’50 jours pour grandir’
C’est le titre de la démarche vécue en communauté durant 50 jours par l’Église évangélique mennonite des Bulles près de La Chaux de Fonds (CH), entre Pâques et Pentecôte 2006. Présentation, explication, proposition.
BESOIN DE SE PARLER
François Caudwell a été le premier pasteur salarié de la communauté des Bulles. Lorsqu’il annonce son départ pour l’année 2005, nous nous lançons dans une réflexion : faut-il trouver un nouveau pasteur, faut-il revenir à l’ancienne formule (bénévolat uniquement) ? Ces questions préoccupent le comité, la pastorale et la communauté dans son ensemble.
Dans le but de faire le point et d’élaborer des propositions concrètes, le comité et la pastorale s’accordent un week-end de réflexion. Au cours de ce temps, quelque chose s’impose clairement. L’avenir du pastorat n’est plus la question unique, mais une interrogation au sein d’un questionnement plus large : que voulons-nous pour notre communauté ? Notre communauté s’inscrit-elle dans le plan de Dieu ? Est-elle fidèle ? En particulier, qu’en est-il de la mission locale (ou mission de proximité) ? Nous avions déjà fait quelques tentatives intéressantes pour partager l’Évangile avec des personnes en marge ou carrément hors de l’Église : en mettant sur pied des « samedis accueil » où l’on pouvait inviter des personnes distantes de l’Église pour un moment de partage convivial ou encore par un catéchisme pour adultes où l’on offrait une découverte de la foi chrétienne.
La mission locale, c’est donc mettre des personnes en contact avec le Christ vivant. Mais sommes-nous prêts à nous engager communautairement dans cette voie ? Cette question a déclenché la conviction suivante : il faut faire un bilan d’église. Il faut nous poser d’abord les questions fondamentales : qu’est-ce qui fait que je fréquente l’Église ? Comment est-ce que je la fréquente (observateur, consommateur, au service des autres) ? Est-ce que cette fréquentation m’importe ? Ou bien est-elle de l’ordre du confort ? Quels sont mes dons ? Est-ce que je les mets au service des autres ? Décision fut prise d’entrer dans une démarche de réflexion en Église. Mais il fallait un support. Notre premier réflexe fut de nous tourner vers du matériel existant, mais ce que nous avons trouvé nous a paru mal adapté. Nous avons alors décidé de définir nousmêmes le contenu de cette réflexion…
LA FORMULE
La réflexion en Église s’est étendue sur les 50 jours qui séparent Pâques de Pentecôte. Nous avons renoncé, durant cette période, à la plupart des activités habituelles de la communauté. L’unité de temps était la semaine, et chacune des sept semaines de cette période a commencé le dimanche au culte avec une prédication sur le thème hebdomadaire. Pour chaque thème, quatre lectures bibliques avec commentaires et questions étaient proposées à la réflexion personnelle du lundi au jeudi, puis discutées dans des groupes de partage en fin de semaine. Un cahier a servi de support. Les thèmes retenus : 1) Où en suis-je dans ma vie chrétienne ? 2) La vie spirituelle s’incarne dans la vie quotidienne. 3) Louer Dieu et être signes de son Royaume. 4) Lire la Bible et s’engager. 5) Vivre la joie du Seigneur avec les frères et les soeurs. 6) Semaine d’évaluation : où en est-on dans la démarche ? 7) La joie par l’Esprit-Saint.
La démarche a été présentée en détail à toute la communauté et préparée dans la prière. Il y a aussi eu des rencontres de préparation pour les responsables des groupes de partage. Nous avons proposé aux participants de s’inscrire, d’une part pour des raisons d’organisation (formation des groupes de partage) et d’autre part pour que la démarche ait du sens en étant parcourue du début à la fin. Répartis en 12 groupes de partage, environ 70 personnes, dont une quinzaine de jeunes gens, y ont pris part (à titre indicatif, nos cultes sont fréquentés par une centaine de personnes).
BÉNÉFICES ET PROLONGEMENTS
C’est la question de la mission locale qui nous a amenés à vivre cette démarche en Église. Pourtant, au terme de ce parcours, une constatation s’impose : l’Église dans son ensemble ne se sent pas prête à se lancer en tant que telle dans la mission locale qui reste pour le moment le fait de quelques personnes de la communauté qui étaient déjà engagées dans ce domaine avant la démarche. Certains, qui ont très à coeur de témoigner de l’Évangile, en ont été déçus. Mais les choses ont maintenant le mérite d’être claires : la communauté sait où elle en est par rapport à cette question.
Et puis, de beaux fruits issus de cette démarche nous encouragent. Plusieurs ont découvert la richesse du partage en petit groupe où chacun est respecté et peut s’exprimer librement. Nombreuses sont les personnes qui ont apprécié d’être écoutées et de découvrir la spiritualité des autres. La prière des uns pour les autres est devenue plus précise et plus concrète. Aujourd’hui, quatre de ces groupes continuent ces partages autour de thèmes ou de textes bibliques. Dans cette démarche, un fort accent était mis sur la question de l’engagement dans la communauté et de la mise à disposition de ses dons pour les autres ; plusieurs ont été sensibles à cet aspect du service chrétien… et se sont engagés concrètement suite à la démarche. Les plus jeunes participants (entre 15 et 20 ans) ont réjoui les aînés par leur enthousiasme, leur assiduité et la richesse de leur vie spirituelle. Les âges étaient délibérément mélangés dans les groupes de partage et ce côtoiement de générations a été vécu très positivement.
Enfin, les retombées ne sont pas forcément mesurables ni directement visibles ; elles sont en particulier de l’ordre de l’approfondissement spirituel, du travail dans les coeurs, de l’encouragement reçu, de la consolidation de la relation avec le Seigneur…
Cette démarche a été une (re)découverte du tissu communautaire et l’occasion de se côtoyer dans la durée, donc d’apprendre à se connaître plus intimement.
UN LUXE, CERTES…
Nous ne pouvons qu’encourager les communautés à se lancer dans une telle aventure. Bien sûr, cette démarche a quelque chose d’un peu narcissique ; il ne conviendrait pas de réitérer l’opération souvent : ce serait carrément tomber dans le nombrilisme. Mais vivre cela, disons une fois par génération, peut sans doute être en bénédiction.