La réforme : une préparation dans le temps…

 Dans Christ Seul

Les causes derrière un mouvement historique aussi important que la Réforme sont multi­ples et complexes, à l’oeuvre depuis de longues années. Si Martin Luther est une personne clé, de nombreuses circonstances et trajectoires convergent vers 1517 pour créer un contexte qui lui permet d’avoir un impact énorme. Dans les lignes qui suivent, nous chercherons à relever plusieurs éléments « cachés » qui contribuent aux événements appelés aujourd’hui « la Réforme ».

L’ÉGLISE AUX COMMANDES DE LA SOCIÉTÉ

Nos sociétés contemporaines distinguent entre les domaines religieux et politique. L’Europe mé­diévale ne connaît guère cette séparation. Les rois et les empereurs sont chrétiens, de même que leurs royaumes. En réaction à la mainmise des seigneurs et princes sur l’Église dans leurs territoires, l’Église du 11e siècle a fortement cen­tralisé le pouvoir papal. En corollaire, l’Église affirmait son autorité sur le domaine politique. La bulle papale Unam Sanctam (1308) repré­sente le point culminant de cette prétention.

« Les paroles de l’Évangile nous l’enseignent : en elle et en son pouvoir il y a deux glaives, le spirituel et le temporel […]. Les deux sont donc au pouvoir de l’Église, le glaive spiri­tuel et le glaive matériel. Cependant l’un doit être manié pour l’Église, l’autre par l’Église. »

Chronique du concile de Constance d’Ulrich Richental : réunion des savants, évêques, cardinaux et de Jean XXIII (antipape) dans la cathédrale de Constance. Photo : Wikimédia

Chronique du concile de Constance d’Ulrich Richental : réunion des savants, évêques, cardinaux et de Jean XXIII (antipape) dans la cathédrale de Constance.
Photo : Wikimédia

LA PAPAUTÉ OU LE CONCILE ?

Les penseurs politiques souhaitent se défaire d’une telle autorité ecclésiale. Au 14e siècle, Marsile de Padoue affirme la souveraineté du peuple, début de la « laïcité de l’État ». En même temps, il pense que le pouvoir ecclésiastique suprême ne réside ni dans la papauté ni dans l’épiscopat, mais dans un concile composé de délégués laïques et ecclésiastiques représentant l’ensemble. En appelant à un concile en 1520, Luther se place clairement dans ce courant appelé « laïc ».

La papauté d’Avignon et le schisme papal qui s’ensuit (1378-1415) sont un scandale pour l’Eu­rope. L’Église « une » aura pendant cette pé­riode deux têtes rivales, chacune parlant « au nom de Dieu ». C’est par la tenue d’un concile à Constance (1414-1418), que l’Église met fin à ce schisme, proclamant que l’autorité finale dans l’Église réside dans le concile et non dans la papauté. Le mouvement conciliaire propulse un mouvement « réformateur ». On proclame haut et fort que l’Église doit être « réformée dans sa tête et dans ses membres ». Un siècle avant Luther, le besoin de « réforme » est officiellement constaté.

CLERCS OU LAÏCS ?

Le mouvement « laïc » n’était pas seulement un courant politique. Depuis longtemps, de nom­breux courants au sein de l’Église affirment l’im­portance des laïcs, critiquant une hiérarchisation trop prononcée. Déjà au 12e siècle, Pierre Valdo met en marche un mouvement « laïcisant » qui sera déclaré hérétique. Cependant et dans un même sens, avec François d’Assise, les « religieux » vont désormais vers le monde et au sein des nombreux « tiers-ordres » qui se mettent place, beaucoup de laïcs, hommes et femmes, chercheront à vivre leur vie chrétienne en « plein milieu du monde », dans le mariage et au travail. Lorsque Luther proclame­ra le « sacerdoce universel », cherchant à abolir le clivage entre « clercs » et « laïcs », il se place en­core une fois dans une trajectoire qui le précède.

DÉBATS THÉOLOGIQUES

La période médiévale connaît une multitude de débats théologiques. La plupart ont lieu au sein de l’Église. Précédant Luther d’un siècle, Jean Wy­clif (1320-1384) en Angleterre et Jean Hus (1369- 1415) en Bohême seront excommuniés. Beaucoup de leurs critiques théologiques anticipent Luther.

Ainsi, lorsque le 16e siècle arrive, la scène est préparée. Mais il s’agit d’un contexte particuliè­rement complexe. Certains historiens, comme Jean Delumeau, disent que l’Europe de 1500 est chrétienne de façon extérieure, une apparence qui couvre un fond païen légèrement christia­nisé. Marc Venard souligne la vitalité spirituelle de l’époque en relevant que « les signes de Dieu enveloppent l’existence tout entière, dans le quo­tidien comme dans l’extraordinaire ». Le désir de réforme exprime la conscience de ce qui ne va pas, de même que la nécessité du changement.

DÉSIR DE RÉFORME

Lorsque Martin Luther arrive, le désir de réforme est bien présent ; maintes idées et solutions ont déjà été débattues et avancées. Mais un bon remède dépend toujours d’un diagnostic exact. Faut-il d’abord viser la « papauté de la Renaissance » trop liée au luxe et au pouvoir ? Faut-il s’occuper des carences pastorales et de la formation des curés ? Les paroisses locales ne devraient-elles pas avoir une voix plus importante dans leurs propres affaires ? Les dîmes ecclésiastiques et les impôts des paysans ne sont-ils pas trop élevés, ne servent-ils pas à simplement enrichir des monastères et une hiérarchie aristocrate ? Les abus théologiques, telles les indulgences qui servent à financer la rénovation de la basilique de Saint-Pierre à Rome aux dépens du peuple allemand, ne sont-ils pas la première source de corruption ? A-t-on le droit de se séparer de l’Église « une » au nom d’une théologie particulière ? Selon le point d’entrée, la solution proposée ne sera pas la même, et solutions différentes il y aura. À suivre…

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