Rompre le corps du Christ ?

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Prédication apportée par César Garcia, secrétaire général de la Conférence Mennonite Mondiale, le 4 septembre 2022 à l’église mennonite de Karlsruhe-Thomashof.

César Garcia était Karlsruhe à l’occasion de l’Assemblée du Conseil 0ecuménique des Églises.

 

Pandémie

Violence en Ukraine

Nationalisme

Inégalités

Des leaders populistes qui tirent parti des rancœurs créées par ces inégalités.

Suis-je en train de parler d’aujourd’hui ? Non. Je vous parle de 1925. À cette époque, les responsables mennonites européens se demandaient où trouver l’espoir. Des responsables d’Églises en Russie et en Europe ont proposé l’idée de mettre sur pied au niveau mondial une communauté d’Églises ou d’assemblées transnationale qui surmonterait la violence, le nationalisme, l’inégalité et la fragmentation.

Pour en revenir à notre époque…

David Brooks, dans le New York Times du 22 avril, écrit : « La mondialisation est terminée. Les guerres culturelles mondiales ont commencé. »

Il y a 30 ans, il y avait une vision optimiste du progrès et de la convergence : les pays finiraient par chercher à imiter les valeurs des démocraties occidentales. Cependant, nous constatons aujourd’hui une divergence et une fragmentation politique, économique et culturelle.

Cette année, en juillet, la Conférence Mennonite Mondiale (CMM) a célébré son 17e Rassemblement Mondial. La CMM a invité environ 10.000 assemblées locales du monde entier à célébrer la vision de Dieu d’une nouvelle humanité transnationale qui surmonte le nationalisme, le racisme, les différences de classe sociale et les autres murs qui nous séparent. La Conférence Mennonite Mondiale est notre communion mondiale qui rassemble environ 1,5 million d’anabaptistes. Si on vous demande combien de personnes se sont jointes au culte ce dimanche dans votre assemblée, eh bien vous pourriez répondre que nous étions près de 1,5 million ensemble.

À propos de notre communauté mondiale, il y a quelques années, dans mon assemblée locale en Colombie, un ami m’a dit : « Oh ! César, comme je t’envie ! » « Pourquoi ? » lui ai-je demandé. « Tu sais… je travaille dans une entreprise multinationale. Je vis beaucoup de stress à cause des conflits permanents avec mes collègues et mes patrons. Mais toi, César, tu travailles avec des pasteurs et des responsables d’Églises. Quel genre de conflits pourrais-tu avoir ? »

On connaît les conflits entre dirigeants, les polarisations et les scissions qui existent dans l’Église.

Ces jours-ci, je lisais une histoire racontée par un comédien des États-Unis, Emo Philips : Il disait :

« Un jour que je traversais un pont, je vis un homme se tenir sur le bord, prêt à sauter.

Je me suis précipité et j’ai dit : « Arrêtez ! Ne faites pas ça ! »

« Pourquoi ne devrais-je pas le faire ? » a-t-il demandé. « Eh bien, il y a tellement de raisons de vivre. « 

 » Lesquelles ?  »  » Eh bien, êtes-vous quelqu’un de religieux ?  » Il répondit que oui.

J’ai dit : « Moi aussi ! Êtes-vous chrétien ou bouddhiste ? » « Chrétien. » « Moi aussi !

Êtes-vous catholique ou protestant ? « Protestant. » « Moi aussi !

Êtes-vous épiscopalien ou baptiste ? « Baptiste. » « Wow, moi aussi !

Es-tu baptiste, Église de Dieu ou baptiste, Église du Seigneur ? »

« Église baptiste de Dieu ! » « Moi aussi !

Vous êtes l’Église baptiste de Dieu ou l’Église baptiste réformée de Dieu ? « Église baptiste réformée de Dieu ! » « Moi aussi !

Êtes-vous l’Église baptiste réformée de Dieu, réforme de 1879, ou l’Église baptiste réformée de Dieu, réforme de 1915 ? »

Il a dit : « Église baptiste réformée de Dieu, réforme de 1915 ! »

J’ai dit : « Meurs, hérétique », et je l’ai poussé et précipité dans le vide.:

Un jour que je traversais un pont, je vis un homme se tenir sur le bord, prêt à sauter. »

Après avoir lu cette histoire imaginée par Phyllis, je me suis dit « on pourrait écrire ça sur les anabaptistes ». En effet, une des choses que nous savons bien faire est justement de nous morceler. Cela est bien triste car le monde a désespérément besoin d’exemples vivants de communautés qui abordent les désaccords, les différences culturelles et raciales, la diversité et la disparité financière autrement que par la division et la marginalisation. La façon dont l’Église fait face aux conflits devrait être source d’espoir dans ce monde. Elle est la communauté capable de montrer que les conflits peuvent être menés à bien sans division ni désunion. Cependant, nous qui sommes anabaptistes, de par notre histoire, nous savons que cela est loin d’avoir été le cas.

Dans un magazine mennonite, il y a quelques mois, je lisais un article. Et son auteur écrivait : « Je suis fier d’avoir quitté cette Église parce que c’est la chose fidèle à faire. Quand il faut sacrifier la doctrine ou l’éthique, il faut partir. » Bien sûr, cela vous place dans une sorte de dilemme ; il faut choisir entre l’unité d’une part et la doctrine ou l’éthique d’autre part. Alors nous considérons que, si c’est nécessaire, il faut sacrifier l’unité et conserver une saine doctrine ou une bonne éthique. Dans notre histoire anabaptiste, c’est ainsi que nous avons géré les conflits doctrinaux et éthiques.

Nous ignorons tout simplement comment interpréter les textes bibliques qui parlent d’unité et encore plus de koinonia, le mot grec pour communion. Parmi nos ressources cultuelles, nous conservons le Credo des Apôtres, qui se termine par ces phrases :

Je crois en l’Esprit Saint, en la sainte Église catholique (universelle),

en la communion des saints, en la rémission des péchés,

en la résurrection du corps et en la vie éternelle.

La communion est un mot biblique qui a trait à la participation au corps du Christ vivant.  Elle signifie partage, intérêts mutuels, générosité, participation aux biens, aux souffrances et à la grâce. Elle implique de vivre la mission de Dieu avec d’autres personnes dans une attention mutuelle.

En tant qu’anabaptistes, nous avons tendance à spiritualiser la communion ou bien à attendre qu’elle soit vécue après notre mort, quand nous serons réunis dans l’unité parfaite. Pourtant, le concept biblique de koinonia ou de communion me procure courage et espoir au sein de l’Église.

Cette confiance dans l’Église en tant que communion est le sujet principal de la lettre que l’apôtre Paul a écrite à l’Église d’Éphèse. Voyons la prière de l’apôtre Paul au début de sa lettre, aux versets 18 et 19 du chapitre 1 du livre des Éphésiens :

« Pour que vous sachiez quelle est l’espérance qui s’attache à son appel, quelle est la richesse de son glorieux héritage au milieu des saints et quelle est l’infinie grandeur de sa puissance, qui se manifeste avec efficacité par le pouvoir de sa force envers nous qui croyons. »

Dans ces versets, l’apôtre Paul prie pour que nous ayons de l’espoir. Il est fascinant de voir les caractéristiques que possède l’espérance, selon ce passage. J’en trouve au moins trois.

Tout d’abord, l’espérance est une invitation. Dieu nous appelle à recevoir cette espérance. C’est un appel. Notre unique responsabilité est de décider de l’accepter ou de la rejeter.

Ensuite, l’espérance est une réalité que nous ne pouvons pas produire par nous-mêmes. Selon la prière de l’apôtre Paul, cette espérance ne peut pas être produite par nous-mêmes, car elle est quelque chose de révélé, qui nous est donné. En d’autres termes, c’est un don, un don de l’Esprit Saint que Dieu nous offre.

Enfin, de par la façon dont parle l’apôtre, l’espérance est liée à la « communauté » puisqu’il parle de l’Église. On ne peut pas jouir de cette espérance sur un mode individualiste. Elle est quelque chose que l’on expérimente quand on fait partie de la communauté des saints.

L’espérance est donc une invitation, un don de Dieu, et elle est communautaire.

Cela dit, nous n’avons pas encore défini ce qu’est cette espérance. Pour trouver une définition de l’espérance, nous devons porter un regard plus large sur la lettre aux Éphésiens. Il nous faut voir de quoi Paul parle lorsqu’il évoque l’espérance. Si nous revenons quelques versets plus tôt, aux versets 9 et 10, nous trouvons ceci :

« Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, conformément au projet bienveillant qu’il avait formé en Christ pour le mettre à exécution lorsque le moment serait vraiment venu, à savoir de tout réunir sous l’autorité du Messie, aussi bien ce qui est dans le ciel que ce qui est sur la terre. »

Dans le contexte du fait de réunir toutes choses en Jésus, l’apôtre Paul parle de l’espérance. Puis, quelques versets plus loin, au chapitre 2, nous lisons ceci :

« En effet, il est notre paix, lui qui des deux groupes n’en a fait qu’un et qui a renversé le mur qui les séparait, la haine. 15Par sa mort, il a rendu sans effet la loi avec ses commandements et leurs règles, afin de créer en lui-même un seul homme nouveau à partir des deux, établissant ainsi la paix. 16Il a voulu les réconcilier l’un et l’autre avec Dieu en les réunissant dans un seul corps au moyen de la croix, en détruisant par elle la haine. » (2, 14-16)

La notion de « rassemblement de toutes choses en Jésus » est à nouveau présente. Paul ajoute le concept d’une nouvelle humanité composée de diverses personnes, en réalité issues de groupes différents. Lorsqu’il parle de deux groupes différents, il s’agit des Juifs et des Gentils. Ces deux groupes qui se détestent habituellement deviennent un seul corps, une nouvelle humanité. Puis, au chapitre 4, l’apôtre Paul, reparlant de l’espérance, mentionne ceci :

« Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à la maturité de l’adulte, à la mesure de la stature parfaite de Christ. » (4, 13)

Selon la lettre aux Éphésiens, l’espérance est liée à l’expérience de l’unité dans le corps du Christ. Voilà ce qui suscite l’espérance. Cette unité (communion) ne donne pas seulement une espérance, elle permet d’atteindre la stature de la plénitude du Christ.

Nous n’atteignons pas la pleine stature du Christ en observant la bonne doctrine, même si celle-ci est fondamentale. Nous n’atteignons pas la pleine stature du Christ par une éthique correcte, même si l’éthique est fondamentale. Selon la lettre aux Éphésiens, la seule façon d’arriver à la maturité en Jésus-Christ est de demeurer unis en dépit des divergences de doctrine et d’éthique. Cela n’est possible que si Jésus est le centre de nos vies. Cela n’est possible que si on décide de vivre cette espérance, de la recevoir et de l’expérimenter dans la communauté, car la seule façon de grandir au-delà des différences doctrinales et éthiques, c’est par la conversation, en vivant ensemble, en étant un. Nous savons que ce n’est pas facile. C’est un don de l’Esprit Saint.

C’est ce que nos Églises ont découvert dans le monde entier. Il y a quelques années, l’Église BIC du Népal, confrontée à des inondations, a tout perdu : maisons, nourriture, emplois, bâtiments d’église. Elles ont vu des mennonites, des MB et d’autres Églises anabaptistes leur envoyer de l’argent et des équipes pour les soutenir. Elles ont compris que nous faisions partie d’une famille de foi mondiale qui surpasse les nationalismes. Nous ne sommes pas seuls. Nous sommes un seul corps. Cela suscite l’espoir.

Ce fut aussi le vécu de Sangmin Lee, un objecteur de conscience qui a passé un an et demi en prison pour sa conviction sur l’objection de conscience en Corée du Sud. Le support apporté par notre église mondiale sous forme de courriels et de messages sur Facebook affirmant, en diverses langues,  » On est avec toi, on prie pour toi « , fut, pour lui, ce qui le maintint en vie.

On peut ajouter à cela plusieurs histoires liées à la pandémie. On en trouve quelques-unes sur le site Internet de la CMM. Il est question ici de personnes, et les visages sont ceux de membres de notre Église mondiale, des membres de notre famille internationale qui cheminent avec nous. Nous avons le choix de vivre la foi en spiritualisant la communion ou de la réserver pour l’au-delà. Ou alors nous choisissons de recevoir et de vivre le don de l’unité.

Nous pouvons être comme cette image composée de nombreuses petites pièces des manuscrits de la mer Morte. Elles sont là, ensemble, sans transmettre de message.

Ou alors, nous sommes comme cette image composée des mêmes petites pièces des manuscrits de la mer Morte. Mais un artiste américain a arrangé les petites pièces de telle sorte qu’elles transmettent un message.

Cette illustration joue le rôle d’un miroir pour notre Église. Il est possible de vivre la communion en montrant l’image même de Jésus et de devenir une source d’espoir pour le monde. Aujourd’hui, nous observons à travers le monde entier des nationalismes, des conflits gérés sur un mode destructeur, avec haine, ressentiment et un manque de réconciliation. Ensemble, suivons Jésus par-delà les barrières. Sachons incarner l’espoir et l’espérance.

Traduction : Lydie Hege

Pour voir la vidéo du culte : https://www.youtube.com/watch?v=ZkNGKaAkyYQ

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