La vie derrière les barreaux

 Dans Christ Seul

L’emprisonnement de personnes effectivement dangereuses, la surpopulation, la tension et la violence parfois entre les personnes, et les incidents plus ou moins graves largement médiatisés, contribuent à entretenir la représentation collective de la dangerosité de la vie en prison, malgré les témoignages d’une autre réalité¹. La majorité de la population ignore ce qui se passe réellement à l’intérieur et l’ignorance nourrit l’imaginaire collectif.

QU’EN EST-IL RÉELLEMENT ?

Le lieu de privation de liberté où je vous emmène maintenant est la maison d’arrêt d’Épinal où j’exerce le ministère d’aumônier depuis sept ans. Au 31 octobre 2019, cet établissement comptait 250 détenus pour 294 places, selon les statistiques officielles sur justice.gouv.fr, dont une quinzaine de femmes et des mineurs. Il comprend aussi un quartier de semi-liberté. La durée moyenne d’incarcération est d’environ six mois.

À son entrée en détention, le nouveau détenu – prévenu ou condamné – est conduit au quartier « arrivants ». Les aumôniers y ont accès sous la conduite des surveillants. Nous y venons régulièrement pour informer les détenus de notre présence dans l’établissement et leur faire part de notre disponibilité pour les rencontrer, les écouter, s’ils le souhaitent. Ce premier contact est déterminant pour la suite de nos rencontres. L’aumônier peut avoir à accueillir des paroles chargées d’émotions (peur, angoisse, souffrance, parfois de la colère…) si le détenu est incarcéré pour la première fois ou s’il n’a pas eu le temps de prendre des dispositions par rapport à ses proches.

D’ABORD ÉCOUTER

Photo : Larry Farr

L’aumônier doit être particulièrement attentif, à l’écoute de la personne qui raconte son vécu immédiat, sa vérité. C’est un partage, même si le détenu accapare la parole ; le fait d’accueillir ses paroles de manière attentive et sans jugement est pour lui une réponse à son besoin immédiat : quelqu’un lui prête attention ; il a peut-être eu l’impression de ne pas avoir été écouté et il en a souffert ou il en est révolté.

Le passage au quartier « arrivants » dure de cinq à dix jours. Le détenu rejoint ensuite un des trois étages de la détention où il partage une cellule avec un autre. Le programme de la journée peut être très différent d’un détenu à l’autre : aux mêmes heures, certains restent en cellule, d’autres participent aux activités de l’établissement, d’autres encore sont en promenade, au travail, au parloir, à l’école…

AU FIL DES MOIS

Encore maintenant, lorsque j’entre dans une cellule, j’ai beaucoup de mal à imaginer comment je pourrais vivre dans un espace aussi réduit à deux (12 m²), d’autant plus qu’ils sont nombreux à ne sortir qu’1 heure 30 deux fois par jour pour la promenade ou le sport.

Chaque binôme a son fonctionnement propre, l’atmosphère de chaque cellule est différente. Je n’oublie pas que j’entre dans un espace privé (c’est le seul espace de liberté qui leur reste). Je ne visite pas un drogué, un voleur… mais je viens à la rencontre d’une personne. Il est facile d’engager un dialogue car le détenu qui demande à voir l’aumônier a besoin de parler, de dire où il en est, ce qu’il ressent, quelle est sa situation, quels sont ses problèmes et ce d’autant plus qu’il se sent écouté sans jugement. Bien souvent, les situations décrites trouvent un écho dans un texte de la Bible (une parabole, un psaume, un épisode de la vie de Jésus…). Ce moment de lecture est paisible, hors du temps, la Parole produit son effet. Il est plus facile lors des rencontres suivantes de parler de Christ, d’aller plus loin dans la découverte de la Bible, de lui proposer de prier avec et pour lui, pour sa famille s’il est d’accord.

Mon collègue et moi, nous nous réunissons avec ceux qui le souhaitent un samedi par mois pour partager un texte de la Parole. C’est un « temps de culte » pour louer, chanter, prier… et pour mieux se connaître ensuite.

En guise de conclusion, je vous livre une citation de Tania Metzel, aumônier général du culte protestant de 1963 à 1983 : « Quand je suis entrée pour la première fois en prison, je pensais qu’il fallait y faire pénétrer le Christ. Je me suis vite aperçue qu’il ne m’avait pas attendue pour être là. »

¹ Voir par exemple le reportage de France 3 sur la maison centrale d’Ensisheim : https://www.youtube.com/watch?v=Y21ihDNO4kA

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