Une autre manière de consommer pour Noël

Nous affirmons volontiers que le vrai sens de Noël, c’est la venue de Jésus dans le monde, et pas le Noël commercial que l’on nous vend.., Et si le vrai sens de Noël changeait quelque chose à notre manière de consommer… à Noël… et le reste de l’année ?

Déjà les villes commencent à s’illuminer.
Les vitrines des boutiques prennent un air cotonneux et se parent de bonshommes rouges et ronds à longue barbe blanche, parfois d’une crèche où les mages bariolés côtoient des anges paisibles. Parmi ces figurines trônent les objets que l’on nous propose d’offrir, ici des stylos de marque ou des livres, là des vêtements, des jouets. Une frénésie s’empare de tout un chacun et voit les piétons s’affairer de galerie en galerie comme des abeilles qui butinent pour faire leur miel.

FIÈVRE CONSOMMATRICE

Pour la plupart de nos contemporains, Noël se résume à cela : une fièvre consommatrice. On achète pour soi, pour offrir, parce que la télévision et les marchands nous disent que c’est le moment. Il y a évidemment quelques réminiscences d’un don derrière tout cela, du don d’un Fils, mais c’est si enfoui sous les volumes de papier cadeau que l’on peine à s’en souvenir. Et s’il avait encore quelque chose à nous dire, ce Fils, à propos de notre manière de nous comporter les uns face aux autres au travers de nos achats ? Replacer Jésus au centre de Noël, c’est aussi s’interroger sur la manière dont nous consommons, car là aussi l’évangile est une bonne nouvelle de libération Reprenons donc le fil de notre exemple.
Nous voici embarqués dans la chasse aux cadeaux, arpentant les boutiques à la recherche de ce petit quelque chose qui fera plaisir à un proche. Choisir avec soin un présent, c’est dire à l’autre qu’il compte pour nous. Et notre contentement réside dans la joie et le « tu y as pensé! » qui suivent le moment du déballage ; nous souhaitons que l’autre soit touché par notre attention. Ainsi, un objet n’est jamais neutre pour celui qui le reçoit, surtout s’il s’agit d’un cadeau : il est la cristallisation d’une relation.

LES CADEAUX ET CEUX QUI LES FABRIQUENT…

Si nous sommes préoccupés par nos proches quand nous achetons des cadeaux de Noël, il nous arrive moins souvent de penser à ceux qui ont fabriqué ces objets. Dans bien des cas, il s’agit de parfaits étrangers résidant sous d’autres latitudes. Pourtant, la relation qui nous lie à eux n’est pas moins réelle que celle qui nous lie aux destinataires de nos cadeaux. En achetant le produit de leur travail nous entrons dans la chaîne des échanges. Du coup, nous contribuons aux conditions d’existence de ces travailleurs -ce dont nous ne nous rendons pas toujours compte, car nous rencontrons généralement les biens de consommation sur les rayons des magasins, détachés de leur contexte de production.
Parmi ces objets, beaucoup sont produits dans des conditions d’oppression. C’est ici la triste réalité d’une globalisation économique qui valorise le profit financier au détriment de la vie humaine ou du respect de la création. Qu’il s’agisse de jouets fabriqués par de petits Asiatiques forcés de travailler pour nourrir leurs familles, de vêtements de marque réalisés par de jeunes Mexicaines dont les conditions de travail s’apparentent à de l’esclavage, ou d’artisanat africain dont les intermédiaires occidentaux empochent le gros des revenus – dans tous ces cas (et il en existe bien d’autres), le fait d’acquérir l’objet produit, c’est participer, d’une manière ou d’une autre, à la violence du rapport social qui s’exerce contre ces travailleurs.

VOTER POUR UN CERTAIN ÉTAT DU MONDE

En tant que chrétiens mennonites, nous sommes sensibles à la question de la violence, en particulier lorsqu’elle prend la forme d’une contrainte physique ou armée. Nous croyons que Christ nous a montré la voie, choisissant de subir la violence afin d’y mettre un terme pour nous procurer la paix. Noël fête justement le moment où Dieu entre dans le monde, se fait humain pour venir briser les chaînes qui nous enserrent et nous rendre la liberté. Si nous objectons volontiers à une certaine violence, nous sommes parfois moins sensibles à d’autres oppressions, telles celles engendrées par la globalisation économique. Là aussi, me semble-t-il, nous pouvons incarner le message de libération de l’évangile en refusant de participer à des pratiques d’asservissement. Car à chaque
fois que j’achète un bien de consommation, je vote en faveur d’un certain état du monde et je cautionne un type particulier de relations (entre la personne à qui je destine ce bien et moi-même, mais aussi vis-à-vis des personnes qui l’ont fabriqué). Dès lors, comment faire pour que la paix de Jésus-Christ qui irradie nos âmes et nos communautés puisse se manifester dans nos rapports économiques, sociaux et écologiques ?

CONSOMMER « ÉQUITABLE »

Il me semble qu’une voie alternative à l’économie néo-libérale se situe dans le commerce dit « équitable ». Cette forme de commerce valorise le bien-être des travailleurs tout en favorisant le développement économique; et dans bien des cas, elle voisine avec le développement durable en incluant des critères écologiques dans le processus de fabrication et d’acheminement des marchandises. Ainsi, les labels « équitable » favorisent la transparence en permettant de retracer les conditions de production d’un bien donné. Favoriser, par notre consommation, ce genre de démarche, c’est mettre un frein à l’exploitation des travailleurs défavorisés, là où les États ne sont plus en mesure de légiférer en raison de la délocalisation accrue des entreprises. Certes, le coût à l’achat de ces produits se révèle un peu plus élevé – cependant, comme dans le cas d’un cadeau, ayons en regard le bien de l’autre, du prochain, serait-ce un lointain inconnu à l’autre bout de la terre.
Et si, cette année, à la question traditionnelle « que voudrais-tu pour Noël ? » nous répondions « une autre manière de consommer » ? Peut-être serait-ce une manière de vivre plus pleinement le mystère de l’incarnation ?

Où acheter « équitable » ?
– S.E.L. (www.selfrance.org) et sa boutique en ligne – www.artisanatsel.com – avec de l’alimentaire du textile, de la papeterie, des jeux ou jouets, etc.
– http://www.commercequitable.org indique les différents points de vente en France, par département.
– un guide parisien vient de paraître : H. Binet & E. Vibert, Guide shopping solidaire à Paris, Paris, Autrement, 2005, 160 p., 12 €.
– un autre site indique les points de vente français : http://www.artisansdumonde.org.
En ce moment, on y propose « 36 idées cadeaux pour un Noël équitable » : chaussons népalais ou puzzles (Sri Lanka) pour les enfants ; bougeoirs en terre cuite (Indonésie), vases en bois (Chili) ; etc.
Prix très abordables.