La montagne

 Dans Christ Seul

Vivre sa vie, c’est souvent grimper une falaise.
Y’a ceux qui ont le vertige, et puis ceux qui sont à
l’aise.
Y’a ceux qui foncent les yeux fixés sur la cime,
y’a ceux qui sont bloqués, terrifiés par l’abîme.

Y’a ceux qui n’ont confiance qu’en ce qu’ils
maîtrisent
et prennent prise seuls sur le rocher,
méprisant la corde qui pourrait les assurer.
Y’a les pas rassurés, n’aimant rien assumer,
suant à grosses gouttes à chaque pas effectué.
Ils ne croient en la corde que quand elle est
tendue :
si on leur donne du mou, ils se sentent vaincus.
En escalade, le moment le plus dur,
c’est quand t’as les muscles bloqués par une sale
contracture.
La douleur peut s’arrêter si tu te lâches dans le
vide,
mais pour y arriver, il faut avoir un sacré bide.

Crédit photo : Sabrina Sölch

Ta vie est entre les mains de ton assureur,
tu es à la merci de la moindre de ses erreurs.
Mais c’est ton partenaire, tu lui fais confiance.
Et les yeux fermés, tu lui confies ton existence.

La mienne, je l’ai confiée au meilleur des équipiers,
avec la certitude qu’il va toujours me rattraper.
Il m’encourage et me montre la voie,
il m’a donné un équipement qui est vraiment extra.
Ce type, je te dis, il est plutôt incroyable.
Il s’intéresse à moi avec mon niveau minable.
Lui il est champion, inégalé.
À côté, Spiderman, on dirait une mémé.
Et pourtant il veut me connaître.
Il est à mes côtés, même quand j’en fais à ma tête.
Qu’importe ce que je sais faire, l’important c’est qui
je suis.
Pour lui ma vie n’a pas de prix,
même si je suis pas un génie, jamais il me laisse au
tapis,
comme un père, un frère ou un ami,
du dimanche au samedi, c’est l’amour garanti.

Mais quand la pluie tombe et le brouillard
m’envoûte,
la peur me saisit et s’installe le doute.
Le vent me déconcentre, je n’entends plus sa
voix,
et je m’éloigne de lui pas après pas.
Je change de voie sans le remarquer,
jusqu’à ce que je sois totalement égarée.

Mon corps est tremblant, l’angoisse me gagne,
je suis à présent prisonnière de la montagne.
Et dans ma détresse, je crie à lui,
et lui dans sa bonté, me tire de mon puits.
Il me met au repos dans un chalet douillet,
son amour me bouleverse, si grand, si parfait.
Et tout à nouveau je lui prête allégeance,
puis je me remets en route, remplie de confiance.

Vivre sa vie, c’est souvent grimper une falaise.
Y’a ceux qui ont le vertige, et puis ceux qui sont à
l’aise.
Y’a ceux qui foncent les yeux fixés sur la cime,
y’a ceux qui sont bloqués, terrifiés par l’abîme.

Et en montagne, il ne faut pas se leurrer :
le guide n’ôte pas les difficultés,
mais il te montre comment les surmonter.
Et qui a dit : « Qu’importe le chemin,
ils finiront tous pareils, aujourd’hui ou demain ? »
On t’a menti, petit, tous les chemins ne mènent
pas à Rome,
s’ils finissent souvent à Sodome. Sauf un.

C’est un sentier alpin, escarpé et sauvage,
avec des bifurcations et de nombreux virages

Tu y rencontres des gens de tout âge,
de tout horizon et de tout paysage.
Mais tous du même voyage, et si tu les dévisages,
tu verras sur leur visage, le témoignage de leur
héritage,
la source de leur courage, d’une vie sans cage,
d’une vie de sage.
C’est un peuple heureux, même si leurs jours ne
sont pas pastels,
c’est qu’ils ont choisi en premier lieu de fixer
leurs yeux vers le ciel.
Quelle que soit la météo ou l’humeur des
alpinistes,
ils n’avancent jamais solo, y’a toujours quelqu’un
sur la piste.
Quelle que soit la météo ou l’humeur des
alpinistes,
ils sont toujours en duo,
puisqu’ils marchent avec Christ.

Texte écrit et déclamé par la jeune slameuse Christine Clarke, alias Lady Slamenco, étudiante en médecine, décédée du cancer à l’âge de 24 ans (Lausanne, 2014).

Pour en savoir plus : www.ladyslamenco.com

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