La réconciliation : un projet missionnaire !
La prochaine rencontre inter-Églises mennonites aura lieu le 1 er novembre 2011 à Lunéville, avec Neal Blough comme orateur. Présentation du thème et de l’orateur, pour donner envie de participer !
CHRIST SEUL : L’intitulé de la rencontre inter-Églises est « La réconciliation : un projet missionnaire ». Quel est en résumé le message que tu communiqueras ?
Neal Blough : Le point de départ se trouve dans le texte de Colossiens 1.18-20 : « Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude et de tout réconcilier par lui et pour lui, et sur la terre et dans les cieux, ayant établi la paix par le sang de sa croix. »
J’ai envie de communiquer que la réconciliation est le projet de Dieu pour le monde (et même l’univers) et qu’il se trouve tout au long de l’Écriture. Ce projet prend forme au sein de l’Histoire par l’appel de Dieu à Abraham à former un peuple qui sera « en bénédiction à toutes les familles de la terre ». Ces familles représentent l’état de l’humanité depuis Genèse 3 et surtout Genèse 11. Depuis la chute, l’humanité ne sait pas vivre ensemble, et le récit de Babel montre un monde où les peuples sont séparés, dispersés, et ne savent pas s’entendre.
Le projet de réconciliation n’est donc pas une réalité seulement spirituelle ou invisible. Il concerne le déroulement de l’histoire et le désir de Dieu de guérir les individus mais aussi et peut-être d’abord les « nations » dispersées issues de Babel. L’Apocalypse nous donne une vision de la rédemption qui affirme que le Christ « a racheté pour Dieu, par son sang, des hommes de toute tribu, langue, peuple et nation ». Cela renvoie à Babel et à Abraham. La vision finale du salut n’est pas un « ciel » rempli d’esprits individuels et invisibles, mais une ville nouvelle qui descend sur une terre renouvelée. Dans cette ville, nous retrouvons « l’arbre de vie » dont le feuillage sert à « la guérison des nations ».
CS : Qu’est-ce qui est plus important selon toi ? La réconciliation avec Dieu ou la réconciliation entre les humains ? Pourquoi ?
N. B. : Bibliquement et théologiquement, il est impossible de séparer ces deux aspects, même si d’une certaine manière il faudrait aussi affirmer que la réconciliation avec Dieu prime. Elle prime, parce qu’elle vient de son initiative, elle est son œuvre et elle s’adresse à l’humanité. En même temps, la réconciliation avec Dieu a pour but la restauration d’un monde brisé. Ainsi annoncer un salut ou une réconciliation qui ne concerne que l’individu reste en deçà de ce que l’Écriture annonce.
CS : Parler de réconciliation implique qu’il y a eu un conflit ou un problème avant. On pourrait se dire : « Je n’ai de problèmes avec personne, et je suis réconcilié avec Dieu ; donc ce thème ne me concerne pas. » Qu’en dis-tu ?
N. B. : La question fait abstraction du « grand projet » de Dieu et place la priorité sur ma vie et la question de l’individu. Selon Colossiens (et Éphésiens 1.9-10), le projet de Dieu en Christ vise d’abord la restauration de notre monde brisé. Le chrétien individuel trouve sa place là-dedans, et la démarche personnelle est souvent la porte d’entrée (mais n’oublions pas que nous sommes souvent portés auparavant par nos familles et nos communautés). Mais la démarche personnelle est seulement le début. Si je me cantonne à dire :« Je suis déjà réconcilié avec Dieu », j’oublie la mission que Dieu confie à son peuple.
La question oublie aussi la place centrale de l’Église dans ce projet de réconciliation. Dans l’épître aux Galates, Paul définit l’Église comme le lieu où « il n’y a plus ni juif, ni grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme… » Pour Paul, une telle Église fait partie intégrante du « projet Abraham », car il dit juste après : « c’est donc que vous êtes la descendance d’Abraham ; selon la promesse, vous êtes héritiers ». Dans l’épître aux Éphésiens (ch. 2), l’apôtre va encore plus loin, en montrant que la croix détruit le mur de la haine et permet la réconciliation entre peuple d’origines différentes.
Ainsi, l’Église, comme signe concret de la réconciliation, fait partie du projet de Dieu et de la mission qu’il nous confie. L’Église n’est pas une salle d’attente d’individus sauvés pour aller au ciel. Elle est corps du Christ en plein milieu du monde, appelée à annoncer et à vivre la réconciliation concrète que le Christ nous offre. L’Église, tournée vers le monde pour s’engager dans le projet de réconciliation et guérison, fait partie intégrante de la mission.
CS : A l’inverse de la question précédente, il existe parfois des relations bloquées, dans les familles, dans les Églises, où la réconciliation ne semble pas possible. Pourquoi et que peut-on espérer ?
N. B. : L’Église n’est pas parfaite, mais elle est appelée à poser des signes du projet de Dieu. Nous pouvons ainsi espérer que l’Église se souvient du ministère de la réconciliation qui lui est confié, et qu’elle facilite la guérison de situations relationnelles difficiles. Une partie du problème, c’est que nous sommes tombés dans une perspective qui donne la place centrale et parfois exclusive à la réconciliation de l’individu avec Dieu dans l’au-delà.
CS : La réconciliation veut-elle dire qu’il faut se réconcilier avec un mari ou un patron abusif, un membre d’Église dominateur ou manipulateur, un dictateur ?
N. B. : Bien sûr que non, mais le projet de réconciliation et l’Esprit nous donnent des attitudes et des comportements différents dans de telles situations et aussi, je l’espère, une communauté qui nous accompagne et nous porte vers la guérison. Les chrétiens ne sont pas des « faibles » qui subissent, mais des personnes qui, dans des situations difficiles, agissent en connaissance de cause pour résister au mal. Éphésiens 6 montre que nous ne sommes pas désarmés.
Pour aller plus loin…
Les deux exposés de Neal Blough peuvent être écoutés ou téléchargés sur le blog des Éditions mennonites.