N’aie pas peur

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Méditation pour le dimanche 15 mars 2020 – Église de la Ruche, Saint-Louis

Par Luc Alexis Leuthold

En cette fin de semaine et ce samedi, il est particulier pour moi, de service de prédication pour ce dimanche 15 mars, de m’adresser à vous de la sorte, à distance. Je m’imagine dans notre église, serrant des mains ou échangeant des bises à l’entrée, m’adressant à vous depuis la chaire… et pense à cette impossibilité, à plusieurs d’entre vous actuellement à l’hôpital, confinés à la maison, ou encore d’autres avec un rythme de vie simplement chamboulé. Qui d’entre nous aurait imaginé il y a quelques mois que nous soyons interdits de culte ? Il est bon de se rappeler que nous priions et remerciions régulièrement pour cette liberté de culte, et pensant notamment à nos frères et sœurs persécutés. Sans comparaison avec leurs situations, nous nous sentons maintenant peut-être un peu plus solidaires d’eux, en vivant concrètement cette impossibilité de se rencontrer, certes pour d’autres raisons, passagères.

Pour ces quelques lignes, j’ai pensé naturellement au thème de la peur, ne désirant pas occulter, comme si de rien n’était, ce temps plus troublé et différent que d’habitude. Mais, en m’inspirant du titre d’un livre paru récemment[1], entre minimisation et surenchère de la peur, l’équilibre est délicat : il ne faut pas minimiser la situation sanitaire et son impact notamment sur les personnes plus âgées, mais non plus pas être dans la surenchère qui manipule, enferme, paralyse ou crée de la violence. Car le problème de la peur, c’est qu’elle conduit bien des fois à des violences, comme l’explique un historien de la santé, spécialiste des épidémies, dans un article récent[2]. La peur est également un virus qu’il s’agit de stopper, avec des effets à larges échelles extrêmement rapides, comme l’a montrée la dégringolade historique des bourses mondiales cette semaine.

Quand les circonstances ne vont pas bien, quoi de plus normal que d’avoir peur, de craindre ? Ce premier sentiment est normal. Car la peur peut être utile, quand elle est synonyme d’une prise de conscience d’un risque, quand elle protège. L’enjeu se situe dans ce que je fais de ce premier sentiment : est-ce qu’il me domine, avec ses aspects négatifs, ou pas ? Ces aspects négatifs sont à vaincre, notamment puisque notre Dieu, au travers de la Bible, nous ordonne de différentes façons de ne pas craindre, comme en Luc 12.7 : « (…) N’ayez pas peur ! Pour Dieu, vous êtes plus importants que beaucoup de petits oiseaux ! ». Ce n’est donc pas une option, mais un ordre à vivre ! Alors voici quelques pensées[3] pour essayer de vivre au mieux  ce commandement – d’ailleurs si fréquent dans la Bible :

– un premier pas pour vaincre la crainte est de la reconnaître. Le nombre de fois où la crainte est mentionnée dans la Bible est impressionnant. Mais, comme l’écrivait Neal Blough, « les Psaumes nous rappellent sans cesse une réalité « théologique », mais pas toujours évidente : il n’est pas nécessaire d’avoir peur. »

« Même si je passe par la vallée obscure,
je ne redoute aucun mal, Seigneur, car tu m’accompagnes.
Tu me conduis, tu me défends, voilà ce qui me rassure. »

Psaume 23.4 (trad. français courant)

– un deuxième pas est de questionner nos priorités. Dans le Sermon sur la Montagne, en Matthieu 6.25-34, Jésus aborde la question de la sécurité à partir de choses fondamentales : la nourriture, le vêtement, les choses dont nous avons besoin pour simplement vivre. Ou vivre plus simplement. En simplifiant et par raccourci, cela correspond aux magasins qui restent ouverts actuellement en Italie ! Quant au vêtement, pour la plupart d’entre nous il n’est plus actuellement dans le domaine du nécessaire, l’industrie du vêtement et de la fast fashion étant parmi les plus polluantes actuelles[4] (certains vont jusqu’à dire que c’est la 2ème la plus polluante, après le pétrole)… Jésus pose la question des priorités, et te pose la question de qu’est-ce qui est le plus important pour toi ? Nécessaire ? Ta crainte concerne-t-elle cela ? Peut-être, et c’est le cas légitime pour certains. Mais pour beaucoup, et souvent, ce n’est pas le cas. Ces paroles du Christ sont capitales, car ce Sermon sur la Montagne décrit une manière de vivre en plein milieu d’un monde déréglé. Nous devons nous les rappeler encore et encore, année après année, continuellement.

– un troisième pas est de se rapprocher de Dieu, toujours plus. Le cœur de l’enseignement de Jésus, en Matthieu 6, concerne la spiritualité, la prière. « Mais l’Écriture est aussi réaliste et nous dit que vaincre la peur est une question de décision, d’apprentissage. » 3

« Mais quand j’ai peur,
je mets ma confiance en toi. »

Psaume 56.4 (trad. Parole de Vie)

Avec les années, ma peur du vide (vertige) augmente, et je dois continuer de prendre les occasions qui se présentent de la surmonter, afin d’essayer de la « dompter »… sinon, dans 20 ans, je ne pourrai plus monter sur un tabouret !
Il s’agit d’ancrer nos vie dans l’Esprit, afin de pouvoir résister aux tentations. La vie est un combat, puisqu’il y a des forces de dérèglements à l’œuvre dans le monde. Même si ces forces ont déjà été vaincues par le Christ, la vie reste un combat. A mener avec nos armes de la vérité, la justice, la paix, la foi, « la prière sous toutes ses formes » (Éphésiens 6.18, trad. TOB) … donc également sous forme de conférence téléphonique, comme nous l’essayons ces jours !

Comme l’écrit Neal Blough à la fin de cet article : « Nous devons apprendre à faire face à la crainte, au manque de sécurité. Nous avons besoin de pousser des racines spirituelles profondes pour cultiver la confiance, pour combattre la peur, pour ne pas diaboliser les autres, pour reconnaître que nous aussi, nous sommes tentés par les attitudes et des pratiques bien loin de l’Évangile de Paix. (…) Face à l’inquiétude, face à la crainte, face au manque de sécurité, laissons pousser nos racines pour produire les fruits de l’Esprit. » 3

Les racines demandent du temps pour pousser… Peut-être es-tu déjà ou seras-tu forcé à être à l’écart d’un rythme normal ces prochains temps ? Que tu puisses utiliser ce temps pour te rapprocher de Dieu. En décidant par avance du temps que tu te limites à suivre les informations[5] (par exemple en moyenne 15 minutes par jour, un condensé en une fois ?), n’en gagneras-tu pas pour leur pousse ?

Dans les premiers siècles, le comportement et le témoignage des chrétiens fut décisif, notamment dans le contexte d’épidémies[6]. Ma prière ce matin est que notre témoignage de « non-peur » soit contagieux parmi nos proches non-chrétiens, pour la gloire de Dieu.

« N’aie pas peur, je suis avec toi.
Ne regarde pas autour de toi avec inquiétude.
Oui, ton Dieu, c’est moi.
Je te rends fort, je viens à ton secours et je te protège
avec ma main puissante et victorieuse. »
Ésaïe 41.10 (trad. Parole de Vie)

Amen.

Luc Alexis Leuthold

[1] Denis Kennel et Michel Sommer (sous dir.), « Que celui qui est sans péché – Entre minimisation et surenchère du péché », collection Perspectives anabaptistes, Excelsis, 2019.

[2] Patrick Zylberman, article « Il y a toujours eu des peurs », dans La Vie, 5 mars 2020, p. 27.

[3] Une partie de cette réflexion est tirée de l’article « Crainte et sécurité » de Neal Blough, en pages 11-14 du dossier « La peur » du Dimanche pour la Paix 2017, téléchargeable sous https://www.editions-mennonites.fr/wordpress/wp-content/uploads/2017/02/dimanche-pour-la-paix-2017.pdf (accédé le 09.03.2020).

[4] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/09/01/co2-eau-microplastique-la-mode-est-l-une-des-industries-les-plus-polluantes-du-monde_5505091_4355770.html (accédé le 13.03.2020).

[5] En ce samedi 14 mars au matin, l’application du journal « Le Monde » donne « En une » 20 contenus liés au coronavirus, contre 8 sur d’autres sujets – et plus tôt, il n’y en avait que 2 ou 3… !

[6] Comme rappelé par Andrea Riccardi dans cette tribune : http://www.lavie.fr/actualite/billets/coronavirus-non-ne-fermons-pas-nos-eglises-01-03-2020-104296_288.php (accédé le 13.03.2020). Le Livre « Catéchèse, baptême et mission – Leçons d’hier pour l’Église aujourd’hui », d’Alan Kreider, dans la collection « Perspectives anabaptistes », chez Excelsis, élabore ce thème du témoignage des chrétiens des premiers siècles, et comment il peut nous inspirer pour aujourd’hui.

 

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