M comme moine
Les mennonites seraient-ils les moines du protestantisme ?! Question sérieuse, au vu de certaines affinités de fond entre la démarche monastique et le mouvement anabaptiste. Explications.
On peut relever des affinités entre la vie monastique et le mouvement anabaptiste. Déjà au 16e siècle, on se moquait de la vie spirituelle et de l’aspiration à la sainteté des anabaptistes en les traitant de « nouveaux moines ». Les mennonites seraient-ils les moines du protestantisme ? Leur volonté de suivre le Christ dans l’obéissance, de signifier leur vie nouvelle par un engagement pris à l’âge adulte, de vivre dans un certain retrait du monde, pourrait le laisser penser. Hospitalité, humilité, communauté, repentance, sont des valeurs fortes partagées par les uns et les autres. On comptait d’ailleurs d’anciens moines parmi les premiers anabaptistes. La prédication d’un ex-bénédictin comme Michaël Sattler († 1527) aurait simplement fait sortir l’ascèse et la sainteté des cloîtres…
MAUVAISE PRESSE EN PROTESTANTISME
Les monastères n’ont pas eu bonne presse dans le protestantisme. En France, c’est frère Roger Schutz (1915-2005) qui, non sans difficultés, a fait renaître à partir de 1940 un monachisme d’origine protestante à Taizé. Pourtant, dès le 16e siècle, les communautés houttériennes avaient adopté, au sein de l’anabaptisme, un style de vie très proche de celui des monastères. Elles ont été rejointes au 20e siècle par les frères et sœurs du Bruderhof.
Plus étonnant encore, le premier monastère protestant avait des origines… anabaptistes ! Il s’agit du couvent d’Ephrata (Ephrata Cloister), fondé en 1735 en Pennsylvanie sous la conduite de Johann Conrad Beissel, issu des Brethren, et auquel se sont joints plusieurs mennonites. À Ephrata vivait une communauté de frères, puis aussi de sœurs, unis par un même engagement dans la prière, le travail et l’activité missionnaire, et porteurs d’un rayonnant témoignage de miséricorde et de paix. Ils ont largement contribué à la réédition de sources essentielles de l’anabaptisme primitif, notamment du Miroir des Martyrs.
ENGAGEMENT RADICAL
Faut-il s’étonner de cet anabaptisme monastique ? Après tout, frères moines et « frères suisses » ne puisaient-ils pas à la même source évangélique ? N’étaient-ils pas animés par un même élan : tout laisser pour ne suivre que Jésus ? La pauvreté, la vie communautaire, la prière, font partie des moyens pour y parvenir.
Aujourd’hui, bien des chrétiens reconnaissent la valeur de ces choix. On parle de « l’option bénédictine » (The Benedict Option), d’un « nouveau monachisme » (New Monasticism), de « monachisme urbain »… Dans un monde sécularisé, l’authenticité d’une vie de disciple interroge. Soyons dans le monde, sans être du monde…