Jusqu’à quand cultiverons-nous le mythe de la violence rédemptrice ?

 Dans Christ Seul, Explorer

Devant les tragiques violences relayées par les médias, il est bon de prendre un peu de recul et de s’interroger sur les « croyances » véhiculées par ces usages de la violence.

Et si la réponse était à chercher du côté de l’Evangile et d’une société alternative appelée Eglise… ?

Même dans nos pires cauchemars, nous n’aurions pas pu imaginer qu’une telle tragédie puisse arriver…

Ces mots sont-ils ceux du patron de la Lufthansa, ceux des survivants de Charlie Hebdo, ceux des déplacés de l’état islamique ou ceux des enlisés du front ukrainien ? Nous voilà jour après jour introduits au cœur d’une réalité de violence qui dépasse l’imagination. Si chacune de ces situations est bien différente, il me semble qu’elles en appellent à des dénominateurs communs.

LE MYTHE DE LA VIOLENCE RÉDEMPTRICE

Ce qui frappe, c’est que ces différentes situations envisagent la mort comme un acte rédempteur(1). Andrea Lubitz, co-pilote vraisemblablement responsable du crash de l’A320, aurait confié à sa petite amie : « Un jour, je vais faire quelque chose qui va changer le système, et tout le monde connaîtra mon nom et s’en souviendra. »(2) Cet acte de destruction est vu comme porteur du changement, comme l’événement fondateur qui chasse un système oppressant pour fait naître un système meilleur. En cela, il est rédempteur.

Le mécanisme n’est pas nouveau, il fut, est et sera bien souvent utilisé pour légitimer la violence. C’est au nom d’un intérêt supérieur que la violence devient audible, possible, nécessaire. Woodrow Wilson promettait au Sénat américain une guerre qui mettrait fin à toutes les guerres en engageant l’Amérique dans la Première Guerre mondiale ; Georges Bush annonçait l’anéantissement de prétendues armes de destruction massives au moment d’attaquer l’Irak. Usé et abusé, ce mécanisme reste pourtant souvent écouté.

JÉSUS, RÉDEMPTEUR

Les chrétiens mettent leur confiance en Jésus rédempteur du monde. Ce qui frappe en traversant Pâques, c’est cette vie du Christ qui s’éloigne de toute violence, tant comme moyen que comme fin. Jésus a les visées réformatrices les plus profondes : il dénonce les pratiques cultuelles, économiques et sociales et devient le chef de file de tout un peuple qui l’acclame comme roi(3). Mais il exerce ce pouvoir en roi de paix et d’humilité, monté sur un âne. Arrêté, Jésus ne résiste pas et invite simplement Pierre à remettre son épée dans son fourreau (Jn 18.11). Accusé, il garde silence, à l’étonnement de Pilate (Mc 15.5). Il ne fuit pas. Il ne se révolte pas. Il n’entraîne à sa suite aucune mort, si ce n’est la sienne qu’il consent librement, mettant ainsi en échec le cycle du péché.

QUELLE RÉDEMPTION CHOISISSONS-NOUS ?

Jour après jour, il nous faut choisir en quel modèle de rédemption nous croyons. Les frères Kouachi ou Andrea Lubitz ont-il défait le système contre lequel ils luttaient ? Au contraire, ils l’ont renforcé. Charlie Hebdo dispose désormais de moyens renforcés et de nombreux nouveaux disciples. Il y a fort à parier que les compagnies aériennes renforceront le suivi de leurs pilotes et écarteront les plus fragiles. Quant à l’état islamique, plusieurs voient sa genèse dans l’intervention américaine en Irak, tel Abu Ahmed, leader islamiste : « S’il n’y avait pas eu de prison américaine en Irak, il n’y aurait pas d’état islamique aujourd’hui. Bucca [le nom d’un camp de prisonniers américains en Irak] était une usine. Elle nous a fabriqués. Elle a construit notre idéologie. »(4)
Et Jésus, a-t-il défait le système contre lequel il luttait ? A-t-il fait naître un nouveau système ? C’est peut-être bien à nous qui marchons à la suite de ce chef de file de faire jour après jour réponse à cette question. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5.9) !

 

NOTES

  1. L’expression « mythe de la violence rédemptrice » provient du théologien Walter Wink.
  2. Site du Journal Le Monde
  3. Les évangiles synoptiques citent Za 9.9-10, le roi monté sur un ânon qui vient établir la paix, alors que Jésus entre dans Jérusalem. Ils mettent en avant la purification du temple, signe de réforme cultuelle et économique, comme geste fort de cette entrée.
  4. Site du Nouvel Observateur
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