Un parti politique évangélique ?

 Dans Christ Seul, Explorer

Le Parti Républicain Chrétien a fêté ses deux ans d’existence le 23 février dernier. Il souhaite « promouvoir les valeurs chrétiennes au sein de la République et en faire le fondement de sa politique nationale et supranationale ». Évaluation critique d’un point de vue anabaptiste…

On ne peut que se réjouir de voir des chrétiens vouloir s’impliquer pour le bien de la nation, promouvoir l’Evangile, l’amour, le service, et s’engager contre les effets malsains de la mondialisation économique. Tous ces éléments se trouvent dans la charte des valeurs du Parti Républicain Chrétien (PRC). Cependant, en lisant cette charte, je me suis senti mal à l’aise sur plusieurs points.

MAL À L’AISE…

Dans le préambule, le PRC affirme que sa vocation est « de promouvoir les valeurs chrétiennes au sein de la République, et d’en faire le fondement de sa politique nationale et supranationale ». La charte renvoie en même temps à une France chrétienne qui aurait commencé avec Clovis (début du VIe siècle après J.-C.), car « notre Pays a donc connu presque onze siècles d’éducation basée sur les valeurs chrétiennes avant de s’en séparer progressivement. »
Une république chrétienne qui se donne comme modèle le Moyen Age ? Je m’étonne de ce que des chrétiens professants posent en modèle la chrétienté médiévale que nos ancêtres anabaptistes avaient rejetée avant tant de ferveur. Quand on connaît les méthodes de « christianisation » employées par Clovis et Charlemagne, quand on sait que cette logique aboutit à l’Inquisition, aux croisades et aux guerres de religion du XVIe siècle, il me semble important de porter un autre regard sur la déchristianisation actuelle que le PRC déplore comme source de tous les problèmes de la France actuelle. Je serais plutôt d’accord avec l’historien Jean Delumeau, pour qui « la chrétienté médiévale occidentale a trop souvent été une dérision du christianisme et la déchristianisation actuelle constitue dans une large mesure la note à payer de cette formidable aberration qui a duré un millénaire et demi. »
Le PRC semble être conscient de cette critique, car son président Patrick Giovannoni récuse la notion d’un parti « confessionnel » qui ferait un mélange entre « politique et désir de conversion » (Christianisme Aujourd’hui, janvier 2007). Au lieu de vouloir convertir, le PRC souhaite plutôt mettre l’accent sur les valeurs chrétiennes. « …Loin de toute conception théocratique, nous souhaitons faire découvrir aux citoyens tous les bienfaits d’une nation gérée par des hommes soumis à l’autorité de Dieu. » (Charte des valeurs 2-3)

NATION CHRÉTIENNE ?

Il est cependant difficile d’éloigner le soupçon du désir de mettre en place une nation chrétienne quand on lit des phrases comme « Nous affirmons que l’Evangile est le recueil le plus achevé des droits et des devoirs de l’homme. Il est donc évident d’en faire la source de toute constitution et de tout ordonnancement juridique et d’en conserver l’esprit pour en obtenir les fruits espérés » ou bien « Seul le Christianisme peut permettre une évolution saine de la société ». La déchristianisation de la France semble quand même la cible préférée : « Nous croyons que seul un Parti chrétien a la capacité d’offrir une véritable alternative au système politique actuel, parce qu’il est le seul à pouvoir proposer d’inverser le processus de déchristianisation mis en place depuis plusieurs siècles. »

CONFUSION ENTRE L’ÉGLISE ET L’ÉTAT

Nous sommes en présence d’un débat théologique important qui tourne autour du rôle de l’Eglise au sein de la société. Nous ne rejetons nullement le désir de voir l’Evangile exercer une influence profonde au sein de la société. Cependant, une lecture anabaptiste de cette charte discerne une confusion des rôles entre l’Eglise et l’Etat. Le rôle de l’Etat n’est pas de faire en sorte que tout le monde devienne chrétien. Son rôle est plutôt de permettre à des citoyens ayant des convictions divergentes de vivre ensemble dans la justice et le respect mutuel. C’est un rôle fondamental et d’un point de vue historique nous pouvons être reconnaissants pour les privilèges que nous accordent actuellement les pays européens.

L’ÉGLISE COMME « NATION SAINTE »

Par contre, les chrétiens ont une institution pour « combattre la déchristianisation». Cette « nation sainte » s’appelle « Eglise » et ne se limite pas à un seul pays ou peuple. C’est elle qui peut appeler les gens au Christ, c’est elle qui peut par ses actions proposer des modèles de relations nouvelles au sein de la société. Certaines options éthiques des chrétiens dépendent directement de la foi en Dieu et il n’est pas possible ni souhaitable de les imposer à ceux qui ne partagent pas cette foi. Par contre, l’Eglise peut et doit, par sa vie et sa parole, proposer à la société des options qui – dans un langage qui tient compte des débats et des options réalisables dans une société pluraliste et laïque – se rapprochent le plus possible de l’Evangile, tout en sachant que ses propositions peuvent parfois être rejetées. Ce rejet n’empêche nullement de vivre nos valeurs au sein de l’Eglise, qui demeure « sel de la terre ».
L’Europe « chrétienne et politique » a fonctionné pendant des siècles. Les anabaptistes et les baptistes ont été des pionniers dans le combat pour la séparation entre l’Eglise et l’Etat. Maintenant que presque tous les chrétiens partagent ce point de vue, voulons-nous vraiment faire demi-tour ?

 

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