(Re)Découvrir le sermon sur la montagne
Et si les paroles de Jésus prises au sérieux changeaient les coeurs, les églises, le monde ?Deux DVD de Claude Baecher et un livre de John W. Miller réédité présentent le Sermon sur la montagne comme le chemin vers le royaume de Dieu. Interview.
Et si les paroles de Jésus prises au sérieux changeaient les coeurs, les églises, le monde ?Deux DVD de Claude Baecher et un livre de John W. Miller réédité présentent le Sermon sur la montagne comme le chemin vers le royaume de Dieu. Interview.
[b][c]Christ Seul :[/b][/c] Claude, le double DVD dont tu es l’auteur paraît à la même période que la réédition du Dossier de CHRIST SEUL de John W. MILLER consacré lui aussi au Sermon sur la Montagne : en quoi ce texte répond-il à un besoin de nos Eglises aujourd’hui ? [b][c]Claude Baecher :[/b][/c] Ecouter les paroles de Jésus, c’est fondamental pour l’Eglise de tous les temps. C’est l’enseignement le plus important pour l’Eglise depuis son origine. D’où la nécessité de nous ouvrir au « Sermon sur la montagne » (Matthieu 5 à 7). Pour cela, toutes sortes de supports sont utiles, le livre, les émissions TV, les DVD, etc. Si des témoins oculaires de Jésus ont, comme Matthieu, regroupé les paroles de l’enseignement de Jésus, c’est pour que l’on s’y attache sérieusement et que l’on n’invente pas autre chose. Selon la Parole de Jésus, le Règne de Dieu a commencé avec sa (première) venue et se poursuit.La forme de séquences TV d’un quart d’heure chacune permet, passage après passage, de mettre le message à portée de nombreuses personnes qui, dans la francophonie, n’aiment peut-être pas lire ou tout simplement préfèrent y réfléchir dans le cadre de groupes (de maisons ou d’Eglises). Cela ouvre en effet la possibilité d’un débat, d’une réflexion ou d’une action commune.
Je suis reconnaissant aux Eglises évangéliques, comme celles de l’union d’Eglises FREE, qui ont permis cette production TV en 18 émissions d’un quart d’heure. Bien des Eglises qui la composent sont elles aussi « fan » d’une théologie qui tient la route dans le réel de la vie et qui intègre la mission à l’éthique. Nombreuses sont les Eglises qui se réclament aussi de l’anabaptisme historique. Il y a donc pour tous la possibilité de repenser nos héritages dans le concret de la vie et de nous les réapproprier, car cet héritage est volatile.
[b][c]C. S. :[/b][/c] Sous quels angles nouveaux présentes-tu le Sermon, en regard du livre réédité ? [b][c]C. B. :[/b][/c] L’angle n’est pas nouveau, mais garde un caractère fortement interpellant. La Réforme radicale, c’est-à-dire celle qui va aux racines, s’appuie sur une grâce transformante, une grâce qui non seulement met en route, mais oriente la vie en faveur de la restauration des relations. J’ai donc simplement remis en évidence les fondamentaux de cette grâce en commentant les propos mêmes de Jésus. J’ai essayé de souligner la pertinence de son projet, tant pour l’époque de Jésus que pour notre temps. Il est valable pour tous les chrétiens. Je suis ravi que le livre de John Miller soit réédité en même temps que paraissent les émissions TV sur le sujet. Ce livre m’avait vivement touché en 1977, à l’époque en anglais. Dans la même perspective que ce livre, je cherche à montrer que Jésus était sérieux avec son appel et qu’il reste pertinent pour le salut du monde. Ce qui est commun à tout ce matériel, c’est que l’enseignement de Jésus concerne tant la transformation individuelle, la transformation des relations simples que la transformation des sociétés, même rongées par l’appât du gain et la violence. [b][c]C. S. :[/b][/c] Pour toi, quelles difficultés principales le chrétien rencontre-t-il en 2015 dans l’observance des prescriptions de Jésus en Matthieu 5 ? [b][c]C. B. :[/b][/c] Il faut tout d’abord tordre le coup à une idée fausse hyper présente dans les médias occidentaux de notre décennie, celle qui consiste à faire croire que les violences sont dues à tous les intégrismes religieux. Ne soyons pas dupes. Je veux bien le croire de nombre d’intégrismes, mais pas de l’évangélisme qui donne toute sa place à Jésus ! Au contraire, j’affirme non seulement que toutes les religions ne se valent pas, mais aussi que si l’on adhère à la totalité du message de Jésus, la violence trouve un remède inédit et nous conduit sur un chemin de paix. Je crois qu’en ce sens les disciples du Christ sont sel (antiputréfaction) et lumière (éclairante) du monde.La seconde difficulté est que nous avons, comme les pharisiens, la propension à faire des arrangements égoïstes avec la volonté de Dieu, généralement en en limitant la portée ou en reportant sa mise en pratique aux calendes grecques. L’avertissement de Jésus doit être pris au sérieux. Avec l’Evangile, c’est toujours le retour à une source pure. Ce retour périodique et sincère est indispensable. La foi n’est pas avant tout un grand show émotionnel ou sensationnel, et le lieu d’action de l’Esprit est le réel, pas d’abord le surnaturel. Jésus est le sauveur du tout de la vie.
[b][c]C. S. :[/b][/c] Dans un contexte de crise économique majeure, du terrorisme sanglant qui a touché notre pays récemment, comment nous chrétiens pouvons-nous vivre l’amour de nos ennemis ? [b][c]C. B. :[/b][/c] Seule la personne qui sait que cet enseignement est l’unique force qui permet de changer durablement les choses voudra le mettre en pratique dans des situations de manquement des choses élémentaires de la vie ou de l’hyper violence. Il nous faut admirer leur témoignage vécu par les chrétiens confrontés à ces situations et rester solidaires avec eux.Nous restons néanmoins fragiles. N’oublions jamais que Dieu a voulu mettre le trésor de l’Evangile et de sa présence dans des vases de terre (2 Co 4.7), c’est-à-dire des vases soumis aux pressions. Pas d’angélisme !
L’épisode du fou sur le sable (Mt 7) nous apprend que sans entraînement à la mise en oeuvre de cet enseignement quand tout va bien, nous ne pourrons pas le mettre en pratique dans les situations plus difficiles. Le refus de diaboliser, surmonter le mal en faisant le bien (Ro 12), tout en appelant un chat un chat, permet de confronter le mal en faisant précisément ce bien : c’est la justice qui vise à restaurer. L’aide de l’Esprit-Saint, avec une communauté où ces valeurs sont partagées, peut-être reçue. Il faut choisir son conditionnement.
[b][c]C. S. :[/b][/c] Tu évoques la corruption dont peut se rendre coupable le disciple du Christ à l’encontre de l’enseignement des Evangiles : nous pensions ce terme réservé aux criminels du pouvoir dans le monde…
Il est néanmoins possible de revenir à la source pure, par la repentance intelligente et une marche à la suite du Roi miséricordieux. Il faut, au fond, changer des habitudes mauvaises et sans grâce en bonnes habitudes. Une bonne habitude dans le sens du Royaume s’acquiert petit à petit, pas après pas.
La corruption n’est en effet pas que grossière et liée à un pouvoir méchant. Elle agit de manière bien plus subtile et commune. Les Evangiles sont là comme des épîtres pour nous garantir contre certaines dérives tragiques. Car cette corruption a son alliée en nous – et je ne m’exclus pas du « nous ». Elle peut avoir son alliée dans une institution, quelles qu
e soient du reste sa confession de foi et la gloire de ses débuts. Très facilement, nous nous retrouvons dominés par les peurs de manquer, les peurs de confronter, de n’être pas reconnus, par les calculs humains d’efficacité où nous choisissons de sauver notre peau en sacrifiant le prochain sur ces autels. Jésus nous garde de ces illusions. C’est pourquoi on ne peut suivre le Seigneur que joyeusement et humblement. Suivons le Seigneur, sans mélange. Jésus et son royaume doivent rester le trésor de nos communautés.