500 ans des Réformes : Vers des ministères translocaux pour les Eglises évangéliques
Troisième article de cette série au cours de l’année 2017, sur une autre manière de vivre les ministères. Par un jeune théologien des Eglises baptistes en France.
En cette année de célébration des Réformes du 16e siècle, une question surgit dans la plupart des esprits. Quelle Réforme pour l’Église d’aujourd’hui ? La question est essentielle, et concerne des réalités plus profondes que la couleur de la moquette de la salle de culte. Par exemple, et c’est ce que je développerai ici, je crois que nos Églises (les Églises évangéliques en général) gagneraient à mettre en place des ministères translocaux. Elles gagneraient en fidélité à l’Évangile, et en pertinence pour être et faire Église aujourd’hui.
Des ministères translocaux ? Qu’est-ce que c’est ?
Les ministères translocaux seraient exercés par des personnes qui, bien que membres d’une Église locale, accompliraient un service qui dépasse les frontières de cette même Église locale. Ils (ou elles) visiteraient les Églises d’une région donnée, pourraient accompagner les pasteurs, encourager l’implantation de nouvelles Églises.
Ce genre de ministères existe déjà dans nos dénominations, sous une forme ou une autre. Par exemple, les présidents de régions dans certaines unions, les conseils nationaux, le président d’union ou le secrétaire général, les congrès ou synodes sont autant de manière de vivre le ministère translocal. Mais qu’y a-t-il à réformer alors ?
En fait, les formes existantes du ministère translocal sont trop limitées à mon avis. Elles sont exercées par trop peu de personnes, au regard du nombre d’Églises et de membres de nos dénominations. De plus, ces mêmes personnes exercent ce ministère translocal en plus de leur temps plein de pasteur (ou autre), et n’ont donc que peu de temps à y consacrer. Dans nos Églises, l’accent tombe massivement sur les ministères locaux.
Les ministères translocaux dans le Nouveau Testament
Pourtant, dans le Nouveau Testament, la mise en œuvre de ce ministère translocal occupe une place majeure. Les apôtres voyagent d’Église en Église (Ac 8.14 ; 9.31- 32 ; 14.21), envoient des lettres (nous n’avons qu’un petit témoignage de cette activité épistolaire dans le NT), rassemblent des collectes pour soutenir les communautés en difficulté (1 Co 16.1‑4), etc.
On pourrait rétorquer que cette prévalence des ministères translocaux est liée au ministère apostolique et ne concerne donc que les temps des apôtres. Mais les collaborateurs de Paul, qui ne sont pas apôtres au sens fort (ils n’ont pas vu le Christ ressuscité), accomplissent un ministère similaire (Ac 19.22 ; 1Co 4.17 ; 2Co 7.7 ; 2Tm 4.10 ; etc.). Il y a donc quelque chose de ce ministère translocal qui vaut pour l’Église de tous les temps.
Les domaines visés par un ministère translocal
De tels ministres seraient avant tout des ministres de la Parole. Ils prêcheraient dans les Églises qu’ils visitent, mais aussi accompagneraient les pasteurs et autres responsables locaux (cela répondrait, au moins en partie, au besoin de vis-à-vis des pasteurs). Ils pourraient aussi organiser et animer des sessions de formations bibliques et théologiques régionales pour les chrétiens.
De plus, cela permettrait de réorganiser la formation des responsables locaux de manière plus intentionnelle. En effet, on déplore souvent le manque de formation des pasteurs évangéliques, et en parallèle, de moins en moins d’étudiants veulent suivre des cursus de formation à temps plein sur plusieurs années. Le fait d’avoir des ministères bien développés sur les deux plans, local et translocal, permettrait d’encourager les formations dites en cours d’emploi pour les responsables locaux, même si celles-ci n’équivalent pas à un master en théologie. Que l’on me comprenne bien : je ne préconise pas une formation au rabais pour les pasteurs (ce n’est d’ailleurs pas ce que sont les études en cours d’emploi). Seulement, ceux-ci pourraient suivre des formations plus courtes et plus adaptées au service qu’ils auront à accomplir, si les tâches qui nécessitent une formation universitaire plus poussée étaient accomplies par des ministres translocaux.
Le deuxième domaine directement concerné par la mise en place de ce type de ministère serait la multiplication d’Églises. Un ministre translocal serait plus à même d’avoir une vision régionale globale pour le choix d’un nouveau lieu d’implantation, de faire le lien entre la communauté naissante et les communautés déjà existantes, et de mobiliser des moyens humains et financiers au sein de ces dernières. Il serait aussi plus à même d’encourager des projets originaux et innovants, quelque peu « hors-normes ». En effet, lorsque l’unité de l’Église est manifestée par des personnes, la diversité se fait plus grande, car une personne assure l’unité de manière plus souple que des documents écrits (comme des confessions de foi, qui ont toute leur importance par ailleurs).
Et puis, pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, une union d’Eglises pourrait plus facilement encourager des formations pour implanteurs plus courtes et adaptées si elle est assurée que ceux-ci seront accompagnés par des ministres translocaux ayant plus de bagage théologique.
Enfin, le troisième domaine qui gagnerait en fidélité et en qualité est celui de l’unité de l’Église. L’unité de l’Église est un article de foi (Ep 4.1-7 ; cf aussi le symbole de Nicée-Constantinople), mais nous sommes appelés à manifester concrètement cette unité que nous recevons par la foi. Or, réfléchir aux ministères sur le plan de l’Église locale exclusivement, c’est manquer en partie cette manifestation. Les Églises locales, bien que pleinement Églises, doivent être liées entre elles, y compris structurellement. Concrètement, le ministre translocal pourrait par exemple aider les Églises dans le processus de réception des décisions prises à un congrès ou un synode.
Conclusion
Finalement, il me semble que la mise en place de ministères translocaux dans nos unions d’Eglises (et pourquoi pas, dans un deuxième temps, entre nos unions ?) est tout autant une question de fidélité à la Bible qu’une question missiologique. Des ministres translocaux avec un vrai temps de travail consacré pour ce service feraient gagner l’Église en pertinence pour aujourd’hui, en encourageant l’implantation d’Église, la formation des chrétiens et leur communion.
Bien sûr, la mise en place de ministères translocaux n’est pas une réponse magique aux défis contemporains rencontrés par l’Église. Ces ministères ne sont qu’un outil, et leur pertinence dépend donc en large partie de la manière dont on les met en œuvre. Là encore, la question de la fidélité à l’Évangile est de mise (par exemple, pour qu’un ministère soit vécu dans le service, et non dans l’autoritarisme, à la suite de Jésus lavant les pieds de ses disciples).
Thomas est marié et père de deux enfants. Il est actuellement en Master à la Faculté de Théologie de Vaux-sur-Seine. Après avoir vécu trois ans dans une communauté de vie œcuménique près de Dijon, il s’engage dans le ministère pastoral au sein de la Fédération Baptiste.