La Création : comment ?

 Dans Christ Seul, Stimuler

Parmi les chapitres de la Bible débattus au sein du monde évangélique, Genèse 1 figure en bonne place. Création de l’univers en 6 jours de 24 heures ? Ou création décrite par une figure de style ? Quelques repères…

Les deux premiers chapitres de la Genèse, véritable porche d’entrée de la Bible, développent la magistrale affirmation du Dieu créateur. Le Nouveau Testament hérite de cette foi, en précisant le rôle du Fils : il est l’agent de la création (cf. Jn 1,3 ; Col 1,15s ; Hb 1,2, etc). Les chrétiens sont donc tous créationnistes : ils croient que le monde est le résultat d’un agir divin, conférant l’être à tout ce qui est. Cependant, ils ne sont pas unanimes sur la manière de comprendre les modalités de la création, c’est-à-dire le « comment » de l’oeuvre créatrice.
Le « créationnisme », au sens étroit, est un partipris pour une interprétation littérale voire littéraliste du début de la Genèse. Ses tenants affirment d’une part que Dieu a créé notre monde en six jours de vingt quatre heures (par conséquent la terre est beaucoup plus jeune que ne l’affirment les scientifiques) et d’autre part que l’homme, dans son corps et son âme, est le fruit d’un acte créateur immédiat de Dieu (ce qui implique le refus de l’évolution comme modalité possible de l’oeuvre créatrice).
On aurait tort de réduire l’intérêt du début de la Genèse à ces deux problématiques. Le texte est très riche et recèle de potentialités qui ne cesseront de nourrir notre réflexion, notre louange, notre prière.
Nous nous limiterons ici à ces deux questions, disputées parmi les chrétiens évangéliques (surtout Outre- Atlantique). Elles invitent en outre à une confrontation entre le discours biblique et le discours scientifique.

SIX JOURS DE VINGT QUATRE HEURES ?

La Genèse présente l’oeuvre créatrice étalée sur une semaine. Faut-il interpréter littéralement ou peut-on y voir un procédé littéraire et artistique ? En d’autres termes, quel est le genre littéraire de Genèse 1 et 2 ? L’auteur voulant affirmer la vérité de la création, le fait-il en fournissant un texte qui a des prétentions historiques, scientifiques, nous décrivant de manière précise et exacte la manière d’opérer de Dieu ? Ou est-ce plutôt un poème ou un texte liturgique ? Est-ce encore, comme le diront sans l’ombre d’une hésitation bien des auteurs modernes, un mythe ?
L’interprétation mythologique part de l’a priori que la Genèse, insérée dans le monde culturel du Proche Orient ancien, ne peut être que mythologique. En outre, elle fait valoir certaines ressemblances du récit de la Genèse, avec les mythes babyloniens de création.
Cependant, si l’on peut détecter certaines ressemblances entre les chapitres 2 et 3 de la Genèse et certains mythes du Proche Orient Ancien, les différences sont aussi profondes. Une comparaison patiente et scrupuleuse, montre que le texte biblique contient certaines affirmations théologiques polémiques à l’égard des conceptions courantes de l’époque. Il n’est pas une théogonie (un récit décrivant l’enfantement des différents dieux), comme dans certains textes mythologiques. Il ne s’agit pas non plus d’une théomachie (un combat de dieux) : le Dieu biblique n’a pas d’adversaires. La Genèse défend un monothéisme strict. Le Dieu unique crée par sa parole : il dit et la chose arrive.
Ceux qui font une lecture littérale du texte arguent qu’elle est la plus « normale ». Cependant, on peut faire valoir que le texte est savamment travaillé et construit. Il comprend des symétries qui témoignent des talents artistiques de l’auteur : le premier jour correspond au quatrième jour ; le deuxième au cinquième et le troisième au sixième. De plus, une lecture attentive révèle l’apparition fréquente des chiffres symboliques 7, 10, 3, tout au long de ce chapitre.
Il faudrait plus de place pour le montrer de manière convaincante, mais l’interprétation littéraire nous paraît la mieux fondée : la forme de la semaine attribuée à l’oeuvre de création est un arrangement artistique, un anthropomorphisme (une réalité humaine au service de la révélation divine) qu’il ne s’agit pas d’interpréter littéralement. L’auteur utilise la semaine de sept jours comme cadre de l’oeuvre créatrice, sans vouloir dire que Dieu a créé littéralement en six jours de 24 heures. L’un des avantages d’une telle interprétation, c’est d’éliminer un conflit frontal avec le discours des savants : le chrétien n’a pas à être troublé par la question de l’âge de la terre, ni même par celle de l’évolution : ces questions ne sont pas celles de l’auteur du texte.

L’HOMME, CRÉÉ D’UN COUP ?

Certes, à dix reprises, l’auteur précise que Dieu crée les êtres « selon leur espèce ». Les adversaires de la théorie de l’évolution biologique, y voient une confirmation du fixisme (c’est-à-dire que les espèces ont été créées globalement telles qu’elles sont aujourd’hui). Cependant, le terme hébraïque ne correspond pas forcément à la définition que les savants, à la suite de Linnée *, donnent au mot « espèce ». Il s’agit dans la Bible d’une catégorie beaucoup plus vaste, qui correspond à un certain air de famille. Le terme veut surtout évoquer l’harmonie, l’ordre et la stabilité de la création de Dieu. La création, en tant qu’expression de la nature de Dieu, le révèle tel qu’il est : un Dieu de paix et non de désordre.
On notera au demeurant, que les humains ne sont pas créés « selon leur espèce ». Le terme « espèce » serait non seulement impropre pour dire la dignité de l’homme, créé en image de Dieu, mais révèle encore l’absurdité du racisme : le genre humain, à cause de l’image de Dieu, est un, comme ne l’est aucune espèce animale.

* Carl Linnée (1707-1778) : naturaliste suédois célèbre pour sa classification des espèces animales et végétales.

POUR ALLER PLUS LOIN…
Alfred Kuen, Le labyrinthe des origines, Editions Emmaüs, St-Légier, 2005, 259 pages.

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