Restauration
Dans le livre d’Amos, les promesses de salut sont rares, car l’heure est à l’annonce du jugement. Gros plan ce mois sur Amos 9,8-15 qui annonce cependant une restauration, une bonne nouvelle… mais pour qui ?
Le livre d’Amos a de quoi surprendre le lecteur, comme l’oracle du prophète avait dû surprendre ses premiers auditeurs. Plus on avance et plus on a le sentiment que les charges de Dieu contre son peuple appellent un jugement qui s’accompagnera de grandes douleurs. La cinquième vision qui ouvre le dernier chapitre du livre ne vient pas démentir cette impression : « Je tuerai leur progéniture par l’épée » (9,1). Pourtant, le chapitre se termine avec des promesses de restauration et une espérance en des jours meilleurs. Après les menaces de destruction pas du tout appréciées, les promesses de reconstruction étonnent et, en fait, confirment l’intention arrêtée de Dieu de sévir.
ESPOIR AU MILIEU DU JUGEMENT
Contrairement à Jonas, lui aussi « prophète de malheur », Amos n’assiste pas à un changement radical chez ses auditeurs, ainsi qu’il aurait pu l’espérer : « Cherchez le Seigneur et vivez ! » (5,6). Malgré la froideur de son accueil à Samarie et à Béthel, et malgré le fait qu’à ce moment-là, tout aille bien pour ses auditeurs, Amos a quand même des paroles d’espoir pour eux.
La disposition de la première de ces paroles invite à la méditation : le verset 8c (chap. 9) « toutefois je n’irai pas jusqu’à détruire totalement la maison de Jacob » se situe entre deux menaces de destruction, au verset 8b « Je le détruirai, je le ferai disparaître de la terre… » et au verset 10 « Tous les pécheurs de mon peuple mourront par l’épée… » ! Dieu, qui voit tout (v. 8a), est bien déterminé à exécuter son jugement sur les coupables de Samarie. Comme les céréales sont passées au crible (v. 9),aucun ne pourra échapper. Au milieu de ces perspectives douloureuses, une lueur d’espoir brille encore pour le reste de la maison de Jacob.
PROPHÉTIE MESSIANIQUE
La suite des promesses, avec le relèvement de la hutte de David (9,11) a des accents de prophétie messianique, comme le judaïsme et les premiers chrétiens l’ont compris. En effet, quelques huit siècles plus tard, Jacques, présidant la conférence de Jérusalem (Ac 15,4-29), cite cette même prophétie en expliquant à l’Église que les païens convertis n’avaient pas besoin de se faire circoncire puisque, selon les prophètes, le rétablissement de la dynastie davidique s’accompagnait de l’intégration des non-Juifs au peuple de Dieu. Pour Jacques, il était clair que le règne messianique venait juste d’être initié par Jésus.
UNE RESTAURATION NON NATIONALISTE
Du temps d’Amos, les choses sont moins limpides. Il s’adresse à des Israélites qui ont rejeté la dynastie de David depuis plus d’un siècle. Et voilà qu’une future restauration devrait nécessairement passer par leur réintégration au royaume uni d’Israël. Pour Samarie, cela signifiait s’unir aux frères ennemis du sud pour voir s’élargir les frontières.
On le voit, les lendemains qui chantent pour Israël, dans la perspective d’Amos, n’avaient rien à voir avec le nationalisme expansionniste à la Jéroboam, et avaient peu de chance d’être qualifiés de bonne nouvelle.
Amos termine son oracle (9,13-15) avec une sorte de rappel des bénédictions prévues par l’alliance mosaïque (Lv 26,5) et dont le peuple s’était privé par son infidélité. Ces images de fertilité, d’abondance et de sécurité devaient souligner la fidélité et la souveraineté du Dieu de l’alliance, et inciter les auditeurs du prophète à revenir à Lui pour en jouir. Pour les riches Samariotes, l’avenir miroité par le prophète du sud ne pouvait rivaliser avec l’ici et maintenant que Jéroboam leur avait assuré.
Deux siècles plus tard, lorsque les exilés sont retournés sur leur terre, les paroles d’Amos (9,14) ont pris une tout autre perspective et ont contribué à forger l’attente messianique d’Israël.
RESTAURATION AU TRAVERS D’UN PEUPLE INTERNATIONAL
Les paroles de restauration de la prophétie d’Amos, revisitées par Jacques, et éclairées par l’Histoire, renvoient à la question de la constitution du peuple de Dieu. Israël devait être un peuple mis à part pour Dieu, porteur de sa justice, de sa miséricorde et de sa vérité. Amos, avec d’autres prophètes, déplore sa faillite, intente son procès et annonce une ère de renouveau sous la seigneurie du fils de David.
Le peuple de Dieu de cette ère a été purifié par le jugement de la croix ; il est caractérisé par l’absence de frontières ethniques, linguistiques et nationales. Toutes les nations sont invitées sur la base de leur foi dans le Messie.
Avec la disparition aujourd’hui de la chrétienté, comparable à la Samarie d’Amos, nous assistons au développement d’un peuple de Dieu sans frontière. Les bénédictions de l’alliance sont pour ce peuple, à condition qu’il soit porteur de la justice, de la miséricorde et de la vérité de son Dieu.
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UNE RESTAURATION… POUR LES AUTRES
« Après cela, je reviendrai et je relèverai la tente de David qui était tombée, j’en relèverai les ruines et je la redresserai, afin que le reste des humains recherchent le Seigneur, oui, toutes les nations sur lesquelles mon nom a été invoqué, dit le Seigneur, qui fait ces choses connues depuis toujours. »
CITATION DE AMOS 9,11-12 PAR JACQUES DANS ACTES 15,16-18