Un droit à mourir endormi ?
Une nouvelle loi « Créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » a été promulguée en février 2016. Elle complète et remplace certaines dispositions de la loi « fin de vie » d’avril 2005 qui avait instauré le droit du malade à refuser un traitement et le devoir du médecin de ne pas persister dans celui-ci s’il relevait de l’obstination déraisonnable. Quelles sont les nouveautés ?
1. LES DIRECTIVES ANTICIPÉES DU PATIENT DEVIENNENT CONTRAIGNANTES
Jusqu’à présent, les directives anticipées, écrites par le patient, étaient indicatives pour le médecin, elles deviennent contraignantes, mais pas opposables, c’est-à-dire que le médecin peut y déroger, mais qu’il doit le faire dans le cadre d’une consultation collégiale. Autre exception : en cas d’urgence vitale, accident, suicide, etc., les soignants apportent d’abord les premiers soins avant de consulter ces directives. Cette disposition oblige le médecin à l’écoute, mais a tendance à faire de lui un prestataire.
2. LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE EN PHASE TERMINALE DEVIENT UN DROIT
Quant au droit à mourir endormi pour ne pas souffrir, n’est-ce pas la mort idéale que tout le monde souhaite ? Mais la réalité de l’exercice de ce droit est plus compliquée que cette image idéale. Ce droit à la sédation est réservé aux personnes en fi n de vie, mais, comme se demandait un médecin, « à partir de quand est-on en fi n de vie ? ». D’autant plus qu’une personne qui n’est pas en fi n de vie peut demander d’arrêter des traitements vitaux et, dans ce cas, demander à bénéficier de cette sédation. La combinaison de directives contraignantes et du droit à mourir endormi s’approche dangereusement d’une euthanasie sur demande.
3. EN PRATIQUE
J’ai posé la question à un médecin en soins palliatifs pour savoir si cette nouvelle loi changeait ses pratiques et voici sa réponse.
« Précédemment, on aurait sans doute proposé une sédation intermittente dans une situation de souffrance existentielle. Mais si le patient la demande, et qu’il rentre dans les critères, on doit la lui donner. » (Dr L.T., médecin en soins palliatifs)
Face à un patient qui réclame son droit à mourir endormi, le médecin va donc avoir du mal à proposer des solutions alternatives qui seraient pourtant dans l’intérêt du malade lui-même. La solution technique de la sédation, qui est parfois justifiée, à partir du moment où elle devient un droit, risque de se substituer à l’accompagnement et à l’écoute de celui qui affronte l’angoisse de la fi n de vie.
POUR ALLER PLUS LOIN…
• Emmanuel Hirsch, Mort par sédation, une nouvelle éthique du « bien mourir ? », Éditions Érès, 2016.
• Voir aussi la déclaration de la Commission d’éthique protestante évangélique Sur la proposition de loi « Droits des malades en fin de vie et devoirs des médecins à l’égard des patients en fin de vie » (http://commission-ethique.com).
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