Projet de loi bioéthique : tout cela est-il «très bon»?
« Dieu vit tout ce qu’il avait fait ; et voici tout cela était très bon. » (Gn 1.31)
Il n’y a dans ces mots qui terminent le premier chapitre de la Genèse, ni autosatisfaction ni forfanterie à la manière des hommes, mais la belle expression de la joie et du bonheur du Dieu créateur. Ces mots, cette liesse, sont parvenus jusqu’à nous par la Parole de notre Dieu, la Bible, qui portera éternellement l’écho de l’allégresse divine des origines. Il est bon et même « très bon » d’écouter à nouveau ce texte rempli d’émerveillement et de le confronter à une autre « genèse » qui s’annonce aujourd’hui : celle du projet de loi relatif à la bioéthique.
DES QUESTIONS DE VIE
La bioéthique, c’est, selon Eugenijus Gefenas, président du Comité intergouvernemental de bioéthique de l’Unesco, « un ensemble de décisions problématiques sur la vie humaine et la santé ». On s’intéresse ici à l’être humain, l’alliance sémantique du « bio » et de « l’éthique » y relie « la vie » et « la morale ». Parler de vie humaine, réfléchir à la vie, vouloir agir sur la vie… nous oblige. Nous sentons bien, ici, la nécessité de ne pas dire et faire n’importe quoi. D’où l’arrivée de l’éthique car il pourrait bien y avoir danger! Des risques à éviter ou à anticiper! Notre responsabilité, notre honnêteté, notre recherche du bien commun, pour aujourd’hui et pour demain, et nos valeurs vont être engagées. Il est donc de notre devoir de regarder ce que le gouvernement français nous propose.
TOUJOURS PLUS LOIN
Quatre grandes rubriques composent principalement le projet de loi qui vient de commencer un long parcours législatif que le gouvernement espère voir aboutir à l’été 2020¹ : la procréation humaine et la filiation (articles 1 à 4), les dons d’organes et la transmission d’informations génétiques (art. 5 à 9), la recherche sur les embryons humains (art. 14 à 18) et l’action médicale anténatale (art. 19 à 22). Ce qui surprend à la lecture du projet de loi, c’est qu’on a l’impression qu’on avance toujours plus dans « la permission » d’aller toujours plus loin dans l’expérimentation, sans « principe de précaution », et que les barrières autrefois reconnues sont, pour certaines, levées sans en donner d’explication. Or les décisions que s’apprête à prendre le Parlement sont « problématiques » au sens propre du terme : elles posent problème !
¹ Le texte, adopté en première lecture par les députés le 15 octobre 2019, devrait être examiné par le Sénat en janvier 2020.
OUVERTURE DE LA PMA
Concernant la Procréation Médicalement Assistée « sans père » (c’est-à-dire avec donneur de sperme anonyme, voir la « fiche repère » du CPDH à ce sujet), le projet abandonne le critère d’infertilité médicalement constatée. Tout couple formé d’un homme et une femme, de deux femmes et les femmes seules auront un droit à la PMA avec donneur. Le double don de gamètes, interdit par la loi actuelle, qui date de 2011, sera autorisé (il nous faudra alors parler de PMA « sans père et sans mère identifiés »). Aujourd’hui, pour un couple marié, le conjoint doit donner son consentement au don de sperme ou d’ovocytes de sa « moitié » ; le projet de loi propose la suppression du consentement du conjoint en cas de don de gamètes. Une « déclaration anticipée de volonté » est imaginée, pour les couples de femmes, devant notaire, afin que l’acte d’état civil de l’enfant à naître puisse comporter la mention « mère … et mère … » au lieu de « père … et mère … ».
GAMÈTES ET EMBRYONS
Dans le domaine de la recherche sur l’embryon, on passera d’un régime d’autorisation à une simple déclaration ; et le projet de loi de faire une distinction entre « embryon » et « cellules souches embryonnaires qui ne conduisent pas au même questionnement éthique » (art. 14). Et puis le gouvernement prévoit l’autorisation de créer des gamètes artificiels à partir de cellules souches embryonnaires (art. 15). Anticipe-t-il une baisse du nombre de donneurs de gamètes puisqu’il envisage la levée de l’anonymat ? Tout cela interroge ! Et avant la naissance ? L’article 20 supprime la proposition systématique d’un délai de réflexion de huit jours, pour le couple, en cas de proposition d’une interruption de grossesse pour raison médicale. Enfin, le diagnostic préimplantatoire (DPI) qui aujourd’hui n’est autorisé qu’à titre exceptionnel (en cas de forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique), voit sa finalité modifiée et élargie : « des investigations supplémentaires, notamment des examens des caractéristiques génétiques de chaque parent, peuvent être réalisées ». À quelles fins ? Le texte ne dit rien.
STOP !
Tout cela ne semble manifestement pas « très bon ». C’est pourquoi le CPDH a rejoint le collectif « Marchons enfants » qui demande un moratoire, la mise en œuvre d’un principe de précaution garantissant le respect de la vie et de l’espèce humaine, des moyens pour effectuer de véritables recherches sur les causes de l’infertilité et le respect du droit de l’enfant « à connaître, dans la mesure du possible, ses parents et à être élevé par eux² ». Voilà certainement ce qui sera bien meilleur.
² Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, article 7.
POUR ALLER PLUS LOIN…
Les fiches repères du CPDH sont consultables et téléchargeables sur le site cpdh.org