500 ans des Réformes : L’Eglise a besoin de se réformer autour de la discipline

 Dans 500 ans des Réformes, Blog

Deuxième article de la série, venu du Québec, et portant sur la question de la discipline de l’Eglise, sujet peu abordé…

 

Les réformateurs du 16e siècle voulaient encourager leur Église (catholique) à se réformer, mais sans succès. L’Église a plutôt expulsé ses prophètes, sans prendre longtemps en considération leurs questions et leurs fondements bibliques. Les prophètes ont estimé qu’ils devaient persister, puisque leur compréhension de la Bible ne leur permettait tout simplement pas de se conformer. Ayant insisté sur le salut par la grâce seule et sur l’autorité ultime des Écritures et ayant accompli bien des réformes et des changements, les réformateurs « magistériaux » et leurs alliés politiques en sont restés là. Mais pour les anabaptistes, les chrétiens devaient pouvoir choisir leurs pratiques religieuses et se distinguer par leur comportement du monde ordinaire. Pour cela en autres, ils ont subi la persécution. Les anabaptistes/mennonites mettent donc l’accent depuis longtemps sur la discipline pour préserver la différence de l’’Église. C’est toujours le cas pour les amish, les Old Mennonites et les huttériens. Les autres descendants de l’anabaptisme sont en réaction contre la discipline voire l’abandonnent tranquillement.

Chaque Église exerçant la discipline choisit les domaines où l’appliquer : pour les catholiques, c’est la question du remariage et des femmes prêtres ; pour les baptistes (en Amérique du nord), ce sont l’alcool, la pratique de l’homosexualité et les grossesses avant le mariage ; pour les amish, ce sont l’usage de l’automobile et du téléphone portable ; pour les grandes Églises de la Réforme, ce sont le « rebaptême », le langage sexiste et l’homophobie.

Nous sommes tous allergiques à la discipline envers nous, mais nous y tenons pour les autres (Mt 7.1-5). La postmodernité, son refus des absolus et de l’autorité et son injonction au respect, accentue ces deux aspects. Comme l’Église n’influence plus la société, plusieurs souhaitent que l’État oblige les indisciplinés.

Comme au temps des premiers anabaptistes, la discipline dans l’Église est devenue dans le monde actuel une idée radicale. L’individualisme et « l’antinomianisme » (le rejet d’une loi imposée sur soi) rendent presque impossible d’aborder le sujet. Mais par exemple la question de la pratique de l’homosexualité demande une réponse de la part de chaque dénomination et de chaque assemblée. Qu’est-ce que la Bible enseigne et qu’est-ce que l’Église peut et doit faire ? La deuxième partie de cette question rejoint le sujet de la discipline.

 

Dans la Bible

Le « je » et le « nous » ont été tous les deux cruciaux pour Jésus et pour son Église. L’individu est appelé par Jésus à le suivre et à en faire son modèle et son Seigneur. On pourrait donc accuser Jésus d’encourager l’individualisme, de mettre en cause les autorités, la tradition en place et la soumission à la famille. Mais s’il est vraiment le Seigneur, l’autorité ultime, un tel appel est supérieur à tous les autres. Jésus veut des disciples disciplinés et il avertit des conséquences négatives si on ne le suit pas. Son corps, l’Église, le « nous », a donc besoin de l’unité et de rendre un bon témoignage. C’est pourquoi on trouve dans le Nouveau Testament, chez Paul et les autres auteurs, des encouragements, accompagnés d’avertissement, à demeurer attaché à un comportement chrétien ; même l’exclusion de l’Eglise est de mise, dans les cas extrêmes de rébellion et de refus d’écoute.

 

La discipline ailleurs que dans l’Église

Pourtant, si on pense à l’entraînement en sport ou à l’exercice en musique et en danse, la discipline a une connotation positive. La discipline est une nécessité pour les études, la pratique de l’art ou de la couture, à l’armée, dans le respect d’un régime alimentaire. Dans chaque domaine, la discipline est une condition de base permettant ensuite de réaliser une performance et de pouvoir peut-être même dépasser les normes habituelles. La discipline demande d’assimiler la sagesse du passé, d’acquérir par la pratique répétée des compétences et les techniques nécessaires, d’apprendre à travailler en groupe pour parvenir à un meilleur résultat. Elle vise à lutter contre la paresse, l’égoïsme et les habitudes qui empêchent de réussir. Il en va de même dans l’Église.

 

Premier pas

Pour retrouver la discipline 500 ans après la Réforme, peut-être faut-il chercher un nouveau mot qui exprime la pensée biblique aujourd’hui. Par exemple pour soi-même : la « suivance corporative » de Jésus. Pour l’Église : le « travail ensemble » et aussi « l’intervention pastorale » ou, pour ce dernier terme si l’on préfère un verbe plutôt qu’un nom, « intervenir pour améliorer la démarche spirituelle ». Il peut être bien aussi de rappeler aux chrétiens que la discipline est un mot positif et nécessaire dans beaucoup d’autres domaines de la vie et de la société.

Il est important d’apporter un enseignement sur la discipline et de proposer des discussions à ce sujet, jusqu’à ce que l’idée fasse consensus. Dans l’Église, il me semble que les hommes sont plus favorables à la discipline que les femmes et les jeunes. Il nous faut écouter les deux tendances (beaucoup de discipline ou presque aucune) et arriver à une approche plus équilibrée. Il faut reconnaître et corriger les pratiques maladroites de la discipline dans le passé ou la manière d’exercer la discipline qui se limite aux comportements de certains groupes. Si on arrive à un consensus quant au principe de la discipline, il faut appliquer celle-ci avec équilibre et justice envers tous. L’accompagnement et la préparation au baptême sont d’excellents moments pour en parler, comme aussi le baptême lui-même.

 

Conclusion

La discipline est trop importante pour la négliger. Une Église ou un chrétien indisciplinés n’ont pas de bonne nouvelle à offrir, si ce n’est la grâce à bon marché. Certes, la société autour de nous et notre propre égoïsme continueront à contester la discipline dans l’Église ou à en tordre le sens. Cependant, dire « non » à l’égoïsme et à la conformité au monde nous libère. Notre Dieu, dans sa miséricorde et son amour, révèle ses standards élevés pour une vie saine et sainte. Il nous appelle à bien davantage qu’une vie et qu’une assemblée indisciplinées. Tous, nous offensons Dieu et nous comptons sur son salut, mais il nous appelle à progresser. Bien exercer la discipline est difficile. Ne pas l’exercer est désastreux pour notre exemplarité et pour notre témoignage.

 

Richard Lougheed siège aux conseils de l’Église L’Essentiel à Montréal, de l’Association des Églises des Frères mennonites du Québec et du Centre d’études anabaptistes de Montréal. Il est également chargé de cours en histoire de l’Église et bibliothécaire à l’École de théologie évangélique du Québec. Il a été autrefois président du Conseil mennonite du Québec. Spécialiste de l’histoire des franco-protestants au Québec, il aime jouer au hockey sur glace. Malgré son origine anglophone, c’est un enthousiaste du Réseau mennonite francophone et des visites en Afrique.

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