Iran : parler au régime – Le MCC entretient des liens de longue date avec le président sortant

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Robb Davis, à gauche, directeur du MCC, en conversation avec Mahmoud Ahmadinejad en septembre 2006 à New York, avec en arrière-plan Ed Martin, co-directeur du MCC en Asie. Photo : MCC

 

 

Il y a un mois environ, des élections ont eu lieu en Iran. On oubliera volontiers le président sortant, Mahmoud Ahmadinejad. Malgré ou à cause de sa rhétorique enflammée,  le Mennonite Central Committee (MCC) a cherché à être en dialogue avec lui au fil des années. Exemple d’une tentative de dialogue avec l’adversaire voire l’ennemi au niveau politique.

Lorsque, après les élections du mois de juin 2013, les Iraniens ont remplacé Mahmoud Ahmadinejad, un président qui a fait deux mandats, une grande partie du monde se souviendra de lui comme d’un homme dur, énigmatique, vivant très loin d’ici. Ils se souviendront d’un homme sévère, fanfaron, dont le discours nucléaire et la rhétorique enflammée concernant Israël semblaient évoquer Georges Bush et l’inclusion de l’Iran dans “l’Axe du Mal”.
Mais les souvenirs d’Ed Martin de l’un des chefs d’état les plus célèbres seront un peu plus nuancés et bien plus personnels. Il se souviendra avoir discuté politique et religion avec Ahmadinejad jusque vers 22h30, il y a six ans, une nuit de février à Téhéran.
Martin qui était un envoyé du MCC en Iran de 1989 à 2007 faisait partie d’une délégation du MCC invitée dans la résidence présidentielle. Pour la première fois, un président en exercice iranien avait rencontré des Américains sur le sol iranien depuis la révolution de 1979.
Ce n’était ni la première, ni la dernière fois que Martin participait à des rencontres face à face avec Ahmadinejad. La première fois c’était à New York en septembre de l’année précédente, un aboutissement inattendu des relations que Martin et MCC avaient développées avec les Iraniens pendant 16 ans.

Premiers contacts en 1990
C’est à l’occasion du tremblement de terre de 1990 que MCC a fait les premières tentatives pour se rapprocher de l’Iran, même si une autre raison déterminante était le souhait pour MCC de dépasser l’hostilité croissante entre l’Iran et l’Ouest.
A cette époque, l’islam remplaçait le communisme en tant qu’ennemi privilégié de l’Occident et Téhéran remplaçait Moscou comme l’épicentre du mal.
Même si le MCC n’avait jamais placé du personnel à long terme en Iran, Martin s’y rendait au moins une fois par an depuis des années, et y cultivait des relations. Ses contacts avec des responsables iraniens officiels ont mené à des séries d’échanges d’étudiants où des mennonites américains ont étudié l’islam en Iran et des étudiants iraniens la religion et le travail pour la paix (peacebuilding) à Toronto et Eastern Mennonite University (EMU) en Virginie,
Le premier étudiant iranien à EMU était Ali Akbar Rezaei ; il est devenu plus tard un haut fonctionnaire au ministère des affaires étrangères iranien et en position de force lors des réunions du MCC avec le président. D’après Martin, Rezaei souhaitait que le président rencontre des personnes présentant un autre visage des USA que ce qui est montré par le gouvernement américain ou les médias iraniens.

Quatre rencontres
En tout, MCC a organisé quatre réunions avec Ahmadinejad, entre septembre 2006 et septembre 2008, toutes à l’initiative du président.
Robb Davis était à la tête du MCC lorsque la première invitation est venue pour une rencontre. Il a conduit la délégation de 45 responsables religieux qui ont assisté à la réunion à l’hôtel à New York avec Ahmadinejad. Au début de son intervention, Davis a souhaité la bienvenue au président, précisant que les questions sensibles qui suivraient ne diminuaient en rien cette bienvenue. Ensuite il demanda pardon.

Demande de pardon
En 1953 – une date gravée dans la mémoire iranienne – les USA et la Grande Bretagne avaient orchestré un coup militaire qui a éjecté le président iranien démocratiquement élu. Les alliés occidentaux ont obtenu l’accès au sous-sol iranien sous le nouveau chef d’état Shah Pahlavi. Le shah est devenu un dictateur répressif avec le soutien constant de l’Occident et une police secrète entraînée en Amérique jusqu’à ce qu’une révolte populaire mette fin à son règne en 1979.
Ces 26 années de répression soutenues par les USA dominent la manière dont les Iraniens se représentent les USA  et c’est pour cela que Davis a demandé pardon. Il s’est excusé d’avoir profité d’actions du gouvernement des Etats-Unis qui ont opprimé la population en Iran, et de ne pas avoir formellement questionné l’action du gouvernement américain.
Selon Davis, le président a répondu par le silence.
A la fin de la réunion, Davis a suggéré qu’une délégation de responsables religieux américains visite l’Iran ; Ahmadinejad a répondu par son interprète en disant qu’ils devraient venir en février quand les nuits seront longues et qu’ils pourront parler tard le soir.
Alors que Davis dit que la réunion était formelle, Martin estime que Davis et Ahmadinejad ont développé une relation significative, quelque chose qui s’est perdu lorsque Davis a démissionné du MCC le mois suivant.
Pour les réunions suivantes, il y avait plus de monde, et elles étaient plus publiques. C’est ainsi que le dialogue devint de plus en plus une “plateforme pour les objectifs d’autres personnes” en Iran et aux USA, d’après Arli Klassen, directrice du MCC au moment de la dernière réunion.
L’année suivante, lorsque des responsables iraniens invitèrent MCC à une autre réunion avec Ahmadinejad, le MCC déclina l’invitation.

 

Motivation et conditions du dialogue

Klassen dit qu’à chaque réunion le MCC a clairement pu dire que sa motivation en faveur du dialogue est fondée sur un engagement pour Jésus. Ahmadinejad a aussi été régulièrement questionné sur la liberté religieuse en Iran, le programme nucléaire du pays, son appel à la destruction d’Israël et sa remise en question de l’Holaucauste.
Bert Lobe qui a présidé la troisième réunion du côté MCC, a dit qu’ Ahmadinejad, est apparu à la fois “ fragile et préoccupé ” durant la réunion, rarement en contact visuel. Mais vers la fin, lorsque Lobe a épinglé une colombe sur le badge d’Ahmadinejad, le président “ s’est radouci. « 
Pour Arli Klassen, c’est simple : “ Lorsqu’on est en désaccord avec quelqu’un, il vaut toujours mieux parler que de se taire. “

 

Will Braun, traduction Louise Nussbaumer, article repris avec autorisation de « Canadian Mennonite », vol. 17, n° 12.

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