La richesse qui nous perd
Le livre d’Osée nous parle d’émotions à vif. Il comporte des passages bouleversants où Dieu fait part, sans détour, de l’amour qu’il a pour son peuple ; un amour qui n’est nullement payé de retour. Il contient aussi des critiques, quant à l’injustice du peuple, formulées avec des images qui font mouche : « Le droit pousse comme une plante vénéneuse sur les sillons des champs », lit-on, par exemple au chapitre 10 (v. 4).
MÉRITE
Ayant eu l’occasion de lire ce livre tranquillement, chapitre après chapitre, pendant une quinzaine de jours, je suis finalement tombé en arrêt devant ce dialogue d’une actualité presque incroyable : « Éphraïm dit : À la vérité, je me suis enrichi, je me suis acquis de la fortune. Mais c’est entièrement le produit de mon travail : on ne trouvera chez moi aucune faute qui soit un péché. Mais moi, je suis le Seigneur, ton Dieu, depuis le pays d’Égypte. Je te ferai encore habiter sous des tentes, comme aux temps de notre rencontre. » (Os 12.9-10)
Ne retrouve-t-on pas ici le discours répétitif du riche qui considère que ce qu’il a acquis est le fruit de son mérite et qu’il n’y a aucune raison morale pour qu’il soit solidaire de ceux qui ont moins que lui ?
FRAUDEURS ET FRAUDEURS…
À la vérité, lisant l’ensemble du livre d’Osée, on peut penser que celui qui parle ici s’illusionne sur son excellence morale. Osée ne cesse de dénoncer les passe-droits et les ententes qui pourrissaient la société de son temps. Cette vision tronquée de la justice nous est, elle aussi, bien connue. Pour donner un exemple, il est courant de jeter un soupçon sur la fraude aux prestations sociales. De fait, la CNAF (Caisse nationale des allocations familiales) repère, chaque année, environ 200 millions d’euros de fraude sur l’ensemble des prestations (RSA compris). Pendant le même temps, les redressements pour fraude fiscale atteignent 10 milliards d’euros chaque année, soit 50 fois plus ! Et l’évasion réelle, estimée par les services de l’État, est de l’ordre de 60 à 80 milliards d’euros. Voilà une actualisation dérangeante de la parabole de la paille et de la poutre : l’autre nous paraît toujours plus pécheur que nous. Alors essayons d’être un peu lucides sur nous-mêmes.
LA RENCONTRE OU L’ARGENT ?
Mais le plus triste, au fond, est que ce discours égoïste, fermé sur lui-même, ignore ce qui fait le sel et le sens de la vie : la rencontre de l’autre et la rencontre de Dieu. Là où le prophète parle d’amour, le peuple parle de son argent. Et la seule issue est de revenir aux temps du désert, à l’heure du dépouillement, là où la rencontre avec Dieu n’était pas obscurcie par les richesses matérielles.
« Quand Israël était jeune, je l’ai aimé, et d’Égypte j’ai appelé mon fils. C’est moi qui avais appris à marcher à Éphraïm, les prenant par les bras. Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour. J’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson contre leur joue et je lui tendais de quoi se nourrir. Mais ils n’ont pas reconnu que je prenais soin d’eux. » (Os 11.1,3-4)
Hélas …
Pour aller plus loin :
Marc Paré, Osée, c’est osé !, Dossier de Christ Seul 2/2013, Éditions Mennonites, Montbéliard, 80 pages