Le mythe de la différence

 Dans Christ Seul, Explorer

Qu’en est-il de l’accueil des personnes handicapées dans la société ? Quel est notre regard sur elles ? Même si des institutions les accueillent, qu’en est-il dans nos Églises ?

Quand ces lignes seront publiées, les Jeux Paralympiques d’hiver 2006 seront achevés. Je ne crains pas un grand démenti en affirmant que ces compétitions ne seront pas médiatisées comme l’ont été celles des « vrais » Jeux. Une certaine convenance exigera qu’on lâche quelques informations sur les performances accomplies par ces sportifs, surtout si le cocorico est de mise, mais point trop n’en faut et encore à condition qu’aucun sujet brûlant ne leur brûle la politesse. Le handicap n’est « publicitairement » pas porteur.
Ne jetons pas la pierre. Les médias ne sont avant tout que le reflet de ce que nous sommes. Dans un entretien au quotidien La Croix (06/03/2006), le président du Comité Consultatif National d’Ethique, Didier Sicart, affirme que « la société française est particulièrement intolérante au handicap, à la différence… De tous les pays européens, le nôtre est celui qui s’est montré le moins capable d’accepter le handicap, traitant cette réalité de façon compassionnelle, sans rien proposer de concret. Notre société ne supporte pas le handicap ». Pan sur la société, mais qu’en est-il des Églises ?

DES NORMES « EMBÊTANTES »…

Lors de son congrès 2005, la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes a adopté une recommandation demandant à son Conseil de rendre ses Églises, postes et oeuvres attentifs à l’accueil et à l’intégration des personnes handicapées moteurs dans les projets et aménagement immobiliers. Louable recommandation largement soutenue, mais, pour le moment, restée une intention ! Or, il ne s’agit pas seulement d’une question de respect des normes en vigueur. Il s’agit plus fondamentalement de porter un autre regard sur des hommes et des femmes et de les reconnaître comme pleinement nos égaux. Quand des chrétiens considèrent que les normes imposées par l’administration les « embêtent », il manque, dans cette attitude, quelque chose de grave à l’esprit évangélique. Il y aura souvent de l’argent pour la sono, quand même il n’y en aurait pas pour élargir une porte ou créer une rampe d’accès. Les Églises promptes à prier pour des guérisons spectaculaires ne se distinguent peut être pas trop de la société quant à l’accueil effectif. Dans la société comme dans les Églises, on se targue d’accepter les différences. Mais c’est un mythe.

LE HANDICAP EN VOIE DE DISPARITION…

Remarquez, on peut rêver que le handicap disparaisse. Tout au moins celui présent à la naissance. Il est d’ailleurs en train de disparaître. Ce n’est pas du fait que les thérapies tiennent tout à coup leurs promesses, mais comme la conséquence mécanique de la multiplication des examens de diagnostic prénatal, entraînant un nombre élevé d’avortements, ceci dès le plus infime soupçon de risque et pas seulement quandle handicap potentiel est avéré. Selon une étude récente* menée par une philosophe et une sociologue rattachées au Centre d’Études des Mouvements Sociaux, ayant interrogé des professionnels de la naissance, la multiplication de la pratique du diagnostic prénatal entraîne deux conséquences. Premièrement, une baisse du nombre des naissances d’enfants présentant un handicap. Ce qui pourrait être un constat apaisant au regard des très grands handicaps, se révèle monstrueux quand cela signifie que des vies ont été détruites pour des soupçons de petites différences esthétiques. On évoque des IVG pour un nombre de doigts différents de la normale. Deuxième conséquence, un facteur de déséquilibre social : les enfants naissants handicapés le sont fortement dans des milieux sociaux défavorisés, ayant moins accès à la haute et coûteuse technologie. Les « gens biens » veulent des « enfants normaux », de préférence beaux et brillants. Quel paradoxe que ce refus absolu de tout handicap allant jusqu’à la revendication d’un « droit à un enfant normal », au regard du Téléthon et ses enfants malades et intelligents, souriants, pleins de vie, suscitant le désir de nous rallier à leur cause !

BALAYER DEVANT NOTRE PORTE…

Les Églises n’ont probablement pas, pour le moment, de leçon à donner à la société. Puissions-nous être d’abord plus exigeants avec nous-mêmes dans l’accueil du handicap et en accepter fraternellement les contraintes.
Pour rester dans l’espérance, voici une mention d’honneur. J’étais récemment dans une Église où un jeune adulte trisomique, un ami, s’occupait depuis plusieurs années de gérer les transparents au rétroprojecteur. Cette communauté a décidé de se mettre au vidéo-projecteur. La complexité technique dans l’utilisation de l’ordinateur rendait l’adaptation impossible à cette personne. Bénie soit cette Église qui a eu la sagesse de ne changer de système qu’après lui avoir trouvé un autre vrai lieu de service dans la vie communautaire !

* Danielle Moyse et Nicole Diederich rendent compte de leur étude dans un livre intitulé : « Vers un droit à l’enfant normal», publié en 2006 aux Éditions Ères.

Cet article est publié conjointement dans « Pour la Vérité » (Union des Églises évangéliques libres), « Construire ensemble » (Croire publications) et « Christ seul ».

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