Dernière

 Dans Christ Seul, Explorer

Frédéric de Coninck a souhaité mettre un terme à ses contributions régulières à cette rubrique « Questions de société ». Une « dernière » en forme de réponse.

Voici donc ma dernière contribution régulière à cette rubrique, mais, je l’espère, pas la dernière de cette rubrique !
Mes interventions, dans ces pages, ont, dès le départ, soulevé des objections. J’ai, par la suite, reçu plusieurs fois l’écho de discussions animées, lors des rencontres du Conseil des Editions Mennonites, à propos de mes papiers. Le reproche en général entendu est qu’un journal comme CHRIST SEUL devrait se focaliser sur les réalités religieuses ultimes et ne pas s’attarder à disserter sur le monde provisoire et fluctuant qui nous entoure. CHRIST SEUL devrait s’occuper des réalités dernières, mais pas des réalités avant dernières qui sont celles qui tissent la trame de notre vie présente.

OCCUPEZ-VOUS DU CIEL PAS DE LA TERRE !

Que répondre à cela ? La première chose qui m’a frappé est que les personnes qui soulèvent cette objection ont souvent, de fait, un point de vue très arrêté et très structuré sur le monde d’aujourd’hui ! Dès lors que mon point de vue diverge du leur, elles préfèrent dire que l’on ne devrait pas aborder ces questions plutôt que de dire franchement qu’elles sont en désaccord avec mes analyses. Le général de Gaulle, autrefois mécontent des prises de position de certaines Eglises, à la fin des années 60, leur avait adressé ce message sans équivoque : « Occupez-vous du Ciel, pas de la Terre » ! En clair : laissez-moi faire ma politique et concentrez-vous sur des sujets qui ne me dérangent pas.

LA TERRE, LIEU DE NOTRE MISSION

Maintenant, quant au fond, cet évitement des problèmes de la Terre ne me semble pas conforme aux évangiles. Luc donne le ton dès le départ, en restituant le message des anges aux bergers : « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et paix sur la Terre aux hommes de bienveillance » (Lc 2,14). On lit ici le maintien d’une double attente qui concerne aussi bien le Ciel que la Terre. L’explication de l’intérêt de Dieu pour les réalités avant-dernières est, ensuite, fournie très clairement, toujours par Luc, à l’occasion du commentaire fait par Jésus de la parabole de l’intendant infidèle (Lc 16,10-12). Jésus qualifie les affaires de la Terre à l’aide de trois adjectifs : petites, trompeuses, étrangères. Avec de tels qualificatifs, on pourrait s’attendre à ce que Jésus encourage à s’en détourner. Mais, bien au contraire, il nous engage à nous y investir, comme le lieu incontournable de notre mission actuelle. Il décrit ces réalités fuyantes et décevantes comme le champ où nous sommes appelés à faire nos preuves. « Si vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent trompeur, qui vous confiera le bien véritable ? Et si vous n’avez pas été dignes de confiance pour ce qui vous est étranger, qui vous donnera ce qui est à vous ? » (Lc 16,11-12). Ces réalités avant-dernières sont donc notre lot et c’est notre mission que de nous y montrer fidèles. C’est dans ce monde décevant et provisoire que nous devons faire nos armes et exercer notre mission. En passant de l’avant-dernier au dernier, nous passons du petit au grand, mais il y a juste un changement d’échelle : « Celui qui est digne de confiance pour une toute petite affaire est digne de confiance aussi pour une grande » (Lc 16,10).
Alors ne vaut-il pas la peine de réfléchir quelques minutes à notre manière de gérer le monde autour de nous ?

TROIS CAMPS

Tout cela, je l’ai écrit dès mon premier ouvrage : Ethique Chrétienne et Sociologie en 1992, mais cela reste un point de vue qui ne fait pas l’unanimité. Au fil du temps, trois camps se sont constitués : les supporters enthousiastes qui n’ont cessé de m’encourager et de me soutenir (c’est ici l’occasion de les remercier tous, un par un) ; les opposants irréductibles ; et, naturellement, une grande majorité silencieuse, comme il est d’usage. Les positions s’étant figées, il était temps, je pense, d’arrêter. L’occasion d’y réfléchir m’a été fournie par une demande venue d’ailleurs. La Fédération de l’Entraide protestante, qui regroupe un grand nombre d’oeuvres se réclamant du protestantisme et, notamment, la plupart des oeuvres mennonites, m’a demandé de prendre la direction de leur revue : Proteste. Le challenge était intéressant, mais il m’a rapidement obligé à faire des choix. Il fallait que je renonce à certains engagements.

UN AVANT-DERNIER DERNIER MOT

Il m’arrivera sans doute encore de contribuer ponctuellement à CHRIST SEUL, mais pour ce qui est de mes interventions régulières, ce sera ici mon dernier mot. Comme tout mot prononcé ici-bas, il ne sera, toutefois, qu’un avant-dernier mot, mais Dieu ne nous en demande pas d’autres.

 

DE LA RÉDACTION
Depuis mars 1997, quasiment chaque mois, les articles de Frédéric de Coninck ont trouvé place dans cette rubrique « Questions de société ». Qu’il soit ici chaleureusement remercié ! Ses analyses et ses interpellations ont provoqué des réactions et c’est tant mieux ! Cette rubrique va un peu évoluer et s’appellera « Actualité » dès février 2006. Les articles qui y paraîtront seront publiés conjointement dans Construire Ensemble (revue de la Fédération des Eglises Evangéliques Baptistes de France) et dans Pour la Vérité (revue de l’Union des Eglises Evangéliques Libres de France). Des auteurs baptistes, libristes et mennonites prendront la plume à tour de rôle. Cette parution commune exprimera un témoignage d’unité dans la diversité. Ce sera aussi l’occasion d’un « regard évangélique » sur l’actualité.

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