Et tout Israël sera sauvé…

Comment comprendre cette affirmation ? Le contexte peut aider, la connaissance de diverses interprétations aussi… Un sujet passionnel à cause de la recréation d’un Israël national en 1948 et de l’antisémitisme latent de notre époque…

Au sein de l’Eglise très cosmopolite de Rome, les chrétiens d’origine juive, se considérant les héritiers légitimes de l’alliance scellée avec Abraham, étaient en tension avec les chrétiens d’origine païenne, majoritaires, tentés de se prendre pour le nouvel Israël et de mépriser les premiers.

PAUL VISE LA RÉCONCILIATION DES JUIFS ET DES NON-JUIFS

Le tourment personnel de Paul comme pasteur, juif converti à Jésus-Christ et apôtre des païens, est en filigrane dans toute la lettre aux Romains. Dans le chapitre 11, l’apôtre essaie de réunir deux vérités apparemment disjointes (le salut du peuple élu Israël, le salut par la foi en Jésus- Christ). Il veut surtout réconcilier en une ek-klesia (assemblée rassemblée) deux groupes aux prérogatives exclusives, en les défendant alternativement, et en leur donnant une vision mutuelle plus positive de leurs identités respectives dans l’Eglise, afin de leur démontrer qu’ils ont une valeur égale dans le plan de salut de Dieu pour les hommes.
Le but premier de l’épître de Paul aux Romains n’était donc pas de rédiger un traité théologique sur le salut par la foi, ni de créer un calendrier ou une clause particulière pour Israël.
Dans ce contexte, et conscients que le plan souverain de Dieu est hors de notre portée (v. 33-36), comment comprendre l’expression « ainsi tout Israël sera sauvé ». S’agit-il d’une totalité numérique ou qualitative ? S’agit-il d’un Israël national, ethnique, spirituel… ?

TROIS INTERPRÉTATIONS

Voici différentes explications généralement données :
1. Israël serait l’ensemble des juifs élus de toute éternité. Mais alors, quelle est la place de la conversion à Jésus-Christ ?
2. A un moment donné, l’ensemble des juifs (selon la chair , sachant que ce n’est pas le cas d’une bonne part des juifs aujourd’hui) reconnaîtrait en Jésus son Sauveur et Seigneur (cf v. 26- 27, cf. Es 59,20-21). Mais Paul cite-t-il l’incarnation ou le retour de Jésus ? Et quand situer cette oeuvre de purification ? Certains pensent à un grand réveil final à venir, d’autres à l’époque de Paul, qui veut encore toucher ceux de son peuple (v. 14).
3. Israël serait l’Israël de Dieu (Kaal-Adonaï), toute l’Eglise comme peuple unique, d’origine juive et païenne, le peuple fidèle à l’alliance avec Dieu. Mais, là, « Israël » change de sens.

TROIS PHASES… À NE PAS DATER !

Aucune de ces thèses ne semble parfaitement satisfaisante, mais trois phases sont discernables dans le plan de Dieu pour le salut des nations selon ce chapitre de Romains 11. Mieux vaut ne pas les dater ! D’abord, lors de sa première venue, Jésus est rejeté par la majorité des juifs ; c’est leur « chute » (v. 11). Ensuite, la mission de la bonne nouvelle du salut de Jésus-Christ se tourne vers les peuples non-juifs, vers le monde entier. Enfin, des juifs se tournent à nouveau vers le Christ, incités positivement à la « jalousie » (v. 11).

POUR NOUS AUJOURD’HUI…

Les idées que je retiens surtout de l’étude de ce chapitre sont les suivantes : dans la communauté messianique, l’orgueil de soi et le mépris des autres sont incohérents avec la foi (v. 16-24) ; la « chute » d’Israël est un avertissement pour nous (v. 21-22) et un rappel de notre propre devoir de prêcher l’Evangile, seule chance pour les perdus ; Dieu garde un coeur ouvert à ceux qui reviennent à lui (v. 23- 24) ; je dois aussi accepter la sola gratia de Dieu avec toute la dimension arbitraire et incompréhensible de la souveraineté de Dieu, qui a le droit de faire miséricorde aux uns et d’endurcir le coeur des autres (v. 25-36), à l’image de nombreux personnages de l’Ancien Testament…
Une grande leçon d’humilité, et une invitation à l’unité dans l’Eglise locale avec toutes nos différences, les avertissements donnés à Rome étant transposables à d’autres tensions plus contemporaines…

QUI EST ISRAËL ?
« 22 Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, et bonté de Dieu envers toi, si tu demeures ferme dans cette bonté ; autrement, tu seras aussi retranché. 23 Eux de même, s’ils ne persistent pas dans l’incrédulité, ils seront greffés ; car Dieu est puissant pour les greffer de nouveau. 24 Si toi, tu as été coupé de l’olivier naturellement sauvage, et greffé contrairement à ta nature sur l’olivier franc, à plus forte raison eux serontils greffés selon leur nature sur leur propre olivier. 25 Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne vous regardiez point comme sages, c’est qu’une partie d’Israël est tombée dans l’endurcissement, jusqu’à ce que la totalité des païens soit entrée. 26 Et ainsi tout Israël sera sauvé, selon qu’il est écrit : Le libérateur viendra de Sion, et il détournera de Jacob les impiétés ; 27 et ce sera mon alliance avec eux, lorsque j’ôterai leurs péchés. 28 En ce qui concerne l’Évangile, ils sont ennemis à cause de vous ; mais en ce qui concerne l’élection, ils sont aimés à cause de leurs pères. 29 Car Dieu ne se repent pas de ses dons et de son appel. 30 De même que vous avez autrefois désobéi à Dieu et que par leur désobéissance vous avez maintenant obtenu miséricorde, 31 de même ils ont maintenant désobéi, afin que, par la miséricorde qui vous a été faite, ils obtiennent aussi miséricorde. 32 Car Dieu a renfermé tous les hommes dans la désobéissance, pour faire miséricorde à tous. »
ROMAINS 11,22-32

[b]CHAPITRES DISPUTÉS[/b] Dans le cadre des journées au CeFoR Bienenberg sur les “ chapitres disputés de la Bible “, le premier thème abordé a été le salut d’Israël d’après Romains 11. Lectures de commentaires et échanges enrichissants au menu,un regard plus élargi en repartant.