De second rang ?
Je me souviens que, lorsque j’étais enfant, dans l’un des tiroirs de notre salle à manger, il y avait un carreau portugais portant cette inscription : « Dans la maison, c’est elle qui gouverne, et c’est moi qui la gouverne. »
Je suis né au Portugal, pays catholique conservateur avec une culture masculine très forte, où les maris apportaient les ressources de la famille et les femmes s’occupaient des enfants et de la maison. À l’époque – et je parle des jours sombres de la dictature que le Portugal a connue pendant 40 ans –, si une femme avait besoin de voyager à l’étranger, son mari devait écrire et signer une lettre d’autorisation. Mais dans notre famille, ma mère, étant une très bonne couturière, a toujours travaillé, avec le soutien de mon père, qui livrait les robes aux clientes avec notre voiture.
DES INÉGALITÉS PERSISTANTES ET DES SIGNES POSITIFS
J’ai partagé mon histoire personnelle pour rendre compte d’une réalité que nous voyons encore au 21e siècle, dans toutes les couches de la société et dans le monde entier : les femmes considérées comme des êtres de second rang. Récemment, j’ai lu un article selon lequel les femmes au travail reçoivent toujours entre 20 et 30 % de salaire en moins que les hommes, alors qu’elles ont les mêmes compétences, parfois elles sont même plus qualifiées qu’eux. Dans l’Église, selon les dénominations, la situation n’est pas différente, et parfois c’est même pire parce que la Bible est utilisée pour soutenir cette inégalité, avec la citation de versets hors de leur contexte.
Une tendance positive est toutefois à l’œuvre au sein des sociétés et dans le christianisme. Des femmes sont présidentes de leur pays, premières ministres (par exemple, à une époque, la Finlande avait un gouvernement avec plus de femmes que d’hommes), maires, astronautes, pilotes (il arrive d’ailleurs que des équipages soient composés uniquement de femmes)… La société devient plus égalitaire et j’ai l’espoir qu’en ce qui concerne les salaires, la situation s’améliorera également.
DANS L’ÉGLISE
Les dénominations chrétiennes, les unions d’Églises, les communautés locales, les pasteurs, les dirigeants, semblent un peu en retard… à commencer par l’Église catholique, principalement dirigée par des hommes, mais cela est vrai pour d’autres confessions. De nombreuses Églises évangéliques ont la même approche, avec des pasteurs ou des anciens masculins, des conseils majoritairement masculins, et le rôle des femmes est inférieur, lié à des tâches considérées comme secondaires : travail auprès des enfants, ministère auprès des femmes, administration, louange.
Cependant, une fois encore, des signes positifs sont de plus en plus évidents au sein de notre famille d’Églises mondiale. Je suis heureux de voir émerger des femmes pasteures et leaders. Certains continents vont plus vite que d’autres, mais, globalement, les femmes reçoivent de plus en plus l’honneur qu’elles méritent dans nos Églises. Ma vision à ce sujet est pragmatique : si nous acceptons de voir des femmes gouverner notre pays, piloter l’avion qui nous transporte, prendre soin de notre santé, pourquoi cela serait-il différent à l’Église ?
JÉSUS ET LES FEMMES
Lorsque je regarde comment Jésus s’est comporté avec les femmes pendant son séjour sur terre, il est absolument confirmé qu’il avait une profonde affection et un énorme respect pour chacune d’entre elles. Même si je suis certain que nous connaissons ces récits, j’aimerais en mentionner quelques-uns pour souligner combien les femmes sont importantes aux yeux de notre Seigneur :
Dans Jean 4.4-30, Jésus « choque » la Samaritaine lorsqu’il lui demande de lui donner de l’eau… Il brise ainsi le « tabou » qui interdit que les hommes parlent aux femmes, mais il est aussi inclusif : il est né juif et il parle à une Samaritaine.
Dans Luc 10.38-42, Jésus reprend Marthe qui travaille dur, comme les femmes doivent le faire, tandis que Marie l’écoute. Il veut lui dire qu’il est plus important à ce moment-là de se détendre, de s’arrêter, d’écouter et, je crois, de dialoguer.
Dans Luc 7.11-17, Jésus se montre pleinement sensible à la douleur de la veuve qui, après avoir perdu son mari, a perdu son fils… Jésus fait le miracle de ramener le fils.
Dans Jean 8.1-11, quand Jésus exprime son soutien à la femme prise en flagrant délit d’adultère sur le point d’être lapidée, il veut d’abord la protéger, il ne la condamne pas pourson péché, puis il lui explique ce qu’elle doit faire. Mais l’essentiel est qu’elle est un être humain et une femme aimée de Dieu.
Dans Jean 20.11-18, la première personne à qui Jésus apparaît après sa résurrection est Marie- Madeleine.
Je pense qu’il est de notre devoir à tous de prendre position pour nos femmes – nos épouses, nos filles, nos sœurs… —, comme l’a fait Jésus, le fils de Dieu.
JOANA
Je termine par un exemple que j’ai vécu en mars 2013 lorsque j’ai visité l’Angola. J’ai rencontré une femme nommée Joana, qui était la représentante régionale de la province de Cabinda à la Conférence des Frères mennonites d’Angola. Elle était aussi la pasteure principale de son Église. Je lui ai demandé comment elle était « arrivée là ». Son histoire était très simple, mais très forte : « À un moment donné, l’Église n’avait pas de pasteur, les membres ont regardé autour d’eux et il n’y avait pas d’hommes capables de prendre la tête de l’Église, alors je me suis levée et toute l’Église a été d’accord. » Il est intéressant de constater que, dans d’autres unions d’Églises d’Afrique, il est très courant que des femmes soient à la tête de l’Église. Il s’agit peut-être d’une révélation pour notre société occidentale chrétienne.
José Arrais est coordinateur des conférences mennonites européennes et représentant régional de la Conférence mennonite mondiale.