‘Suivre Jésus-Christ dans un monde incertain’
Le 1er novembre prochain à Strasbourg aura lieu la rencontre inter-Églises mennonites. Les Églises d’Alsace Nord invitent largement à cette journée. Le thème sera : « Suivre Jésus-Christ dans un monde incertain ». Frédéric de Coninck, l’orateur, a accepté en avant-première de répondre à quelques questions. Interview.
Il est de bon ton aujourd’hui de s’interroger devant la complexité des questions économiques et la diversité des réponses proposées. Existe-t-il un système économique alternatif au libéralisme économique en vigueur ?
Si on pose la question en terme de système, on est vite démobilisé. Changer un système est impossible, car il faut changer trop de choses en même temps. Mais le système économique en vigueur n’est pas aussi uniforme qu’on le pense. Suivant les pays (à niveau de développement égal), il y a des taux de redistribution de la richesse qui sont très variables et cela résulte d’un choix politique.
Ensuite, dans tous les pays, il existe un secteur non marchand qui peut prendre une extension variable. Le financement de l’Église relève du secteur non marchand. Je pense que les chrétiens peuvent faire beaucoup en agissant dans des associations ou des organisations non marchandes. Ils devraient même être des spécialistes pour vivre et démontrer l’intérêt de relations non marchandes.
Pendant longtemps les concepts de croissance et développement étaient incontournables. Sommes-nous arrivés aujourd’hui à un point où il faudrait penser décroissance ou récession pour partager avec les pays émergents les ressources de la planète ?
Il n’y a pas d’exemple dans l’histoire d’une récession des riches qui ait permis l’enrichissement des pauvres.
Mais il y a croissance et croissance. Celui qui invente un nouveau logiciel et le vend crée de la croissance mais il consomme très peu de ressources naturelles … en dehors de sa propre intelligence. Les chiffres de la croissance sont une mesure très grossière qui agrège des choses qui n’ont rien à voir entre elles.
La vraie question est celle de la croissance verte : permettre à un maximum de personnes de mener une existence digne sans dégrader l’état de la planète. Il y a là un défi pour l’intelligence qui devrait motiver les jeunes chrétiens trop peu investis, à mon avis, dans les questions ayant trait à l’innovation.
Certains disent : plus je travaille, plus je gagne de l’argent, plus je suis béni, et plus je pourrai en donner aux missions, aux œuvres, aux pauvres. Peut-on justifier cette manière de raisonner aujourd’hui ?
Je gagne moi-même très bien ma vie. Cela dit, je ne connais personne qui soit prêt à donner tout ce qu’il gagne, au-delà d’une certain niveau de salaire fixé d’avance, aux pauvres, aux missions, etc., en dehors de ceux qui sont obligés de le faire.
Je considère comme plus juste et plus utile d’aider le pauvre à s’enrichir que de s’enrichir soi-même et de maintenir le pauvre dans la dépendance de notre aide.
Notre époque est livrée à l’angoisse face à l’avenir devant les catastrophes écologiques, humanitaires et économiques annoncées ou déjà en cours. Quelle est la réponse de l’Église à ces angoisses ?
J’ai connu la pauvreté (relative) quand j’étais enfant et elle est porteuse d’angoisse. Je n’ai donc pas envie de faire la leçon aux pauvres. Mais je pense à 80 % des personnes vivant en France et qui sont plutôt riches, finalement. L’angoisse de perdre son magot quand on est riche est beaucoup moins justifiable.
Jésus dit : « Le Royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ et qu’un homme a découvert. Dans sa joie il vend tout ce qu’il a et il achète le champ » (Mt 13,44). Cela aide à relativiser.
Que pourrait proposer l’Église aux chrétiens pour rendre les termes de justice et de partage plus crédibles ?
Les solutions existent : micro-crédit, organismes de développement, commerce équitable, innovation verte, ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), militantisme politique ou associatif, journalisme, etc.
Les chrétiens pensent d’abord à ce qu’ils ne devraient pas faire, mais je crois qu’il est beaucoup plus important de penser à tout ce que l’on peut faire, par sa profession ou par son engagement.
LE THÈME
« Suivre Jésus-Christ dans un monde incertain ».
Pauvreté, changements climatiques, récession, insécurité, peur de manquer, mondialisation… Comment réagissons-nous, nous et nos Églises, à cette avalanche de mauvaises nouvelles ?
De quelle manière la mise en pratique du message biblique peut-elle inspirer des comportements alternatifs ?
« Ne vous conformez pas au monde… soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence… pour discerner ce qui est bien… »
Cela concerne-t-il notre façon de vivre la réalité économique d’aujourd’hui ?
En plus de l’intervention de Frédéric de Coninck, quelques témoignages du passé et les réflexions de la Commission de Jeunesse nous aideront à y réfléchir.