Le caractère : un bouquet de fleurs et un pilote automatique
Notre caractère est comme un bouquet de fleurs. Les qualités et les défauts qui constituent notre nature profonde forment ensemble notre caractère. Il y a là, espérons-le, de la bienveillance, mais peut-être aussi un peu d’agressivité. Nous y trouvons de l’humilité, mais éventuellement aussi de l’orgueil. Il y a là, nous l’espérons, la qualité douceur, mais peut-être aussi le défaut colère. Ainsi, chacun a son bouquet de qualités et de défauts qui constituent ensemble son caractère.
DU PLUS PROFOND DE MOI-MÊME
Ce caractère fonctionne comme un pilote automatique. Il dirige mes actions quand je ne tiens pas moi-même le volant solidement. Cela se produit le plus souvent quand je suis stressé(e), quand je perds le contrôle de moi-même et quand personne ne me voit. C’est pour cette raison qu’un proverbe dit : « Le caractère, c’est faire ce qui est juste et bon, même quand personne ne vous voit », et on peut ajouter, même quand il n’y a pas de prescriptions à suivre, même quand je ne risque pas de perdre la face et même quand personne ne me promet une récompense ou ne me menace d’une sanction. Le caractère, ce que je suis et ce que je fais, est déterminé par ce qui sort du plus profond de moi-même.
MAIS COMMENT PEUT-ON F O R M E R U N B O N C A R A C T È R E ?
L’an dernier, j’ai participé à un trekking dans le massif de l’Annapurna. Ce fut un grand défi : randonner pendant huit jours, de six à huit heures chaque jour en haute montagne, la plupart du temps au-dessus de 3 000 mètres. Pendant toute une année, j’avais ce but devant les yeux. Et j’ai réfléchi à ce qu’il fallait faire pour arriver à réaliser ce projet. Après cela, je me suis entraîné : jogging régulier, quelques grandes randonnées dans les montagnes suisses et un bilan de santé chez le médecin. Le trekking fut une expérience grandiose et j’étais plutôt fier d’y être parvenu, à 66 ans.
TENDRE VERS UN BUT
C’est à peu près comme cela que le philosophe Aristote se représentait la formation du caractère. Il faut avoir un but. Pour lui, le but ultime était la « félicité » (eudaimonia). Et pour atteindre ce but, il faut savoir quelles vertus sont nécessaires. Pour Aristote, le courage, l’honnêteté, l’intelligence et la modération sont les principales vertus qu’une personne doit avoir, si elle veut atteindre le but, connaître une vie épanouie. Ensuite, il faut s’entraîner.
Il est intéressant de constater que la Bible contient des idées analogues.
Il y a un but. Ce but ne consiste pas simplement à arriver « au ciel », mais bien plutôt à devenir des citoyens du royaume de Dieu, et ceci, non pas à un moment donné dans le futur, après notre mort, mais déjà ici et maintenant, pendant notre vie. Dans le Sermon sur la montagne, la communauté des citoyens du royaume des cieux est décrite comme la « ville sur la montagne » (Mt 5.14), avec un ordre social visible qui est perçu comme une lumière dans ce monde. On reconnaît les habitants du royaume de Dieu à leurs actes (Mt 5.16). Ces actes ne sont pas régis par des commandements et des prescriptions divins auxquels les personnes se soumettraient docilement. Non, dans les actes de ces personnes, quelque chose de la nature et du caractère de Dieu se manifeste. Cette nature de Dieu trouve son expression la plus profonde dans la miséricorde (Lc 6.36) et dans l’amour pour les ennemis (Mt 5.43-48). Le but est donc une communauté dont les membres reflètent quelque chose de la nature et du caractère de Dieu.
DES QUALITÉS À DÉVELOPPER
Mais, là aussi, certaines qualités sont nécessaires pour atteindre le but. Ces qualités sont énumérées dès le début du Sermon sur la montagne, dans les Béatitudes : l’humilité, la compassion face à la misère du monde, l’absence de violence, la soif de justice, la miséricorde, la pureté du coeur, l’esprit de réconciliation, la recherche de la paix, l’acceptation de l’opposition par amour de la justice. Plus nous arrivons à cultiver le bouquet de ces qualités, plus grande sera la lumière produite par la ville sur la montagne. Donc, si nous voulons être cette ville sur la montagne, nous devons développer les qualités des Béatitudes. Il ne s’agit pas d’observer, avec plus ou moins d’opiniâtreté et plus ou moins de succès, des commandements et des prescriptions divins, il s’agit d’une transformation intérieure profonde de notre caractère. Il ne s’agit pas de maîtriser notre action par la force de notre volonté, il s’agit du changement de notre nature. Il s’agit en quelque sorte d’une reconfiguration de notre pilote automatique de façon à ce que nous devenions, à partir de notre être intérieur, des personnes qui ont le royaume de Dieu devant les yeux et qui, animées par leur nature profonde, vivent les qualités du royaume de Dieu.
Belle perspective ! Mais la question demeure : comment cela peut-il se faire ? Aristote nous dit : il faut s’entraîner, s’entraîner et encore s’entraîner ! L’entraînement n’est certainement pas une mauvaise chose, mais la Bible nous dit encore autre chose. Jésus en parle au milieu du Sermon sur la montagne (Mt 6). Nous verrons cela dans le prochain article. Rendez-vous dans deux mois !
Traduction : Frieda Manga