500 ans des réformes – Femmes et hommes ensemble au service

 Dans 500 ans des Réformes, Blog

Neuvième article de cette série, par Marianne Goldschmidt, qui plaide pour une juste place faite aux femmes et aux hommes dans l’Eglise !

Dans le contexte des 500 ans des Réformes au 16e siècle, nous continuons à rêver aux évolutions dont auraient besoin nos Eglises. Sans conteste, nous pouvons reconnaître que, au cours de l’histoire de ces années, d’une manière très variable selon les milieux d’Eglise, un certain féminisme a trouvé sa place dans les communautés de foi en Jésus-Christ. Comment en assurer un juste bénéfice pour tous si nous ne voulons pas que ce soit aux dépens de nos frères ? Comment avancer ensemble hommes et femmes dans la vie de nos Eglises qui cherchent à être témoins de Jésus ?

Certains considèrent que parler de féminisme religieux est antinomique. Par définition, les religions monothéistes ont favorisé le pouvoir des hommes et leur domination sur les femmes. Non pas que la loi ou les textes religieux soient misogynes à la base – plus d’une femme, sans qu’elle soit féministe affichée, y trouve une source de libération et de réconfort. Liliane Vana[1], talmudiste et philologue, spécialiste de la Halakha, la Loi juive, est fascinée par les textes de la Tora tout en déplorant que cette Loi n’est pas appliquée.

Nous pouvons pourtant reconnaître, comme Michel Rocard cité par Irène Frachon : « Le protestantisme m’est souvent apparu comme l’une des religions les moins coupables dans l’asservissement des hommes et notamment, critère majeur, des femmes.[2] »

Qu’en est-il dans nos Eglises mennonites ?

Nous avons sans conteste vécu une évolution dans l’accueil des femmes dans la vie de l’Eglise au niveau de tous les ministères. Des femmes, épouses, célibataires, mères de famille, grand-mères, occupent des postes de pasteur, d’enseignant, d’animatrice jeunesse, de pasteur itinérant, ce qui laisse penser qu’il y a de l’intentionnalité et de la créativité pour adapter un poste aux compétences et à l’appel de la concernée. Une belle évolution pour les femmes de ma génération qui ont vu nos chemins diverger avec ceux de nos collègues responsables de groupes de jeunes : pour eux, la destinée était toute tracée pour la fonction d’anciens, pour nous il fallait que nous fassions nos preuves… Nous avons écouté les textes bibliques, sans doute subi aussi les influences culturelles ambiantes plutôt encourageantes dans ce sens, nous avons reçu l’aval de nos frères pour nous essayer dans différents domaines.

Cela ne s’est pas fait sans heurt ni sans douleur. Le chemin ouvert par nos soeurs pionnières dans le ministère d’enseignantes au Bienenberg, entre autres, est source d’inspiration et de gratitude.

Même si nous percevons dans certaines Eglises le souci de ne pas donner dans l’air du temps avec le développement des ministères féminins, dans l’ensemble nous bénéficions d’un vent favorable, le souffle de l’Esprit, pour nous mettre au travail et au service.

Il paraît qu’il nous faut encore travailler à l’estime de nous, au manque de confiance qui nous caractérise et qui complique parfois la collaboration avec nos collègues au masculin. D’ailleurs, est-ce que nous nous sommes inquiétées au passage de ce que devenaient nos frères dans tous ces processus de changement ? On peut entendre, pas uniquement du cercle des hommes, quelque regret concernant l’encadrement exclusif de certains cultes par une équipe de femmes, la féminisation de nos liturgies, l’hyperémotivité de nos chants… Certain(e)s s’inquiètent : où sont les hommes ?

Où sont les hommes ?

Vraies ou fausses inquiétudes, au sein de nos Eglises, nous ne voulons laisser personne sur le carreau, et notre mission dans l’Eglise est d’avancer ensemble hommes et femmes, égaux devant Dieu, appelés les uns les autres à la suite de Jésus-Christ. Cette prise en compte réciproque n’est pas dans l’air du temps : la voix de l’avocate Mary Plard, qui plaide pour les pères en détresse avec son ouvrage « Paternités imposées : un sujet tabou »[3], semble crier dans le désert. Comment pouvons-nous unir nos efforts pour que le respect de l’homme et de la femme soit actualisé dans nos relations ? Pour que nous ne déclinions pas seulement nos relations sur le mode de la domination ou de la séduction ? Pour que la libération des unes ne cloue pas le bec aux autres ? Et que la reprise en mains des uns n’exclut pas à nouveau les autres ? Essayons quelques pistes.

 

Femmes et hommes ensemble

1.      En tant qu’êtres sexués, nous avons besoin les uns des autres. Un des effets recherchés par les théoriciens du genre est de pouvoir choisir son sexe, voire ses sexualités successives. Serait-ce une manière de rechercher   l’autosuffisance, de concentrer en soi la plénitude ? L’idéal dont les médias veulent nous faire rêver, c’est l’unisexe, l’androgyne, voire le transgenre qui embrasse en fait tous les possibles. Nous voulons réaffirmer notre interdépendance, notre besoin les uns des autres en tant qu’êtres limités marqués par la finitude. Le Seigneur qui nous a créés homme et femme à son image, souhaite pour nous cette perspective d’échanges relationnels que Jésus a vécus sur terre avec son Père.

2.      Valorisons les différences comme un lieu d’apprentissage et de régal, plutôt que de crispations, de compétitions et de rivalités. Comme le dit Valérie Duval Poujol[4] : « La place faite aux femmes de notre société est en réalité un marqueur de la capacité d’un système à faire de la place à « l’autre » différent de moi. » Nos rencontres, nos réflexions, nos ministères gagnent en richesse, en saveurs, en joie avec nos diversités conjuguées. Des rencontres en vérité nous libèrent de stéréotypes de genres qui sclérosent nos échanges. Une femme a le droit de raisonner sans qu’on s’en émerveille et un homme peut prêter attention à son apparence sans qu’on s’en offusque…

3.      Evitons d’attribuer un genre aux valeurs : la douceur, la générosité, l’écoute seraient des qualités féminines et la force, la violence, l’affirmation de soi seraient purement masculines et à fuir… Ensemble hommes et femmes avons à découvrir comment incarner les fruits de l’Esprit. Que dans nos Eglises, la tendresse au masculin puisse être accueillie et la présidence au féminin appréciée. Les études sur le masculin et le féminin témoignent d’une grande diversité possible dans l’expression de mêmes sentiments et compétences. Sous un regard bienveillant, nous réalisons que nous sommes ciselés de traits au féminin et au masculin.

4.      Notre mission à tous, hommes et femmes est de transmettre la vie, d’en faire surgir les formes nouvelles, d’inventer des réponses inédites aux défis de notre temps. Si les femmes détiennent le pouvoir de la transmission de la vie d’un être humain (et pour beaucoup le machisme serait une réponse à cette injustice de base !), elles font bien de se rappeler que leur rôle n’est pas exclusif dans cette histoire et pas seulement à ses débuts ! Quoi que revendiquent les appels pour une évolution des lois sur la bioéthique, il nous faut être ensemble homme et femme pour procréer ! La participation de l’homme peut s’avérer très congrue dans l’histoire d’en enfant à naître, mais ce qui est fragile nécessite notre attention toute particulière. Comme pour la parole qui se donne parfois dans un souffle fragile, sachons reconnaître la réciprocité. Sachons prendre soin de ce qui nécessite notre collaboration à nous hommes et femmes pour vivre et s’épanouir.

Si, durant les dernières années, nos Eglises ont été un lieu de libération pour les femmes, restons vigilants : telle la Parole de Dieu dans un monde hostile, nos différences entre hommes et femmes sont devenues ténues et fragiles. Nous voulons continuer à inclure hommes et femmes dans le grand projet de Dieu pour que nous vivions de cette parole fondatrice : « Dieu créa les humains à son image : il les créa à l’image de Dieu ; homme et femme il les créa. » (Ge 1.27). Et en réponse à l’appel de Jésus, nous voulons, hommes et femmes, faire connaître la vie éternelle.

Marianne Goldschmidt, Eglise de Saint-Genis/Bellegarde

 

Notes
[1] Le Monde des religions, Ces femmes qui bousculent les religions, n° 84, juillet-août 2017, p. 46.
[2] Hebdomadaire Réforme, n° 3687 du 5 janvier 2017.
[3] Mary Plard, Paternités imposées :  un sujet tabou, Les liens qui libèrent, 2013.
[4] Hebdomadaire Réforme, n° 3687 du 5 janvier 2017.

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