Fausses sécurités
Sécurité : aujourd’hui plus qu’hier peut-être, la recherche de sécurité préoccupe. Mais quelle sécurité ?
Les passages proposés évoquent quatre types de sécurité illusoire.
RELIGIOSITÉ ALORS
1. Il y a l’illusion de la sécurité que procure la religiosité : fréquentation de sanctuaires célèbres, sacrifices, application minutieuse de prescriptions rituelles. Béthel et Guilgal étaient des lieux sacrés depuis longtemps (Béthel depuis Abraham, Ge 12 et Jacob, Ge 28 ; Guilgal depuis l’entrée en terre promise, Jo 4). Mais du temps d’Amos, les sacrifices célébrés à Béthel, devenu le sanctuaire principal du royaume du Nord, étaient dédiés à un veau d’or, et Osée, qui évoque le culte célébré à Guilgal, laisse entendre qu’on y pratiquait la prostitution sacrée.
EUPHORIE ALORS
2. Il y a un optimisme teinté de piété mais sans fondement : on attend le « jour de l’Eternel », certain que ce sera un jour de lumière. Le motif du jour de l’Eternel est présent chez d’autres prophètes : jour terrifiant pour les ennemis de Dieu, jour de lumière pour ses fidèles. Ici, Amos ne retient de l’image que l’aspect du désastre, conséquence de tous les péchés commis par le peuple et ses dirigeants.
LUXE ALORS
3. L’illusion de la sécurité politique est aussi évoquée. C‘est l’élite du peuple qui est surtout condamnée pour son insouciance dans ce domaine. Si son sentiment de sécurité n’est qu’illusion, c’est que son style de vie ne peut que générer la violence : le luxe dans lequel elle se complait et son indifférence quant à d’éventuelles conséquences la font courir à sa perte. L’exil l’attend.
FORCE MILITAIRE ALORS
4. Il y a enfin l’illusion de la puissance grâce à la force militaire. Les villes conquises seront reprises. Amos joue ici sur les mots : les nom des villes en question signifie « néant » et « puissance ».
On ne peut qu’être fasciné par l’actualité de ces avertissements 2800 ans après qu’ils aient été prononcés.
RELIGIOSITÉ AUJOURD’HUI
1. Notre société est marquée par un renouveau du phénomène religieux qui ne manque pas d’étonner, tant la sécularisation a gagné du terrain elle aussi. Dans la pensée biblique, la sécurité vraie réside dans la foi dans le Dieu d’Israël. Mais il est question ici d’autre chose que de foi : il s’agit d’un culte perverti, détourné de son sens. Amos dénonce l’application de lois rituelles dans un culte rendu à de fausses représentations du vrai Dieu (le veau d’or « qui t’a fait sortir du pays d’Egypte », 1 R 12,28) et imprégné par les religions environnantes (religion cananéenne de la fertilité). Béthel et Guilgal sont des hauts lieux traditionnels, mais ce qui donne une sécurité véritable n’est pas une tradition. Chaque génération doit se réapproprier le message des Écritures et discerner ce qui, dans la pratique, relève de la religiosité plutôt que de la foi et de la fidélité. Les traditions qui nous sont les plus chères peuvent perdre leur sens. Et nous ne sommes pas toujours conscients des altérations de notre pratique religieuse : quels sont les veaux d’or d’aujourd‘hui ? Nous pouvons nous demander, nous aussi, ce qui nous fait « sortir du pays d’Egypte » : Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, notre compte en banque ou notre attachement aux traditions de notre assemblée ?
EUPHORIE AUJOURD’HUI
2. Le discours sur le jour de l’Eternel met en garde contre le danger de se servir des promesses de Dieu pour étayer sa propre idéologie. Un slogan tronqué sert ici la cause d’une euphorie sans fondement. Chaque génération de croyants qui se berce dans l’illusion que « Dieu est à ses côtés », quoi qu’elle fasse, tombe dans ce piège. Les exemples ne manquent pas, depuis les croisades jusqu’à la guerre contre le terrorisme.
LUXE AUJOURD’HUI
3. Aujourd’hui encore, nous devrions nous sentir interpellés lorsqu’Amos affirme qu’un certain style de vie est générateur de violence. L’abîme qui sépare les plus riches des plus pauvres ne peut cesser de se creuser. Les émeutes provoquées par la montée des prix alimentaires sont des signes d‘une catastrophe imminente qui devraient être pris très au sérieux par tous, chrétiens et Églises en tête. Les engrenages de l’économie libérale mondialisée font courir l’humanité à sa perte.[exp]1 [/exp]
FORCE MILITAIRE AUJOURD’HUI
4. Quant à l’illusion de la sécurité par la puissance militaire, les attentats du 11 septembre l’ont mise en évidence. Le pays le plus puissant du monde a été plongé dans le deuil et humilié par quelques hommes armés de couteaux. En Irak, la tyrannie a été remplacée par une apparence de démocratie, et l’intervention militaire, loin d’apporter la sécurité, a suscité une explosion de violence sans précédent. Des milliers de personnes – dont de très nombreux chrétiens – fuient le pays pour trouver la sécurité à l’étranger.
Il ressort du livre d’Amos que seules la vigilance vis-à-vis des fausses sécurités, la foi au Dieu de l’alliance et la pratique fidèle de sa justice peuvent apporter une sécurité véritable. Un programme exigeant pour l’Eglise aujourd’hui encore !
NOTE
1. Voir le film « We feed the world » et lire le livre de Jean Ziegler, L’Empire de la Honte, Fayard, 2005
Les liens vers tous les articles de la série sont disponibles sur le blog.
QUATRE FAUSSES SÉCURITÉS
Allez à Beth-El et transgressez ! Allez au Guilgal et transgressez davantage. Offrez vos sacrifices de reconnaissance avec du pain levé !
AMOS 4,4
Quel malheur pour ceux qui désirent le jour du Seigneur ! Qu’attendez-vous du jour du Seigneur ? Il ne sera pas lumière, mais ténèbres.
AMOS 5,18
Vous croyez éloigner le jour du malheur, et vous faites approcher le règne de la violence. Couchés sur des lits d’ivoire, vautrés sur des divans, ils mangent les jeunes béliers du troupeau, les veaux à l’étable. C’est pourquoi ils vont être exilés en tête des exilés, et les banquets des vautrés prendront fin.
AMOS 6,3-4.7
Vous vous réjouissez de Lo-Dabar (« Rien »), vous dites : N’est-ce pas par notre force que nous avions pris Qarnaïm (« Les Deux Cornes ») ?
AMOS 6,13