir »… Cette pensée n’a-t-elle pas quelque chose à nous dire, à nous qui nous plaignons plus ou moins régulièrement de la surdité et de l’aveuglement de nos contemporains quant aux choses spirituelles ? La bienveillance, bien sûr, est d’abord une attitude, un comportement ; mais elle est aussi un langage qui peut toucher ceux qui, pour diverses raisons, ne sont plus réceptifs au langage parlé.
DROITURE ET COMPASSION
Le fruit de l’Esprit est… agathôsunè, bienveillance. Le terme mêle les notions de droiture et justice, à celles de sensibilité et compassion : être droit et juste, mais sans être dur, c’est-à-dire en restant en souci pour le bienêtre de l’autre, bien disposéà son égard. Il faut bien le reconnaître, l’équilibre est difficile.
Dès l’Ancien Testament, nous sommes invités à la bienveillance : « Que la loyauté (bienveillance) et la fidélité ne t’abandonnent pas ; lie-les à ton cou, écris-les sur la table de ton coeur » (Pr 3,3). Avec la promesse que « Celui qui poursuit la justice et la bienveillance trouve la vie, la justice et la gloire » (Pr 21,21). C’est de bienveillance dont David fit preuve à l’égard de Mephibochet, le fils perclus des pieds de Jonathan et petit-fils de son ennemi Saül (2 S 9) : non seulement en lui rendant les terres familiales (justice), mais encore en l’invitant à demeurer à sa table (souci de son bien-être). On le voit, il n’y a pas de dichotomie entre les deux perspectives. Quand compassion et miséricorde s’allient au droit et à la justice, ce n’est ni plus ni moins que la bienveillance de Dieu qui se manifeste (tel était le souci du roi : user envers une personne de la famille de Saül de la « bienveillance de Dieu », cf. 2 S 9,3)…
DEUX MAINS
« La plupart d’entre nous vivons dans notre tête, ressassant soucis, échecs passés et catastrophes futures. Le toucher d’une main bienveillante nous ramène dans le monde présent et nous aide à être de nouveau en phase avec la réalité. »
Cette citation, anonyme, m’a interpellé. Le monde cherche des mains bienveillantes pour sortir de ses échecs et guérir de ses blessures. N’avons-nous pas, nous, disciples de Jésus-Christ, deux mains bienveillantes à offrir ? Deux mains, justement, pour que soient apportés à la fois le droit et la justice, mais aussi la sensibilité et la compassion ? Nous favorisons souvent un aspect au détriment de l’autre. Parfois, nous nous efforçons de promouvoir et de pratiquer ce qui, à nos yeux, est juste et droit, mais avec trop peu de compassion. Nous en restons alors au mieux à un « service minimum » ; au pire, nous entrons dans un esprit de jugement voire une dureté de coeur. D’autres fois, notre sensibilité et notre compassion nous font accepter tout et n’importe quoi, sous prétexte d’amour du prochain, en oubliant que nous avons aussi à vivre et à annoncer un message qui soit conforme à ce qui est juste devant Dieu.
Comment, alors, cultiver avec nos deux mains cet art de vivre difficile qu’est la bienveillance ?
PENSÉES…
Remarquons d’abord qu’il y a un lien entre la bienveillance et ce que nous avons dans notre coeur : « Ceux qui méditent le bien agissent avec bienveillance et vérité » (Pr 14,22). Les pensées que nous gardons en nous sont-elles tournées vers le bien, le bon ? Porter sur autrui un regard empreint d’amour, lui accorder un préjugé favorable, considérer ce qu’il a de bon et fait de bien plutôt que ses zones d’ombres, n’est-ce pas déjà là que commence la bienveillance ? Quelqu’un a dit un jour que « le médisant s’intoxique de toute l’amertume qu’il distille, (…) le bienveillant s’enrichit de toutes les beautés qu’il admire »… A méditer !
ENTRER DANS L’HISTOIRE DE L’AUTRE
Vient ensuite bien sûr la pratique de la bienveillance, parce qu’il ne s’agit pas d’en rester à la seule attitude de cœur, aussi fondamentale que soit cette dernière. Je ne vois pas qu’il y ait là de principes valables et applicables pour tout le monde, de la même manière, partout et toujours. Il y a plutôt des personnes, dans toute leur diversité et la diversité de leurs besoins. Des personnes pour lesquelles il faut trouver, pour chacune, comment leur manifester au mieux la bienveillance de Dieu. Cela nous demande d’entrer dans l’histoire de l’autre, de nous intéresser à lui, de faire l’effort de comprendre sa situation et son éventuelle souffrance, pour mieux voir, ainsi, comment l’aider.
POTENTIEL DE CHARME
Saviez-vous que « ce qui fait le charme d’un homme, c’est sa bienveillance » (Pr 19,22) ? Pour ma part, je l’ignorais. Mais je trouve intéressante cette idée que nous avons, avec cette vertu, une occasion d’accroître notre « potentiel de charme » ! Oserais-je suggérer que le monde a besoin que nous, chrétiens, lui manifestions un peu plus de notre charme ? Du point de vue de la bienveillance, en tous cas, la question ne se pose pas…
CITATION
« Un mot bienveillant, joyeux, encourageant, n’est pas un péché. Il peut aider l’esprit de l’homme à se tenir dans la joie devant la face de Dieu. » SÉRAPHIN DE SAROV, 1759-1833
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