Louer en tout temps

 Dans Christ Seul

Corinna Eyer puise dans ses expériences de vie et sa double culture pour écrire des chants de louange d’une grande sensibilité. Rencontre avec une auteure-compositrice inspirante.

Christ Seul : Bonjour Corinna. Pour commencer parle-nous de ton pays d’origine et de ce qui t’a marquée dans ton enfance.

Corinna Eyer : Je suis née en Allemagne, près de Cologne, dans une famille avec des parents de cultures et de tempéraments très différents : d’un côté mon père allemand, ordonné, fiable, généreux, un brin irritable, plein d’humour, et de l’autre côté ma mère grecque, exubérante, pleine de vie, chaotique, aimante et très drôle. Baigner dans deux langues et deux cultures dès la naissance ouvre l’esprit à d’autres façons d’être et de s’exprimer.

La musique était un « langage » supplémentaire, chez nous. Ma mère chantait et sifflotait des cantiques et chants grecs du matin au soir et mon père écoutait souvent de la musique classique, le dimanche après-midi, après le culte. Mon grand frère et moi avons été inscrits, sans notre consentement, à des cours de piano dès l’âge de six ans, chez un prof privé et sans passage par une école de musique. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais appris le solfège et cela explique pourquoi lire les notes est encore compliqué pour moi. Au lieu de répéter inlassablement les Inventions et Symphonies de Bach, j’aurais tellement préféré jouer dehors avec mes copines…

C’est vers 14 ans que le piano a pris réellement une dimension intéressante pour moi. Je venais de faire un pas de foi personnel et je m’étais engagée à la chorale de jeunes de mon Église. Là, le pianiste titulaire m’a encouragée à le remplacer au piano et à apprendre à accompagner les chants sans partitions. Cela a été le début d’une toute nouvelle approche du piano qui m’a donné une liberté et un champ de possibilités incroyables. C’est à cet âge-là que j’ai été encouragée à accompagner aussi les chants d’assemblée et à faire de petites improvisations. Mon Église a fait preuve d’une grande ouverture d’esprit et de bienveillance à mon égard, car les débuts étaient, comment dire… créatifs et sûrement douloureux pour des oreilles sensibles.

Pourrais-tu nous dire ce qui t’a donné envie d’écrire et de composer ?

Corinna Eyer : Inventer des mélodies au piano a toujours été pour moi un formidable moyen d’expression, surtout pour exprimer mes états d’âme… et j’en avais ! Il me suffisait de puiser dans cette créativité qui était la mienne. Dès l’âge de 11 ou 12 ans, j’ai commencé à composer et à écrire de petits bouts de chansons, rarement terminés et destinés uniquement à moi-même et à mes proches. Plus tard, il m’est arrivé de composer un chant pour un mariage ou pour l’Église, ou de travailler avec des amis musiciens, comme récemment avec David Rychen pour son nouvel album.

En 2020, une personne de mon Église m’a interpellée après un culte, en me disant quelque chose comme : « Corinna, pourquoi tu ne mets pas plus en valeur tes dons musicaux ? Ce que tu peux partager avec d’autres, partage-le. Avec tes dons tu peux faire du bien aux autres, alors ne les garde pas pour toi ! » Cela m’a touchée. Tout à coup consciente que le temps passe et surtout qu’il est compté, en plus dans un contexte où la maladie et la mort étaient omniprésentes, il était peut-être temps pour moi de partager mes « cinq pains et deux poissons » plus largement avec les autres et laisser Dieu en faire ce qu’il voulait. J’ai publié mon premier chant Qui est comme toi ? sur YouTube en janvier 2021 et le deuxième, Lob in dunklen Tagen, (Louange dans les jours sombres), en avril. Et je dois dire, Dieu sait faire des choses incroyables avec deux sardines et cinq bouts de pain…

Tes chansons évoquent des moments de turbulence dans ta vie…

Corinna Eyer : La chanson en allemand Lob in dunklen Tagen parle d’états d’âme que j’ai traversés : des tempêtes de vie, une traversée du désert, la confrontation avec la douleur, la maladie, voire la mort… La question du sens de la vie me tourmentait déjà enfant. Je me demandais souvent : Pourquoi je vis ? À quoi bon tout cela si on doit mourir un jour ? Le sentiment de vide et de solitude s’est accentué à l’adolescence, et j’ai développé des idées suicidaires. Mais entre une vie morose dépourvue de sens et le choix de la mort, il y avait une alternative que je n’avais pas encore sérieusement envisagée. Est-ce que cela valait la peine d’essayer ?

La décision de me tourner vers Dieu a été le choix le plus heureux et décisif de ma vie. Mais même si j’ai trouvé un ancrage solide pour mon âme et un sens à ma vie grâce à ma foi en Dieu, j’ai traversé, et traverse encore, des moments difficiles : une maladie chronique me cause des douleurs parfois insupportables, il y a eu la perte de ma mère qui a été fauchée par un cancer fulgurant en quelques mois et la perte de mes deux beaux-parents, coup sur coup, l’année passée à cause du coronavirus…

Tu écris des chansons en allemand et en français : comment vis-tu cette double identité qui est proche en fait de celle de beaucoup de lecteurs de Christ Seul ?

Corinna Eyer : Si j’écris des chansons en français et en allemand, je pense que c’est parce que cela me permet de m’exprimer plus librement. Que cela puisse toucher en particulier les lecteurs bilingues de Christ Seul me réjouit ! Ceux qui ont une « double identité » vivent probablement la même chose que moi : avoir deux (voire trois) cultures et langues est une énorme richesse, mais cela fait aussi qu’on ne se sent jamais « complet » dans l’une ou l’autre culture. Il y a toujours un « manque ». Peut-être que le fait de chanter dans toutes les langues qui font mon identité me permet de me sentir plus « complète ». Cela est valable pour les langues mais aussi pour les styles de musique. Je me sens « chez moi » dans beaucoup de styles de musique. Avoir la liberté de m’exprimer dans des styles différents me permet d’être davantage moi-même. Si cela peut rejoindre des gens d’âges, de cultures, de goûts différents qui se reconnaîtront dans l’une ou l’autre de mes chansons, cela me va bien !

Que dirais-tu à des jeunes talentueux qui voudraient composer de la musique et en vivre ?

Corinna Eyer : Il me semble que vouloir vivre de la musique est compliqué aujourd’hui. Les supports matériels disparaissent, les grandes plateformes d’écoute sur Internet sont gratuites, la musique, dès qu’elle est publiée, voyage et peut être multipliée à volonté, sans que personne ne paie un cent. Faire des concerts est souvent le seul moyen de générer des fonds. Beaucoup de musiciens doivent donner des cours de musique ou exercer un autre métier à côté.

Au-delà de la question de vivre de la musique, je dirais aux jeunes : Remercie le Seigneur pour les dons qu’il t’a confiés et demande-lui de te montrer comment les mettre à son service et au service des autres ! Puis utilise-les, perfectionne-les, et surtout sois prêt à servir là où tu peux, humblement et fidèlement ! (Et cela vaut pour tous les dons, pas seulement pour la musique !)

Pour finir peux-tu nous donner une citation en allemand qui t’inspire au quotidien ?

Corinna Eyer : J’aime énormément la citation : « Mach’s wie Gott : werde Mensch ! », que l’on pourrait traduire par « Fais comme Dieu : deviens humain ».

Propos recueillis par Katia Dinh

 

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