Le ministère de tous

Alors qu’il existe dans les Eglises des ministères bien visibles, qu’en est-il de chacun de nous, sans ministère officiel ? Quantité négligeable ? Plaidoyer vibrant pour l’importance et la valeur de chacun et de chacune dans la vie et la mission de l’Eglise.

Et moi, à quoi je sers ? « Et moi, et moi ! Qu’ai-je reçu ? » pourrait se dire le membre de base qui dimanche après dimanche écoute sagement la Parole et l’enseignement donnés, assiste même aux réunions de semaine et essaie de mettre en pratique ce qu’il a entendu en comptant sur les forces données par Dieu, mais aussi sur son pardon et sa patience, car il se sait faible et faillible. Certaines mouvances évangéliques ont mis en avant cette liste des cinq ministères présentée parfois comme le passage obligé pour un service utile et fructueux dans l’oeuvre de Dieu. « Alors, à quoi je sers, moi qui ne suis ni apôtre envoyé pour fonder des Eglises, ni prophète pour expliquer à mes frères et sœurs, de la part de Dieu, comment vivre la Parole de Dieu dans leurs circonstances particulières, ni évangéliste proclamateur « en toute circonstance favorable ou non » , de la Bonne Nouvelle qu’est Jésus Christ, ni pasteur chargé de conduire l’Eglise, ni enseignant doué pour rendre la Parole de Dieu accessible à tous ? A quoi je sers puisque je n’entre dans aucune de ces catégories ? » pourrait donc se demander notre membre de base qui considère peut-être avec une pointe d’envie ou de résignation un de ces cinq-là qui sont au premier plan, que l’on honore et pour lesquels on prie ! Alors que notre membre de base se considère comme « la cinquième roue du char » !

TU ES LA BASE !

Mon frère, ma soeur de base, tu as raison de te dire que tu es « de base », « la cinquième roue du char » ; aujourd’hui, on dit la roue de secours. Ces cinq ministères en vue pourraient-ils s’exercer s’il n’y avait pas de base, désignée parfois avec condescendance comme « base arrière » ? Et que devient la plus belle cylindrée en cas de crevaison et sans roue de secours ? Une épave, incapable d’aller plus loin, même si la carrosserie continue à briller et que le moteur continue à tourner ! Mon frère, ma soeur, tu n’es pas au sens péjoratif « de base », tu es « la base » « intégrée dans la construction dont les fondations sont les apôtres et les prophètes et Jésus Christ lui-même qui en est la première pierre posée, la pierre angulaire » (Eph 2,20), pierre sur laquelle tu es aligné, construction qui sans toi va s’écrouler comme un mur auquel il manquerait une pierre !

CHACUN A REÇU AU MOINS UN DON

Mon frère, ma soeur, toi qui te demandes à quoi tu sers dans l’Eglise, reviens à la Parole de Dieu, relis en particulier le verset 10 qui précède la mention des cinq ministères : « Que chacun de vous utilise pour le bien des autres le don particulier qu’il a reçu de Dieu » ; et relis aussi 1 Corinthiens 12 et 13 en entier, ainsi que Romains 12. Dans ces chapitres, l’apôtre précise que chacun, c’est-à-dire tous, et donc toi aussi, est au bénéfice d’au moins un don, fruit de la grâce de Dieu, désigné par le terme grec « charisme ».

QUEL EST TON DON ?

Mon frère, ma soeur, toi qui es la base de ton Eglise, sais-tu quel est le ou les dons que le Seigneur te donne de pouvoir exercer pour le bien commun de l’Eglise ? Je suis sûr que tu vas trouver ta place dans la liste qu’Alfred Kuen donne dans l’index thématique de la Bible d’étude « Semeur 2000 » : « Prophétie, service, enseignement, apôtre, donner aux autres, exercer la direction, secourir, encourager, célibat, sagesse, connaissance, foi, guérisons, miracles, discernement des esprits, aider les autres, diriger l’Eglise, évangéliste, parler en public, parler en langues ».

INTERPELLATION AUX MINISTÈRES « OFFICIELS »

Et moi, et vous, mes frères et soeurs classés dans la catégorie des cinq ministères, comment regardons-nous nos frères et nos soeurs « de base » ? Les considérons-nous vraiment comme la base ? Avons-nous fait l’effort de discerner leurs dons particuliers, avons-nous su leur permettre de les exprimer, les avons-nous reconnus et honorés ? Pouvons-nous dire que nous avons été à la hauteur de la mission que le Seigneur nous a confiée si un seul de ces membres de base peut encore se dire aujourd’hui : « Mais à quoi est-ce que je sers dans mon Eglise?»

SACERDOCE UNIVERSEL

John Yoder¹ rappelle l’essentiel de l’enseignement de Paul concernant ce que l’épître aux Hébreux présente comme étant le sacerdoce universel. « Paul précise que chaque membre a reçu en partage de la part du même Esprit, un don qui lui est propre, et que tous les dons ont la même valeur. Toute personne détentrice d’un don est appelée en premier lieu à reconnaître ceux de tous les autres membres et ceci réciproquement, et même d’honorer particulièrement les moins honorables. […] Paul croit et proclame qu’au sein d’un monde déchu, la grâce de Dieu a donné à chacun de ceux qui l’écoutent et sans considération de mérite, une capacité renouvelée en vue d’une dignité dans la complémentarité. Cela ne se passe pas dans une situation déstructurée, mais dans l’affirmation d’une structure analogue à celle de l’organisme humain. Dieu a réalisé ceci, non en rendant tout le monde semblable, mais en accordant à chacun différemment mais également un don. »

NOTE
1. Cahier de Christ Seul, N° 1/1997, intitulé : “ Jésus Christ et les apôtres ont encore quelque chose à nous dire : qu’allons-nous faire ? ” A relire absolument avec le n° 1/1996 qui porte le même titre. Ces deux cahiers présentent six pratiques communautaires et sociales de l’Eglise. La citation est tirée du chapitre « Le ministère de tous selon la vision de Paul », p. 32 et 38.

CINQ MINISTÈRES ?
« C’est Christ qui a fait des dons particuliers aux hommes : des uns il a fait des apôtres, des autres, des prophètes, d’autres encore des évangélistes, des pasteurs ou des enseignants. » 1 PIERRE 4,10