À la recherche de la brebis perdue
Il y a quelques années, avec ma communauté, nous avons organisé, sur le thème de la brebis perdue, une rencontre pastorale à destination de personnes en situation
de handicap et de leurs familles. Le but était de leur rendre vraiment vivante et concrète cette parabole. Pour cela, nous avions installé dans la cour de notre prieuré un petit troupeau de vrais moutons. Au début de la journée, les participants ont pu aller les voir, les caresser, les brosser, apprendre à les connaître. Pendant le déjeuner, nous avons discrètement fait disparaître de l’enclos la plus jeune des brebis. Dès le repas terminé, nous sommes retournés voir le troupeau, et c’est là que tous ont pu constater le drame : la petite brebis s’était échappée !
DISPARUE !
À ce moment, aucun doute n’était permis : il nous fallait la retrouver. Chacun avait encore en tête le souvenir de cette brebis si mignonne qu’on avait eu tant de plaisir à caresser. L’imaginer seule et en danger était trop inquiétant ! Alors les autres brebis pourraient bien rester sans soin pendant quelque temps, toutes les énergies devaient être mobilisées pour venir en aide à celle qui était perdue.
Nous nous sommes donc mis à sa recherche, par petites équipes, dans ce qui s’apparentait à un grand jeu de piste. Pendant ce temps, quelques-uns, moins mobiles, préparaient tout ce qu’il fallait pour prendre soin de la brebis lorsqu’elle serait retrouvée : de quoi la faire manger, de quoi la soigner, la réchauffer, et de quoi fêter l’événement…
CHERCHER… ET TROUVER
Malgré les incertitudes sur le chemin à suivre, tous étaient tendus vers un seul objectif : sauver la brebis perdue et prendre soin d’elle. Vraiment, à ce moment-là, c
ette petite brebis comptait beaucoup plus que toutes les autres ! Et chez nos amis porteurs de handicap, les sentiments étaient très vifs : inquiétude, hésitations, excitation.
Tout a été tenté : battues dans le parc, recherches à la lampe torche dans les caves, inspection complète du village, questions aux voisins, et même appel à la gendarmerie… Alors, bien sûr, lorsque la brebis a été retrouvée, ce fut une véritable explosion de joie. Dans l’allégresse, tous ont voulu venir la caresser, la prendre dans les bras, l’embrasser. La journée s’est ensuite terminée par une prière d’action de grâce particulièrement intense et joyeuse.
UNE JOIE PARTAGÉE
Ce jour-là, nous avons expérimenté tour à tour l’inquiétude et la joie du pasteur. Ces deux sentiments, intimement liés dans la parabole, sont les expressions de l’amour du berger pour ses brebis. Ce jour-là, la question n’a jamais été de savoir s’il était opportun de laisser seul le reste du troupeau pour aller à la recherche de la brebis perdue. L’amour ne laisse pas le choix : il faut bien aller sauver celle qui est en danger ! Mais cet amour n’efface pas pour autant la difficulté de la tâche : aller à la recherche de celui qui est perdu, exclu ou en danger, n’est pas le chemin de la facilité. Cela implique d’abandonner nos sécurités et de nous aventurer sur des terrains inconnus, inconfortables et parfois risqués.
Mais dans cette aventure, c’est bien la joie qui l’emporte. Cette magnifique joie collective vécue avec nos amis handicapés a effacé toutes les angoisses qui avaient émaillé la recherche. Elle était l’illustration parfaite de la « joie dans le ciel » évoquée par Jésus. Alors, pour avoir nous aussi le courage d’agir comme le berger, cultivons le souvenir de telles expériences de joie évangélique. Cela renforcera en nous le désir d’aller à la rencontre de tous ceux qui sont égarés ou exclus, et nous aidera à tenir tout au long du chemin.
« Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et qu’il en perde une, ne laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? Et quand il l’a retrouvée, il la charge tout joyeux sur ses épaules, et, de retour à la maison, il réunit ses amis et ses voisins, et leur dit : « Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue ! » Je vous le déclare, c’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. » Luc 15.4-7