40 ans après…

 Dans Christ Seul, Explorer

Le 4 avril 2008 dernier était commémoré le 40e anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King. Que reste-t-il de son message et de sa vie ? A la suite de la réflexion de Thierry Huser, le témoignage de Harcourt Klinefelter, mennonite des Pays-Bas, d’origine nord-américaine. Il a bien connu Martin Luther King et a travaillé avec lui.

Quarante ans après… L’enfant que j’étais ce 4 avril 1968 a grandi. Il a découvert le monde, s’est formé au contact de ses réalités et maintenant est appelé à s’y engager.
Quarante ans… Mon souvenir de ce jour-là est entouré d’un voile légèrement brumeux. La gravité de l’événement, je la percevais alors par l’impact de la nouvelle sur mes parents. Aujourd’hui, je comprends mieux. J’ai appris – quelque peu – l’histoire. La figure de Martin Luther King m’apparaît dans des contours plus clairs, plus personnels, plus nets.
Quarante ans… Le monde a tourné très vite. Le paysage a changé du tout au tout. Les centres d’intérêt se sont déplacés. Les hommes en vue ne sont plus les mêmes. N’empêche que nous sommes là, et appelés à vivre, à agir, à être ce que nous sommes dans le contexte qui est le nôtre… continuité dans la discontinuité.

ÉVANGILE INCARNÉ

Et là, par delà changements et mutations, Martin Luther King me parle encore, aujourd’hui ; très fort. Il m’est arrivé, ici ou là, de me replonger dans sa vie et dans quelques-uns de ses écrits. Il m’en reste l’image extrêmement forte d’un homme qui a su traduire l’Évangile en pertinence avec son contexte, dans son cadre de vie, en référence aux problèmes cruciaux de sa communauté et de son temps. L’Évangile n’est pas chez lui relégué dans les « arrière-mondes » et ne se dilue pas dans des généralités sur l’homme. Résolument, Martin Luther King a pris le parti de faire face, toujours, à la situation : sa vie le montre dans son immense valeur d’engagement ; ses prédications en témoignent aussi, avec leurs nombreuses références aux courants de pensée contemporains et leur constante application aux besoins concrets des auditeurs. Avec lui, Dieu apparaît vraiment comme le Dieu de l’histoire, de notre histoire, comme le Vivant.

CHRISTIANISME DÉCONNECTÉ ?

Quarante ans après, je m’interroge et je me demande si mon christianisme n’est pas, ici ou là, quelque peu déconnecté de la vie, des questions, des besoins d’aujourd’hui ; si sous prétexte de « pureté », je ne manque pas à certains engagements, à certains combats ; si par paresse ou manque d’imagination, je ne me limite pas dans les applications concrètes ; si par étroitesse ou par peur, je ne l’ai pas confiné au seul domaine « spirituel »…

NON-VIOLENCE ACTIVE

Pourtant, Martin Luther King est une illustration parlante du fait qu’il est possible de mêler l’Évangile aux combats de la vie sans pour autant le « mondaniser ». Quelle exigence que celle de son non-conformisme transformé par l’Évangile ! Quelle stature que la sienne, prêchant l’amour des ennemis sur le perron de sa maison balayée par une bombe ! Quelle élévation que celle de sa recommandation, au lendemain du succès du long boycott des bus de Montgomery, de reprendre le bus « avec humilité et douceur » sans se vanter d’avoir eu la victoire sur les blancs alors que la rude épreuve de force a duré plus d’un an ! Quelle force que celle de ses sermons sur le pardon, écrits dans les prisons de Géorgie ! Quelle vigilance, quelle attention constante sur les moyens et les motivations ! Et tout cela sur un terrain terriblement miné, où haine, parti pris, polarisation et non-écoute de l’autre faisaient loi, et où il était si facile de déraper ou de se renier. Il suffisait de si peu : la moindre faille, le moindre laisser-aller aux réactions de la nature humaine pouvaient tout détruire et tout réduire à néant.

FACILITÉ ?

Quarante ans après, je m’interroge. Et je me demande si l’Évangile que je vis a cette même vigilance, cette même attention, cette même maîtrise, cette même grandeur d’âme. Je ne puis m’empêcher de penser qu’une certaine facilité –à moins qu’il ne s’agisse d’un fruit amer du refus de l’engagement sur les « terrains minés » – conduit à se contenter de peu lorsqu’il s’agit de vivre et d’incarner les valeurs chrétiennes. Qui sait ? …
Ce que je retiens, quarante ans après, de Martin Luther King, ce n’est pas tant les succès d’un engagement que la stature d’un homme qui a su ne pas édulcorer les valeurs de l’Évangile tout en s’engageant dans un combat difficile.
EXTRAIT DE « MARTIN LUTHER KING – APÔTRE DE LA NON-VIOLENCE », CROIRE- POCKET, 2008, PUBLIÉ AVEC AUTORISATION.

IL A TRAVAILLÉ AVEC MARTIN LUTHER KING – TÉMOIGNAGE
J’ai eu le privilège de travailler avec Martin Luther King pendant les deux dernières années de sa vie. Je l’ai connu en tant qu’employeur, pasteur et ami, non seulement lui, mais aussi le reste de sa famille.
Mon engagement avec Martin Luther King et le Mouvement des droits civiques a débuté à Selma (Alabama) au printemps 1965, en tant que bénévole. A la fin de l’été, j’ai été embauché par la Southern Christian Leadership Conference (SCLC / « Conférence des Chrétiens Dirigeants du Sud ») où j’ai travaillé en tant que directeur assistant des relations publiques. Mon travail principal était d’enregistrer les discours et les prédications du Dr King et de les envoyer aux stations de radio et de télévision. Plus tard, j’ai fait de ces enregistrements des programmes pour la radio.
Pour moi, la vie privée de Martin Luther King était d’une certaine manière aussi impressionnante que l’était sa vie publique. Il portait un intérêt profond à chaque personne, et pas seulement aux foules. Il se comportait avec l’éboueur comme avec le maire. A partir de mon expérience personnelle, je peux affirmer qu’il mettait vraiment en pratique ce qu’il a dit dans son discours « Je fais un rêve ». Il jugeait les personnes en fonction de leur caractère traduit en actes, et non en fonction de la couleur de leur peau.
Parmi les descriptions de Martin Luther King, la plus marquante pour moi est celle d’une jeune femme blanche qui était venue participer à une campagne dans le sud des Etats-Unis en tant que bénévole. Elle a dit : « Parmi toutes les personnes que j’ai connues, Martin Luther King ressemble le plus à ce que j’ai compris de Jésus. »
Je peux seulement dire : « Amen ».
HARCOURT KLINEFELTER, PASTEUR MENNONITE ET ACTIVISTE POUR LA PAIX, STEENWIJKERWOLD (PAYS-BAS)

Pour aller plus loin…
Le mieux, c’est encore de lire des prédications ou des discours de Martin Luther King lui-même :
« Je fais un rêve », Bayard, Paris, 1998;
« Minuit, quelqu’un frappe à la porte », Bayard, Paris, 2000.

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